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3,73

sur 628 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Tropique du Cancer appartient à cette catégorie de livre dont je connaissais tout à fait le nom et la renommée... mais pas du tout le sujet ! Au vu du titre, et parce que je pense que je savais aussi qu'il s'agissait d'un auteur américain, je m'imaginais confusément un récit à la Conrad, sur une île tropicale remplie de moustiques...

Pour ceux qui en seraient au même niveau que moi à l'époque, n'attendez pas trop d'exotisme ici, si ce n'est celui d'un Américain à Paris. Ce que nous offre Miller, c'est une autobiographie volontairement choquante, mélange assez jouissif, patchwork qui vous fait passer par tous les sentiments. Il reste choquant à notre époque, surtout finalement par une misogynie assumée qui devait sembler beaucoup plus naturelle à l'époque. A son époque, c'est plutôt certaines scènes sexuelles décrites de façon très crues qui ont pu justifier des actions en justice pour obscénité à sa sortie aux Etats-Unis, en 1961.... plus de 25 ans après sa sortie en France pourtant.

Le grand talent de l'auteur se révèle notamment dans des envolées surréalistes oniriques où des pépites surgissent du fouillis habituel de ce genre. Des passages philosophico-désabusés sur l'humanité, le rôle des artistes, la religion sont extraordinairement profonds. L'alternance avec des scènes du quotidien d'artistes débauchés à Paris, ressemblant parfois aux personnages d'un certain Steinbeck dans son Tortilla Flat par exemple. Ils sont le plus souvent pitoyables avec les airs de grandeur qu'ils cherchent à se donner dans leur misère ou leurs débauches.

Quand on commence sa lecture, on se dit d'abord "Mais où donc suis-je tombé ?". L'auteur semble rechercher un lecteur courageux, persévérant, et il ne lui offre réellement le coeur de son récit qu'après avoir tenté de le perdre dans ses élucubrations. Mais j'ai eu l'étrange impression que la profondeur du propos n'était possible que grâce à une certaine futilité de l'enrobage. Les transitions entre les sujets sont subtiles et certaines constructions stylistiques sont tout simplement géniales. A titre d'exemple, l'auteur ironise d'abord sur les concerts de musique classique, lieu parfait de l'ennui mondain, auto-torture que s'imposent des gens qui n'y comprennent rien... avant de faire s'envoler ses phrases avec la musique quand il est lui-même transporté, comme à son corps défendant.

Le livre regorge de moments comme celui-là, comme une montagne russe littéraire, où les descentes ne sont grisantes que parce que les montées auront été d'autant plus lentes et raides.Le voyage que propose Miller ne conviendra sans doute pas à tout le monde, mais j'y ai trouvé ce que je viens régulièrement chercher en littérature: l'étonnement, le trouble et l'admiration devant le talent.
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Je ne m'attendais pas à un tel déferlement littéraire avec ce livre, qui charrie tant de choses dans son flot furieux. En revanche je pensais évidemment lire beaucoup de scènes scabreuses, puisque c'est le cliché qui entoure les livres d'Henry Miller. Mais la puissance de ce texte va bien au-delà des scènes très crues, qui lui ont pourtant valu de ne pas pouvoir être publié avant les années 1960 alors qu'il avait été écrit en 1934. Ce roman total, dans lequel les éléments autobiographiques sont présents mais réinventés, témoigne d'un très grand appétit de vivre contre les conventions de son époque.
Le Paris des années 1930 n'est guère enjolivé ! le narrateur, qui se veut écrivain, vit de travaux précaires, de débrouille et de parasitisme. Il trouve toujours un coin ou dormir et un ami compréhensif pour payer ses repas et surtout ses innombrables verres d'alcool. Mais le lecteur suspend son jugement tant la volonté de vivre du narrateur est grande et son refus de tout ce qui aliène définitif.
Les références littéraires sont nombreuses dans le texte (notamment Walt Whitman), qui souvent s'emballe et devient alors poème en prose. Je l'ai trouvé d'une étonnante fraîcheur. Mais n'est-ce-pas la marque des plus grandes oeuvres que de traverser le temps et de paraître avoir été écrites le jour même ?
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Ce livre est une claque, une révélation, un coup de poing dans la tronche ! En ces temps hygiénistes, puritains et aseptisés, voilà une langue sans retenue, un narrateur-auteur accro au sexe, aux putes, à la bouffe, sale, pique-assiette et squatteur de canapés ! Un artiste qui se veut écrivain mais n'écrit pas, correcteur dans une feuille de chou puis prof qui n'enseigne pas en province... Quelle fraîcheur... Je vais m'en tenir à quelques citations, que je trouve sublimes (et je vous recommande au moins de lire le chapitre XIII, qui peut se lire à part car est une totale digression par rapport au récit) :
"Si de siècle en siècle paraît un homme avec un regard désespéré, avide, dans les yeux, un homme qui mettrait le monde sens dessus dessous afin de créer une nouvelle race, l'amour qu'il apporte au monde est changé en bile et devient un fléau. Si de temps en temps nous rencontrons des pages qui font explosion, des pages qui déchirent et meurtrissent, qui arrachent des gémissements, des larmes et des malédictions, sachez qu'elles viennent d'un homme acculé au mur, un homme dont les mots constituent la seule défense, et ses mots sont toujours plus forts que le poids mensonger et écrasant du monde, plus forts que tous les chevalets et toutes les roues que les poltrons inventent pour écraser le miracle de la personnalité. Si un homme osait jamais traduire tout ce qui est dans son coeur, nous mettre sous le nez ce qui est vraiment son expérience, ce qui est vraiment sa vérité, je crois alors que le monde s'en irait en pièces, qu'il sauterait en mille miettes, et aucun Dieu, aucun accident, aucune volonté ne pourraient jamais rassembler les morceaux, les atomes, les éléments indestructibles qui ont servi à faire le monde."
"Quand je pense que la tâche que l'artiste assume implicitement est de renverser les valeurs existantes, de faire du chaos qui l'entoure un ordre qui soit le sien, de semer la lutte et le ferment si bien que par la détente émotive ceux qui sont morts puissent être rendus à la vie, alors je cours avec joie vers les grands qui sont imparfaits, leur confusion me nourrit, leur balbutiement est musique divine à mes oreilles. Je vois dans les pages magnifiquement boursouflées qui font suite aux interruptions, je vois qu'ils ont rayé les mesquines intrusions, les marques de pas sales, si l'on peut dire, des lâches, des menteurs, des voleurs, des vandales, des calomniateurs. Je vois dans les muscles gonflés de leurs gorges lyriques l'effort étourdissant qu'il faut faire pour lancer la roue, pour reprendre l'allure là où l'on s'est arrêté. Je vois que derrière les ennuis et les intrusions quotidiens, derrière la malice mesquine et clinquante des faibles et des inertes, se dresse le symbole du pouvoir décevant de la vie, et que celui qui veut créer l'ordre, celui qui veut semer la lutte et la discorde, parce qu'il est tout imbu de volonté, un tel homme se doit d'être conduit encore et encore au bûcher et au gibet. Je vois que derrière la noblesse de ses gestes se tapit le spectre du ridicule de tout ça -- je vois qu'il n'est pas seulement sublime, mais encore absurde."
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— le rêve parisien de Miller se transforme en cauchemar tant son vagabondage est tâché de souillures, sous un ciel couleur pourpre. Ses obsessions sexuelles deviennent le terreau d'une peinture en décomposition de la ville, qu'il recouvre d'un voile répugnant aux teintes sombres. Les entrailles parisiennes l'avalent tels des sables mouvants, et il tâche de s'en extirper "comme un archange aux ailes trempées de boue et de sang". Son jugement de l'Amérique puritaine passe par la célébration de la luxure, dans un déferlement rhapsodique d'images obscènes et surréalistes ; Miller donne un coup de pied provocateur à une standardisation du monde.
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Le génie de Miller est ici à son zénith !
Avec "Jours tranquilles à Clichy", c'est le sommet de son art.
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Je l'a lu il y a longtemps et m'en reste le souvenir d'une lecture prenante bien loin de ce que l'on pouvait en dire. Un grand écrivain évidemment facile d'accès et trépidant
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Ecrivain génial. du style. Des moments de vie quelque fois pépités (rendus pépites par l'homme-écrivain Henry).
Quelques longueurs toutefois, d'où pas 5 étoiles.
Mais mais mais... Merci, Henry.
Et bravo à Henri, i, Fluchère, pour la traduction.
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Je me résolus à ne plus tenir à rien désormais, de n'attendre plus rien, de vivre comme un animal, comme une bête de proie, comme un pirate, comme un pillard.
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Un vent de liberté souffle dans ce récit sans tabou. On imagine le scandale qu'a dû provoquer l'évocation d'une sexualité aussi débridée.
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j'adore la bourlingue de Henry Miller dans les rues de Paris, son exubérance, son appétit de vie, de femmes, de poésie... du début à la fin il fait allusion à son "os de 6 pouces dans la queue", il déborde de désir.
Il y a un passage que j'aime bien, dans ce lycée Carnot de Dijon où il entend une chanson paillarde : "Le vent se lève sur la potence, voilà mon pendu qui s'balance"
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