L'approche psychologique de la structure narrative est diabolique. Mishani a su recréer une atmosphère d'équilibre précaire rigoureux avec une tension constante et captivante dont le lecteur ne peut se détacher. Ce n'est pas tant l'intrigue qui conquiert le regard et l'esprit du lecteur, mais le choix de situations quotidiennes dans lesquelles chacun de nous peut s'identifier ou dont on peut tirer des leçons et des questions qualificatives.
Une deux trois est destiné à rester latent dans la mémoire une fois terminé, pour ensuite s'éveiller soudainement comme une ampoule dans une pièce qui était sombre quelques instants auparavant. Cela vous oblige à réfléchir sur les relations, le mariage, le fait de faire ou non confiance à un étranger, la stabilité des relations et le manque de communication.
L'une est une enseignante de lycée avec un fils de neuf ans et un divorce récent derrière elle, et pour commencer une nouvelle vie, elle s'inscrit sur un site de rencontres. La seconde est une soignante lettone et a quelques difficultés avec l'hébreu. La troisième est heureusement mariée et mère de trois enfants, et rédige une thèse sur l'Holocauste. Le seul point commun entre toutes ces femmes est Ghil.
Ghil est un avocat avec deux filles adolescentes, avec un regard commun, aucun détail pertinent, aucune phrase circonstancielle lorsqu'il parle à chacune des trois femmes, il augmente leur curiosité et leur intérêt pour elles avec sa simplicité et son caractère concret. Après tout, pourquoi ne pas faire confiance à un avocat, un homme qui a un travail décent, une position sociale respectable et qui fait preuve d'un caractère doux et patient, toujours prêt à aider les autres ?
Nous devrons changer d'avis dans chacune des trois parties du roman, différenciées les unes des autres par l'utilisation de temps verbaux différents. Passé, présent et futur. Un rebondissement final saisissant choquera le lecteur et renversera complètement l'idée qu'il s'était construite page après page. Des points obscurs resteront, un sentiment de vague irrésolution vibrera dans les limbes, là, dans les airs, mais parfois – comme dans le cas précité – c'est la digne conclusion. C'est Trois: un voyage hallucinant dans un esprit pervers qui aime jouer avec le risque, une histoire aux implications très actuelles, une intrigue qui compte tenu de sa structure se lit d'une traite.
Les applaudissements vont aussi à la traduction, cette partie du travail n'est pas à prendre pour acquise, mais elle est essentielle pour que l'histoire ait un sens même pour des oreilles et des yeux étrangers.
Prenez plaisir à ce successeur Israélien de Maigret et de Wallander.
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