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EAN : 9782841820375
148 pages
Rando (10/03/2000)
5/5   1 notes
Résumé :
Au début des années 1950 à la fin des années 1970, la sierra de Guara, dans le nord de l'Espagne, fut une sierra oubliée. Aussi oubliée que l'est aujourd'hui le passé de cette terre d'Aragon. Son mode de vie, à l'époque, était archaïque : on y taillait le silex pour fabriquer des outils. Une étrangeté réciproque a réuni l'auteur, alors jeune explorateur de canyons, et les habitants de la sierra. Ce livre retrace leur émerveillement mutuel.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Terre des hommes.
Quand un récit de voyage et d'exploration s'inscrit entre l'observation géographique et l'envolée poétique alors que les mots traquent l'émotion première, celle que l'auteur Pierre Minvielle a ressentie face à un « paysage fait d'extravagance », le lecteur aborde à une quête initiatique. La Sierra de Guara, dans les Pyrénées aragonaises, est un massif exceptionnel aux parois ocrées, festonnés de clochetons et de cheminées de calcaire blanc au pied desquels sinuent, dans des canyons d'ombre, des eaux turquoise. « La roche y est éventrée. On y soupçonne des crevasses. Les calcaires y font des vagues… ». Pierre Minvielle va tenter de raconter l'exploration de cette montagne oubliée, depuis l'aube des années 1950 jusqu'au soir des années 1970. En préambule, il énonce sa triple exigence : « la fidélité du témoignage, la force de l'émotion et la justesse des mots ». On sent d'emblée, aux premières phrases échangées, que l'on ne se trouve pas devant une quelconque relation de voyage, fade et interchangeable mais face à une oeuvre essentielle, inachevée, riche de promesses. Après cette lecture, avec l'évocation des ultimes habitants, leur adaptation séculaire, leur intelligence ancestrale (« J'ai reçu ce monde hors du temps comme une gifle, comme un coup de foudre amoureux »), leur départ imminent vers la ville et l'avènement du canyoning en renfort d'une désertification annoncée, le voyageur n'aura plus la même approche du paysage. Les courts chapitres vont s'égrener chronologiquement au rythme des découvertes faites de prime abord par l'adolescent alors âgé de quinze ans. C'est en premier lieu Rodellar, atteint après huit heures de trajet éprouvant, depuis Pau. A partir de Huesca, « la route devenait détestable…, la « carretera infame », succession de fondrières et de nid-de-poule… Alentour s'étendaient des sierras qu'aucune carte ne mentionnait. » L'exploration débute avec le rio Mascun et ses sites fantastiques, parmi les plus beaux que l'auteur connaisse. le barranco profondément encaissé, obstrué, chaotique ne se livrera qu'après des années de prospection, d'approfondissement à partir de données collectées sur le terrain. L'auteur découvre le canyon, baptise les sites et trace un itinéraire pionnier « avec une acuité poétique » que la puissance du paysage transcende. La sierra est encore habitée mais les jours des occupants sont comptés. « Se han marchado. » « C'était la première fois que j'entendais cette terrible formule qui sanctionnait le départ d'une famille à la ville. Elle signifiait l'abandon de la maison, des traditions, des racines. » Pierre Minvielle sait faire ressentir la disparition des hommes lorsqu'il fait l'éloge des chemins de la sierra, le génie et l'économie de moyens qui ont été nécessaires à leur construction. Abandonnés, obstrués, enfouis, détruits, leurs lambeaux disent aujourd'hui la trace évanouie qui, « de toute antiquité, avait guidé les pas de ceux qui avaient fait de ce terroir une terre des hommes ». Quand Pierre Minvielle évoque sobrement le casseur de cailloux Joaquin Sarsa, les yeux se mettent à piquer bien malgré soi et lorsqu'il raconte le mur de pierres sèches d'Iniacio Mairal, le lecteur s'écarquille les mirettes : « […] je vois les lignes et les courbes grises que dessinent les « tapias » un peu partout, je m'émerveille de leur géométrie… qui toujours embellit le panorama… j'en tire fierté. » Les hommes savent aussi être grands.
J'ai souvent conseillé ce petit livre magnifique. Prêté, perdu, retrouvé, relu afin d'en extraire une fiche bibliographique pour le bulletin du club alpin de Nîmes, le plaisir a été à nouveau intense et l'émotion intacte : « […] sans doute n'ai-je pas assez prêté attention à tout ce qui nous entourait : les hommes, les choses, la vie d'un terroir. Ce que je voyais allait mourir, sans que, ce jour-là, je m'en sois douté un seul instant. le pittoresque, l'insolite m'arrivaient par bouffées, se gravaient dans ma mémoire. Mais le quotidien, l'ordinaire ? Avec le recul, je souffre de toutes les informations reçues et négligées. » On touche ici au moteur de toute traque poétique, celle du paradis entrevu et dérobé. L'auteur doit être encore cafiste à Pau, « Cerca de Lourdesse » [Pierre Minvielle est décédé le 1er janvier 2018]
. Chef d'oeuvre, livre culte, rien de cela mais bien plus encore, un viatique pour la route, par tous les temps. Salutations enthousiastes et profond respect, Monsieur Minvielle !
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Le monolithe se dressait sur un socle dépendant d’une formation rocheuse plus vaste, majestueuse, crénelée, avec des échauguettes et des tours flanquantes, des fenêtres haut perchées, des courtines et des meurtrières. Bien entendu, nous avons baptisé cet ensemble : « la Citadelle ». De leur côté, les habitants l’appellent « El Real ».
A elle seule, une telle convergence d’inspirations laisse entrevoir la puissance suggestive du site, l’un des plus beaux que je connaisse au monde. Dans ce tronçon du barranco, tout hérissé de pitons et de lances, creusé d’alvéoles, percé de lucarnes et peuplé de vautours, une géopoétique s’impose à laquelle les Arabes, qui conquirent la région au Xe siècle, n’ont pas échappé, eux qui baptisèrent le lieu « Maskhrun », la Demeure des sorcières. (p. 23-24)
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Toutes mes tentatives de reconstruction aboutissaient à un nouvel écroulement. Jusqu’au moment où est intervenu Mariano Cebollero. Vieillard plein de sagesse, Mariano m’a d’abord regardé faire, puis il m’a interrompu, a saisi une pierre plate avec ses vieilles mains nouées de rhumatisme et l’a placée à l’endroit voulu.
-C’est la beauté d’une surface qui doit te guider. Cette face-là sera à l’extérieur. Pour le reste, c’est une affaire de cadence. Place les pierres ni trop vite ni trop lentement. Juste comme il convient pour qu’elles s’emboîtent d’elles-mêmes.
Les pierres ainsi imbriquées émettent un claquement quand elles s’encastrent. Le timbre de ce claquement est un guide infaillible. (p. 49)
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Notre première approche de Rodellar fut une suite de « oh ! ». Le barranco Fondo et ses précipices purpurins, l’entaille immense de Barcez entre deux môles basculés, la béance du Bocazal de los Gatos, déjà ombreuse vu l’heure tardive, sans cesse le paysage renouvelait sa magie, relançait l’éblouissement. Enfin parvenus à Rodellar (après huit heures de trajet), une certitude en nous : ce cul-de-sac touchait aux limites du monde. (p. 12)
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[…] le chemin louvoyait, côtoyait, contournait. Fruit de l’intelligence… millénaire que les hommes avaient exercée pour aménager l’hostilité de ce terroir, son tracé était tout simplement admirable. Finalement, de raidillons en carrefours, les chemins tissaient un réseau qui cimentait l’unité de la sierra de Guara et peut-être même la fondait-il. (p. 35)
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[…] une sierra au sens étymologique du mot, c’est-à-dire une lame de scie. Un sentier, là-dedans ? Impossible ! Puis, vous suivez le chemin. Il perd juste quelques mètres, atteint le bord de l’ébréchure ; et précisément, à cet endroit, se démasque une corniche, la seule de toute la face interne de la bombe géologique. (p. 38)
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