AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur La Grande Beune (26)

C’était impressionnant. C’était nu. C’était la coupole de Lascaux à l’instant exact où y entrèrent les vieux célibataires, andouillers dessus, quand dans les torches leur cœur bondit ; quand se dévoila pour eux seuls l’impeccable étendue de calcite toute blanche, moelleuse, lisse, à peine grenue mais avec un grain tout de même qu’ils effleuraient du bout des doigts, ce mondmilch un peu grenu donc et calmement débordant de candeur, ce grand drapé tendu, servi comme sur un chevalet entre un liseré tout droit de quartzite plus noire et un plafond bulbeux, pesant, secret.
Commenter  J’apprécie          80
La nuit tombait, les étoiles affûtées se clouaient là-haut. Les haches frappèrent plus mat dans mon dos, l’arbre croula dans un fracas de porte de grange que le vent ouvre et claque. Les lumières s’allumaient dans Castelnau. Il y avait encore sur la grande nuit une main de blanc pur à l’ouest. La reine était au bas du pré, haut talonnée comme une grue, nue sous son falbala comme un poisson qu’on écaille. Ses reins bougeaient. Je pensai à ce qui les avait bougés tout à l’heure davantage. Je pensai à son enjouement, à sa cruelle élégance ; à l’orgueil d’être belle ; à la honte qui froissait sa voix haut perchée ; à ce qu’était son cri.
Commenter  J’apprécie          10
Elle regardait venir les enfants et m’abandonnait son profil, comme si elle ne m’avait pas vu : cette lourde coquetterie me fouetta autant que l’aurait fait sa nudité. Son haleine s’arrêta ; lentement elle me fit face, et avec un regard que le ravissement exaltait mieux que les sequins, mieux que le diadème corbeau et la bouche éclatée, elle me donna son beau visage noyé, ses pommettes bouillantes, ses yeux fixes ; ses narines frémissaient ; elle renversa un peu la tête vers la gauche comme pour regarder vers le bois, mais avec une lenteur affectée et sans me quitter des yeux : elle avait sur la droite ainsi découverte, épargnant le grain de beauté mais la poignant au plus plein, largement bourgeonnant au cou, fleurissant plus bas sous le carrick et effleurant la joue d’un pétale abject, la marque épaisse, boursouflée de sang noir et plus meurtrie qu’un cerne, plus mâchée que ses lèvres, que laissent avec éclat les fouets.
Le feu que cette vision fit circuler dans mes veines aurait dû m’arracher un cri. Rien ne pouvait égaler la mise à nu de ce visage où soudain avaient bondi comme ses autres lèvres, les fraises de ses seins. Son regard glorieux était planté dans le mien, je le saisissais et elle rougissait interminablement.
Commenter  J’apprécie          00
Je sortis en coup de vent de la boutique : je ne sais quel pressentiment étranglé me fit prendre à fond de train la route des Martres ; sous les âcres noyers, je me retenais pour ne pas courir : le froid pur m’aiguisait, le monde était un nylon glacé, un fabuleux apprêt sous quoi palpitait je ne savais où une chair bouillante qu’il me fallait saisir, dont il me fallait brûler ; je voulais le soulever et qu’il crissât. Mes oreilles bourdonnaient, je n’étais plus à moi. Il y a une longue ligne droite après la sortie du bourg, plus loin que les noyers, avant les bois, tout entourée de grands champs ; mon regard durement fouillait ces champs, se portait aux confins, remontait aux lisières, tous lieux où mille fois naissait Yvonne dans ses bas, blanche, les reins nus dans le froid, mordue, jetée hors du bois dans les sévices de l’hiver et de mon esprit.
Commenter  J’apprécie          00
Jean-Gabriel Perboyre n’était pas percé de flèches plus brûlantes ni plus écroulé contre sa souche que je ne l’étais contre la mienne, me donnant du plaisir avec des mains qui n’étaient plus moi, qui étaient à elle : les délices dont elle me combla, qu’elle me donna bien elle-même dans un sens, car je suis sûr que ça n’était pas à son insu, sont les plus aiguës qui m’aient jamais traversé. D’autres fois elle ne venait pas du tout.
Commenter  J’apprécie          00
les mains dans les poches de son imper, la tête haute, la |... la reine, à ma hauteur s’arrêtait, me parlait du mauvais temps, me disait gentiment que je fumais trop ; je répondais sur le même texte, je tombais dans son sourire, je voulais garder cette goutte de pluie prise dans le duvet de sa joue, hésitant, coulant. Le violet de ses cernes me déchirait, son parfum dans le bois me poussait au ventre. Elle s’éloignait, ses jupes bruissaient plus haut que les arbres, les talons transperçaient les feuilles tombées.
Commenter  J’apprécie          00
Je ne crois guère aux beautés qui peu à peu se révèlent, pour peu qu’on les invente ; seules m’emportent les apparitions. Celle-ci me mit à l’instant d’abominables pensées dans le sang. C’est peu dire que c’était un beau morceau. Elle était grande et blanche, c’était du lait. C’était large et riche comme Là-Haut les houris, vaste mais étranglé, avec une taille serrée ; si les bêtes ont un regard qui ne dément par leur corps, c’était une bête ; si les reines ont une façon à elles de porter sur la colonne d’un cou une tête pleine mais pure, clémente mais fatale, c’était la reine. Ce visage royal était nu comme un ventre : là-dedans les yeux très clairs qu’ont miraculeusement des brunes à peau blanche, cette blondeur secrète sous le poil corbeau, cette énigme que rien, si d’aventure vous possédez ces femmes, ni les robes soulevées, ni les cris, ne dénoue. Elle avait entre trente et quarante ans. Tout en elle était connaissance du plaisir, celui sans doute qu’on entend d’habitude, mais celui aussi qu’elle dispensait à tous, à elle-même, à rien quand elle était seule et ne se voyait plus, seulement en posant là le gras de ses doigts, en tournant un peu la tête et alors les sequins d’or qu’elle avait aux oreilles touchaient sa joue, en vous regardant ou en regardant ailleurs, et ce plaisir était vif comme une plaie ; elle savait cela ; elle portait cela avec vaillance, avec passion. Allons, on ne peut en parler ; non, ça n’est pas né de l’argile : c’est comme le battement furieux de milliers d’ailes en tempête et il n’y a pas pourtant de matière plus comble, plus lourde, plus enferrée dans son poids. Le poids de ce mi-corps somme toute gracile en dépit de l’évasement des seins était considérable. Des paquets de cigarettes bien rangés derrière elle l’auréolaient. Je ne voyais pas sa jupe ; c’était pourtant là derrière le comptoir, démesuré, insoulevable. La pluie brusque dehors fouettait les vitres : je l’entendais crépiter sur cette chair intacte.
Commenter  J’apprécie          10
Elle souriait. Ses rides dans ce sourire s’ordonnaient à merveille. Elle ferma sa porte, tripota des interrupteurs, tout s’éteignit, me levant je dormais déjà, j’étais n’importe où, dans des pays où les renards passent dans les rêves, et au cœur du brouillard des poissons qu’on ne voit pas sautent hors de l’eau, y retombent avec un bruit mat, au fin fond de la Dordogne c’est-à-dire nulle part, en Valachie.
Il plut pendant tout septembre.
Commenter  J’apprécie          00
Pendant des années innombrables des rennes transhumèrent, qui de l’Atlantique remontaient au printemps vers l’herbe verte de l’Auvergne dans le tonnerre de leurs sabots, leur immense poussière sur l’horizon, leurs andouillers dessus, la tête morne de l’un appuyée sur la croupe de l’autre ; et là, dans le goulet crapuleux que forment s’embrassant la Vézère, les deux Beune, l’Auvézère, on les attendait avec les limandes, des becs de perroquet, des haros ; et les mangeurs de lichens de loin entendaient les tambours, voyaient des feux si c’était la nuit et le jour voyaient la fumée, mais sans dévier ils prenaient vers les tambours, s’étiraient dans les étroitures au bord de l’eau, tremblants.
Commenter  J’apprécie          00
Tout était gorgé d'eau, les argiles détrempées, blêmes, collaient aux semelles, les pluies de cet hiver pourri s'égouttaient là-haut, ruisselaient en mille endroits ; je pensai aux énormes vidanges de cinquante siècles qui s'étaient engouffrées là-dedans, quand se débâclaient les grandes glaciations. Il faisait plus doux que sur terre : cette chaude haleine ajoutait comme toujours au malaise d'être plus bas que les morts, comme si vous soufflait dessus une bête pendue à ces voûtes, rampant à l'aise sur ces sables pourris, toujours vous précédant hors du faisceau de la lampe mais par-dessus son épaule braquant sur vous son mufle et vous attendant au tournant, une grande abstraction ambulante, chaotique et toute prête à s'incarner pour peu que la lampe s'éteigne, quelque chose de plus aigu qu'Anubis et plus épais qu'un bœuf, le miasme universel à tête de mouton mort, à dents de loup, tout droit sur vous dans les ténèbres et vous regardant.
Commenter  J’apprécie          10






    Lecteurs (439) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les Amants de la Littérature

    Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

    Hercule Poirot & Miss Marple
    Pyrame & Thisbé
    Roméo & Juliette
    Sherlock Holmes & John Watson

    10 questions
    5287 lecteurs ont répondu
    Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

    {* *}