Ce roman m'est très précieux car il m'a été généreusement offert par une personne de grande valeur.
Christina Mirjol a su une fois de plus, me toucher en plein coeur, a su m'émouvoir par le récit de Suzanne et surtout par la manière aussi délicate, aussi poétique que l'auteure la raconte.
Le style est habile, mais inhabituel presque insolite, avec ses phrases courtes et répétitives. Il permet à la lectrice et au lecteur de le projeter au plus près du désespoir de Suzanne, pour d'entrer dans son âme tourmentée, où des pensées sombres circulent en boucle.
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Suzanne est une femme, est une mère, est aussi une employée dite modèle, qui est terriblement blessée dans sa dignité. Elle vient d'être jetée de son entreprise, sans aucune douceur et sans aucun ménagement par son patron, et sous un prétexte fallacieux.
Suzanne qui est une femme sans colère, se sent déshonorée ce soir d'avoir été licenciée aussi brutalement.
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C'est alors qu'envahie par des sentiments de profonde détresse, traversée par l'incompréhension devant une telle injustice, rongée par la lassitude et par le désespoir, Suzanne vient se réfugier sur son banc place Montalbert.
C'est en ce lieu que cette femme meurtrie veut se cacher. Se cacher de la vue de chaque passant, parce qu'elle a peur que chacun lise sur son visage qu'elle a perdu son travail
Cette sensation honteuse qui immisce en elle, celle d'être montrée du doigt, parce qu'elle n'a pas été une employée efficace, parce qu'elle a commis une faute professionnelle et que plus personne l'embauchera.
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Tout prend de l'ampleur et de la noirceur chez Suzanne. Elle se sent pitoyable. Elle se sent affreuse, ainsi décoiffée et ses habits mouillés ainsi clouée sur son banc. Elle ne s'imagine plus rentrer chez elle. Redoute de revenir dans sa maison. Avec cet autre sentiment que sa nouvelle situation, va attrister son mari et son fils. le sentiment aigu d'apporter une insécurité de plus dans sa famille où chacun a déjà ses propres problèmes.
Et cette peur qui ne quitte plus Suzanne, celle d'être dévalorisée par Teddy son mari et qui ne veuille plus l'aimer.
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Le récit est court mais il est dense.
Christina Mirjol, une fois de plus, s'interroge et nous interroge sur la fragilité des êtres lorsqu'ils sont frappés durement par le destin.
Que parfois un accident de vie, un chômage peut être vécu par certaines personnes, comme une grande tragédie, comme une mise au ban de la société.
Viendra alors ce sentiment d'échec et ces heures mouillées de tristesse, où les êtres en désoccupation se sentiront inutiles, sans aucune importance, presque inadaptés à la société à laquelle ils avaient fièrement appartenu.
Et peut-être feront ils comme Suzanne, s'assiéront quelque part sur un banc, le coeur plein de chagrin, de solitude et d'attente. En espérant timidement que le vent glacial de l'oubli, ne les efface pas trop vite, ne les dilue pas trop vite dans l'espace, pour ensuite les faire disparaître.