Le journal d'une femme de chambre/
Octave Mirbeau
Publié en 1900, ce roman remarquable d'
Octave Mirbeau est le journal intime de Célestine, femme de chambre en Normandie.
de ce roman furent tirés divers films dont ceux de
Jean Renoir et celui plus proche de
Luis Bunuel avec une extraordinaire
Jeanne Moreau dans le rôle de Célestine.
Après avoir connu des déboires dans la capitale, Célestine trouve une place en Normandie. Elle nous conte le quotidien d'une famille bourgeoise, en toute franchise, avec les contraintes sexuelles à la clé. Monsieur est un homme tranquille, qui a abdiqué toute autorité de maître de maison et toute dignité d'homme au profit de sa femme. Mais ses regards vers Célestine en disent long ! Il est vrai que Monsieur et Madame ne sont plus rien l'un pour l'autre. Madame dirige tout, règle tout, organise tout, administre tout.
Octave Mirbeau se livre dans un style élégant, fluide et raffiné à une violente satire des moeurs provinciales et parisiennes de la Belle Époque, en mettant en relief cet antisémitisme latent et ce nationalisme qui prévalaient alors. L'affaire Dreyfus est dans tous les esprits.
Célestine est une fine et intelligente observatrice qui adore servir à table, car c'est là que l'on surprend ses maîtres dans toute leur saleté et dans toute
la bassesse de leur nature intime.
Mais elle connaît des moments de mélancolie et la solitude lui pèse parfois et elle écrit dans son journal :
« La solitude, ce n'est pas de vivre seule, c'est de vivre chez les autres, chez des gens qui ne s'intéressent pas à vous, pour qui vous comptez moins qu'un chien, gavé de pâtée, ou qu'une fleur soignée comme un enfant de riche…des gens dont vous n'avez que les défroques inutiles ou les restes gâtés. »
Cette solitude est autant morale que physique : « Des désirs me persécutaient et faute de les pouvoir satisfaire comme j'eusse voulu, me livraient avec une frénésie sauvage à l'abêtissante, à la morne obsession de mes propres caresses. »
Célestine n'est pas insensible à la poésie et écrit :
« Ce qu'il ya de sublime dans les vers, c'est qu'il n'est point besoin d'être savant pour les comprendre et pour les aimer…au contraire…Les savants ne les comprennent pas et la plupart du temps, ils les méprisent…Pour aimer les vers, il suffit d'avoir une âme…une petite âme toute nue, comme une fleur… »
Les rencontres que fait Célestine, jeune fille naïve et innocente, dans les premiers temps, ne lui laisse pas souvent de beaux souvenirs :
« Rien ne m'était pénible comme de voir que je n'eusse pas laissé la moindre trace d'affection, pas la plus petite tendresse dans le coeur de cet homme, bien que je me pliasse à tous les caprices de sa luxure, que j'acceptasse à l'avance, que je devançasse même toutes ses fantaisies…Et Dieu sait s'il en avait d'extraordinaires, Dieu sait qu'il en avait d'effrayantes ! Ce qu'il était corrompu, ce morveux ! Pire qu'un vieux, plus inventif et plus féroce dans la débauche qu'un sénile impuissant ou un prêtre satanique. »
Un beau jour, le destin sourit à la sympathique Célestine et bien qu'elle affirmât souvent que d'être domestique, on a ça dans le sang, elle sut renoncer sans regret au spectacle du luxe bourgeois pour vivre une belle aventure, avec l'amour, le vrai, en offrande.
Un roman passionnant très bien écrit, en toute simplicité.