Un silence long et profond enveloppa le vieil homme venu de loin et la très vieille dame malade en une sorte de communion intense où l’un et l’autre étaient émus et bouleversés par le croisement inattendu de leur chemin de vie respectifs.
Il s'agissait pour moi de ramener le violon de mon père à son état initial, de lui rendre sa santé première, comme si je réparais par une sorte de chirurgie radicale tout le corps abîmé de mon père...
— Tu viens avec moi ! Tu ne rentres pas chez toi ? Tu es seul comme moi ?
L’enfant s’arrêta, se baissa et prit entre ses deux mains le cou du chien qui, loin de s’en offusquer, ne lui opposa aucune résistance. Leurs yeux se rencontrèrent. L’animal ne bougeait pas, tandis que le garçon croyait reconnaître dans sa pupille largement ouverte comme une grande flamme dansante.
- En tous cas, continua Yu avec conviction, je crois que ça a du sens… qu'aujourd'hui, en 1938, dans un coin de Tokyo, un quatuor sino-japonais joue Rosamunde de Schubert…, alors que le pays entier tombé dans ses obsessions bellicistes semble être dévoré par le cancer nationaliste divisant les individus entre un nous et un eux...
Quelque années après son retour à Paris,il avait fini par acquérir une sérénité d'âme nécessaire à son travail de réparation-restauration du violon paternel