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3,94

sur 885 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un bijou, un joyau, une perle... Aurai-je assez de superlatifs pour mettre à l'honneur ce grand roman social ?

Deux choses m'ont particulièrement fascinée au cours de ma lecture.
Premièrement, la force et la beauté du style d'Octave Mirbeau que je découvre avec cette oeuvre, l'une de ses plus renommées. C'est fantastique de voir combien le 19ème siècle arrive encore à nous surprendre !
Deuxièmement, la modernité à peine concevable de ce journal qui s'inscrit en plein dans la vague naturaliste et qui apporte une pierre d'importance à l'édifice des sciences humaines et sociales.

Célestine, femme de chambre parisienne, dépeint crûment le monde bourgeois dont elle est l'esclave - pas toujours consentante. Comme des millions d'autres avant et après elle, elle est domestique, c'est-à-dire un être corvéable à merci, transparent, que l'on n'estime pas, que l'on n'aime pas et que l'on remarque à peine. Sous sa plume franche et grinçante, c'est une grande satire sociale qui voit le jour, celle d'un monde aux innombrables paradoxes, entre morale bourgeoise et hypocrisie flagrante, entre pauvreté et richesse, entre honnêteté et perversion.

"Le journal d'une femme de chambre" a été publié sous forme de feuilleton dans "L'Echo de Paris" à la fin du 19ème siècle. Je peine à imaginer l'accueil que lui a réservé le lectorat de l'époque tant y est décriée une société où chacun peut s'y reconnaître. Ce roman sonne juste, terriblement vrai ; il plonge le lecteur dans un contexte économique, social et politique incroyablement concret.

J'ai pris énormément de plaisir à cette lecture. Célestine est un personnage attachant qui suscite l'empathie et la compassion et qui dégage un charme brut, sans fards, tout en érotisme et en puissance. Un régal !


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A force d'en voir les adaptations au cinéma, j'avais fini par penser que le Journal d'une femme de chambre ne m'apporterait, à la lecture, plus aucune surprise... quelle erreur!

Ce livre est un brûlot,  une friandise stylistique, ou , pour parodier Octave Mirbeau,  un "monstrueux hybride" romanesque!

 L'écueil du roman social , comme Charybde et Scylla,  est double : soit on est emporté dans un tourbillon de bons sentiments, soit on se fracasse sur un naturalisme excessif et rebutant ..

Rien de tel chez Octave Mirbeau,  et ceci pour deux raisons: ce n'est pas lui qui tient la plume ni qui mène la danse mais l'étonnante Célestine-  même si le "truc" a,  depuis, vieilli, le subterfuge qui consiste à attribuer la...maternité d'une oeuvre à une autre personne que l'écrivain qui n'aurait, lui, fait que quelques malheureuses retouches fait souvent mouche- il en résulte une liberté de ton, une audace dans l'abord de certains thèmes, une "franchise" du point de vue qui emportent l'adhésion. L'autre raison est la complexité de la narratrice: elle est d'un caractère rétif,  notre bretonne à  Paris, rien d'une Bécassine, même si  sa Madame de Grand Air s'appelle ..madame Lanlaire, du coup, elle "fait" les places comme on fait les boutiques: jamais très longtemps dans chacune!

On balaie donc, avec elle, tout un échantillonnage social: petits-bourgeois qui jouent aux grands et se ruinent en "diners"aussi "chics' que ridicules, noblesse fauchée et radine, bonnes soeurs qui ne méritent guère leur épithète attitrée,  patrons tortionnaires, avares ou dépensiers, sadiques experts en petites et grandes humiliations, maîtres  érotomanes, maîtresses suspicieuses et tâtillonnes...personne n'a grâce aux yeux impitoyablement lucides de Célestine...

Mais elle ne s'épargne guère non plus  : même dans la plus grande émotion, dans le drame sentimental le plus crucial -l'épisode du jeune phtisique, Georges qui est un des seuls moments sentimentaux du roman- elle avoue avec honte  sa "prudence" qui l'empêche de perdre la tête et de se compromettre dans une  situation critique mais n'hésite pas, en concluant l'épisode, à  couvrir de son mépris les trois idiots qui n'ont rien compris à ses précautions, tant ils avaient confiance en elle.

Ce cynisme de l'héroïne loin de la rendre antipathique,  la rend plus humaine. L'humanité qu'elle côtoie, qu'il s'agisse du capitaine  mangeur de furet, de la ragotière Rose, de l'égoïste William, et surtout du redoutable Joseph, au silence impénétrable et menaçant n'offre rien moins qu'une bonne compagnie..

Mirbeau en effet ne recule devant rien,  ni le portrait à charge d'une bourgeoisie avare, corrompue, acharnée à exploiter, humilier et  dominer un petit peuple de domestiques que les bureaux de placement étranglent et taxent au passage, ni le portrait au noir  de ces domestiques eux-mêmes coupés de leurs racines populaires, voués à la dissimulation, à  la vengeance..ou au mimétisme.

Le bonheur de Célestine, chèrement payé,  a un goût dangereux..et le ver est dans le fruit: dans les silences, les non-dits, les premières disputes, on reconnaît presque le couple mal assorti des patrons de William, ces maîtres à la coule, encore amoureux mais pleins de ressentiments mortifères qui sont en train de les détruire.. .

Le nomadisme professionnel de Célestine  transforme son journal en un roman à  mille facettes. Tantôt on est dans un roman sentimental et "mélo", un roman "qui fait pleurer" comme elle les aime- l'épisode dévoué au jeune phtisique- ,tantôt dans un roman satirique et vitriolé, épinglant le snobisme de la bourgeoisie parisienne à la mode où les dîners ne sont réussis que si l'on invite des divorcés,  des personnes à la sexualité ambiguë  ou des artistes: les Charigaud ne sont pas loin des Verdurin! Tantôt c'est un court épisode, d'un réalisme cruel et navrant, à la Maupassant, quand Célestine évoque la pauvre Louise, petite bretonne embauchée au rabais du fait de sa laideur. Tantôt c'est un "suspense" bien noir avec la sombre figure de Joseph... une version impunie de la Petite Roque. Au fil des pages,  le récit devient pamphlet quand Mirbeau-Célestine  égratigne les antideyfusards - antisémites , les loyalistes réactionnaires et les catholiques ultras!

Bref, ce seul journal est une sorte de roman multiple.. Et le style brillant, caustique, les percutantes maximes "morales" de l'immoraliste Mirbeau achèvent de faire de cette lecture un plaisir rare et raffiné. 

Un sacré bouquin et un sacrément grand écrivain!




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"Le journal d'une femme de chambre" est un de ces rares livres dont on ne sort pas indemne.
Octave Mirbeau y touche avec sa plume l'endroit douloureux où la littérature rejoint la vie.
Octave Mirbeau c'est l'homme de lettres par qui le scandale arrive et le scandale fait les yeux doux à la femme de chambre.
S'il m'a paru essentiel de lire ce livre dans une édition ancienne, ce n'est pas par un snobisme puéril, mais pour tenter de mieux ressentir, à travers l'odeur du vieux papier, l'atmosphère de l'ouvrage.
J'aime les vieilles éditions par ce qu'elles nous rapprochent de leurs auteurs.
Célestine R... vient de se placer en Normandie, au Mesnil-au-Roy, à la propriété du Prieuré, chez monsieur et madame Lanlaire.
Célestine, qui est d'Audierne, garde la nostalgie de sa Bretagne natale.
Pourtant elle y a vécu une enfance sordide, coincée entre misère, coups et alcool.
Célestine, en fait, est devenue une vraie parisienne qui méprise la province.
Mais une fatalité pèse sur son existence.
Elle ne demeure jamais plus de six mois à la même place.
Quand on ne la renvoie pas, c'est elle qui part.
Parfois, elle se sent abandonnée et se raccroche au passé, aux souvenirs.
Alors, elle écrit, presque au jour le jour, un journal intime ...
Octave Mirbeau, dans un petit préambule, assure n'avoir fait que corriger un véritable journal.
Et ceci pour s'excuser d'avoir remplacé par de "la simple littérature ce qu'il y avait dans ces pages d'émotion et de vie".
Mirbeau possède une plume redoutable qui tisse l'émotion au détour de chaque phrase.
Son livre est un livre sulfureux, morbide, qui pousse parfois le désespoir jusqu'à l'écoeurement.
Mais "toujours la vie reprend avec ses hauts et ses bas, et ses changements de visages".
"L'homme n'est que surprise, contradiction, incohérence et folie".
Mieux que personne, par la peinture qu'il fait de ses personnages, Octave Mirbeau le démontre.
Mais pourtant, dans ce sale pays, dans le silence et la campagne, au fond de l'âme désolée de Célestine, il suffit d'un peu de poésie, de quelques vers pour que luise une étincelle de bonheur, pour lui faire sentir la beauté de la vie.
"Lorsqu'on a de la sensibilité, on est toujours un peu poète" ...
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Scandale! J'ai quelques lectures 19ème au compteur mais là, je suis tombée de ma chaise : je n'aurais jamais cru qu'une telle liberté de propos, une telle authenticité de ton ait été publiable en 1900. La charge contre la bourgeoisie, toute la bourgeoisie, depuis le petit commerçant mesquin, envieux et âpre au gain jusqu'à l'hypocrisie, le mépris de classe et la perversion glauque dans les hautes sphères, cette charge est d'une violence ahurissante, et c'est jubilatoire.
Mais le génie de ce magistral récit ne se limite pas à cette peinture sociale caustique et virulente: ce qui lui donne son sel, c'est le personnage de Célestine, auquel on s'attache profondément au fil des pages : ni Bécassine ni Blanche-Neige, Célestine est fine, fière, rusée, volontaire, tantôt filoute et manipulatrice, tantôt romantique et déprimée, c'est une jeune femme lucide et pleine de vie à travers laquelle passe toute la souffrance et la rage muette de la domesticité.
Même si ça et là quelques tableaux et personnages m'ont moins passionnée que d'autres, j'ai pris un plaisir intense à la lecture de ce brûlot d'une étonnante modernité.
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Le Journal d'une femme de chambre est un roman que j'avais envie de lire depuis longtemps ! Je suis ravie d'avoir découvert cette oeuvre d'Octave Mirbeau !

Le roman relate l'histoire d'une jeune femme de chambre, Célestine R., engagée depuis peu dans une belle demeure du Mesnil-Roy, en province. Habituée à une vie «mouvementée » à Paris, Célestine découvre alors les habitudes d'un petit village et de ses habitants, nous délivrant également ses pensées sur ses nouveaux « maîtres » et les autres employés, une cuisinière, Marianne et un jardinier-cocher, Joseph, un antisémite très étrange qui fascine Célestine…

C'est l'occasion pour notre héroïne de nous raconter d'autres aventures, toutes différentes les unes des autres, plus ou moins tristes, comme celle de M.Georges, un jeune homme atteint d'une maladie incurable dont Célestine s'occupera avec ferveur, jusqu'à en devenir passionnément amoureuse. J'ai aimé cette anecdote, qui m'a beaucoup touchée.
Octave Mirbeau nous retransmet avec élégance le point de vue de la jeune Célestine, et j'ai beaucoup apprécié son écriture, à la fois fluide, simple mais également raffinée, qui permet au lecteur de plonger dès le premier chapitre dans cette histoire passionnante. de même, à travers l'expérience d'une femme de chambre en cette fin de XIXème siècle, l'auteur nous délivre une critique féroce de la société de son époque, notamment en s'intéressant plus précisément à la fameuse « Affaire Dreyfus », qui a divisé les Français, et provoqué de nombreuses tensions entre dreyfusards et antidreyfusards (dont font notamment partie dans ce récit Joseph et bien d'autres personnages). Enfin, Célestine n'épargne pas non plus ses maîtres, et plus généralement les bourgeois, et autres familles riches, qui, sous une apparence vertueuse, cachent en vérité des personnages grotesques et malpolis, qui ne peuvent donc que susciter le « dégoût » du lecteur…

Ainsi, je ne suis absolument pas déçue par cette oeuvre, qui m'a permis de replonger au coeur du XIXème siècle, parmi les domestiques qui méritent toute notre attention, mais également au milieu de la pauvreté, du luxe ou encore des affaires plus ou moins étranges de cette époque. Bref, le Journal d'une femme de chambre n'est pas sans rappeler d'autres romans qui me tiennent à coeur, notamment ceux De Maupassant, Flaubert ou encore Zola, et à ce titre, il ne peut que vous plaire !

A lire !!

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Aujourd'hui je vous propose de jeter un oeil sur la journal de Célestine ; oui je sais, vous ne m'avez certainement pas attendue, depuis le temps qu'il a été écrit !

Célestine, femme de chambre, donc boniche à tout faire, du ménage aux corvées les plus diverses, même sexuelles ! Bien sûr, une femme de chambre en 1900 est certainement moins bien traitée qu'un animal ; elle fait partie des murs et elle est là pour servir !

Merci Célestine, qui note ses journées dans son journal et nous dépeint de nombreux personnages de diverses classes sociales ; tout le monde y passe, sans concessions ! Non, les pauvres ne sont pas toujours meilleurs que les riches ! Oui, c'est abject parfois, mais après tout l'argent achète tout, même les bonnes consciences.

Mirbeau affirme dans une note que ce livre a vraiment été écrit par Célestine, et qu'il n'y aurait fait que quelques retouches ; vous y croyez vous ?

Bref, quel génie que cet Octave MIRBEAU qui s'est servi d'une femme de basse condition pour dénoncer les dérives de la bourgeoisie et égratigner parfois la politique et l'antisémitisme. Attention toutefois, certaines choses sont encore d'actualité, malheureusement !

À lire près d'une pelle et d'une balayette, confortablement installé(e) sur une serpillère sèche, en dégustant du quatre-quart au citron accompagné d'un verre d'eau gazeuse (ou d'un thé si vos patrons sont généreux). Bonne lecture !


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Après Bécassine, voici Célestine, femme de chambre bretonne, assez éduquée pour pouvoir écrire son journal de domestique, jeune femme de chambre dégourdie et assurée... trop peut-être! ...car elle valse de place en place, de maison en maison.

En Normandie, soubrette chez les Lanlaire, elle fait face à l'avarice de Madame, à la couardise et la concupiscence de Monsieur et se remémore toutes les autres maisons où elle a exercé.

Un brin perfide, curieuse, intéressée, vénale, donnant dans le ragot et dans la manipulation, elle observe par les portes entrebâillées, les travers et turpitudes d'une France mesquine et antisémite, le nez dans le linge et les secrets d'alcôve, qu'ils soient d'argent ou de sexe. Elle a la dent dure pour croquer la bonne société et une condescendance féroce pour ces pèquenots de provinciaux.

Octave Mirbeau publie ce roman insolent et virulent en 1900 avec une première version en feuilleton dans l'Echo de Paris dix ans plus tôt. C'est un réquisitoire féroce contre une classe dominante au détriment de la condition esclavagiste des gens de maison, ainsi qu'une critique caustique de l'étroitesse d'esprit de la bourgeoise provinciale. le ton est très moderne, mordant, incisif, jamais ampoulé. C'est glauque et jubilatoire, et la lecture audio est parfaitement adaptée à la narration en personnage unique.

Elle aura bien des misères cette Célestine, avant d'acquérir la situation enviable ... de patronne de débit de boissons avec son vieux cocher de mari.
Mieux que de se retrouver en "maison", comme elle le dit si bien!

Complètement amorale cette histoire! J'ai adoré!

(Lu en audio)
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Magnifique roman social mettant en avant le monde de la domesticité du XIXème siècle.
Célestine est une jeune femme de chambre parisienne. A travers son journal, elle dépeint sans complaisance le monde de la bourgeoisie. Ce petit personnel oublié, négligé, méprisé, sous estimé, corvéable, voit tout des gens qu'ils servent, leurs travers, leurs défauts, leurs manies.
Célestine qu'une bourgeoise décide de rebaptiser Mary, ce bourgeois qui se passionne pour les bottines de ses femmes de chambre, tel autre qui trousse la cuisinière …
Difficile de ne pas s'attacher à Célestine jeune femme pétillante et fonceuse, ainsi qu'à tout ce petit personnel.
La plume d'Octave Mirbeau est incroyable juste. Tout sonne vrai dans ce roman parfois grinçant et paradoxalement assez drôle.
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Je me suis régalée tout au long de cette lecture à suivre les turpitudes des employeurs de Célestine.
J'ai adoré sa drôlerie, son impertinence, son sens de l'observation.
Elle m'a totalement embarquée dans son quotidien, en me faisant pénétrer dans les maisons bourgeoises, par un trou de serrure.
Le fait que ce soit Célestine qui nous raconte sa vie avec son propre langage, ses propres outrances, est très vivant et très amusant, car elle ne se refuse aucune moquerie et ne fait jamais dans la fausse pudeur.

Cette lecture a été un pur moment de bonheur.

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J'avais pris cet ebook par défaut, n'ayant plus rien à lire dans la bibliothèque, et pensant m'ennuyer profondément, l'adaptation cinématographique que j'avais vue et ces histoires de riches et de domestiques ne m'emballant pas franchement... Eh bien pas du tout ! La satire y est féroce, de quelque côté que l'on se place, tout le monde en prend pour son grade, et je dois dire que j'ai aimé ça, jusqu'au mot de la fin !
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