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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"On pourrait raconter ta vie d'adulte, amoureuse comme professionnelle, par tes retraits, effacements, défections, seconds rôles, planques derrière les arbres, choix par défaut qu'ensuite tu ne cherches plus à remettre en cause, démission de l'intuition, miroir aux alouettes des images flatteuses. Oui, sans doute que s'il y avait une continuité à dessiner dans ta vie éclatée, faite de réalisations avortées, de désirs insuffisamment désirants, elle serait à chercher de ce côté. N'en as-tu pas assez ?"

Je vous le dis tout de suite, cette lecture fut pour moi au-delà du coup de coeur. J'ai rarement eu cette impression de faire corps avec un texte, de le sentir résonner en moi à chaque ligne. Alors que j'étais en pleine sélection des premiers romans pour les 68 premières fois, que j'enchainais des lectures à un rythme assez élevé voici que je me surprenais à savourer chaque mot, à ralentir, à m'arrêter pour relire des paragraphes, à retenir au maximum le moment présent sans avoir nullement envie d'arriver à la fin. Ce livre est sans aucun doute arrivé à point nommé dans ma vie. C'est ce qu'on appelle une rencontre.

Car l'histoire de Bérénice parlera forcément à de nombreuses femmes. L'histoire d'une trentenaire qui affiche toutes les apparences d'une vie réussie : un mari tendre et attentionné, architecte à la carrière ascendante, un bébé tout neuf, un job de cadre dans une agence de communication. le jeune couple tendance bobo dans toute sa splendeur. Pourtant, un événement va lézarder la façade. Au retour de son congé maternité, les attributions de Bérénice sont revues, certaines tâches lui sont retirées. Rien de grave se dit-elle... Avec la crise, c'est normal... Même si Clara, son amie et adjointe à la DRH tente de la réveiller et de la rappeler aux réalités du monde de l'entreprise "il y a des postes, mais surtout des rôles et elle a le sentiment que tu n'as pas choisi le tien, que tu te planques au fond de ton fauteuil de spectatrice". Bérénice a du mal à réagir, habituée à rester en retrait, à adopter les postures et les avis conseillés, à ne pas faire d'ombre à qui que ce soit.

"Tu es à toi-même un gouffre. L'exercice depuis longtemps consiste à maintenir vis-à-vis de ce gouffre une distance salubre. Tirer des bords, trouver des biais. Clara a raison, au fond tu as envie qu'on te laisse tranquille, qu'on ne vienne surtout pas gratter pour savoir ce que tu as dans le ventre car dans le ventre comme dans la tête, tu en es persuadée, tu n'as rien."

L'auteure met en lumière avec une extrême finesse le décalage entre les personnalités dont le moteur est la pudeur et la discrétion dans un monde où tout passe par l'image et la façon de se mettre en scène. Quand le "personnal branding" est le maître mot qui conditionne la réussite, quand le paraître supplante les compétences, comment trouver les armes pour se battre ? Rien d'étonnant à ce que l'entreprise soit le déclencheur du choc pour Bérénice, car c'est elle qui détermine souvent notre rôle dans la société. le lieu où la pression est la plus forte et où l'on est vite balayé si l'on refuse de jouer le jeu (enfin, le jeu... je me comprends). On ajoute à cela des décennies de conditionnement des femmes afin de les cantonner aux seconds rôles et l'on a une idée assez précise des digues à faire sauter pour qu'elles se sentent aussi compétentes, confiantes et légitimes que les hommes.

L'idée du parallèle avec la Belle au Bois Dormant est formidable, et le rythme de la narration, au gré des phases d'apprentissage notées dans le carnet d'éveil du petit Pierre renforce encore cette quête de sens, ce chemin au cours duquel Bérénice Barbaret Duchamp devra se réconcilier avec elle-même.

"Il y a ce conte qu'on connaît tous. Après son évanouissement, les proches de BBD organisent les conditions de son retrait du monde (...). Son sommeil se révèle ainsi indolore, il ne s'est rien passé, il ne se passe rien. Son sommeil, le tien, le nôtre. Nous qui laissons la vie nous traverser, ne nous y sentant pas aux commandes, abandonnant ces commandes à d'autres, nous, rétifs à l'action, tentés par les marges, nous absentant du moment avec une facilité inouïe. Nous les invisibles."

Je l'ai déjà relu deux fois, il va rejoindre l'étagère de mes essentiels et m'accompagner pendant un bon moment je sens. Sa finesse, sa délicatesse, sa justesse m'ont touchée au coeur et permis à son propos de faire son chemin. Celui qui conduit à l'éveil.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Il était une fois, une trentenaire, Bénédicte Barbaret Duchamp ou BBD si vous préférez, qui se trouva fort dépourvue quand, à son retour de congé de maternité, elle se rendit compte que sa belle place de cadre dans une agence de communication avait été réduite comme peau de chagrin. Ses attributions avaient été revues à la baisse et certaines tâches retirées. Pour autant, effacée par habitude "tu es issue d'une procession de femmes pour qui s'effacer est devenue une activité." et prompte à se mettre à l'ombre plutôt que d'en faire, elle n'entendit pas réagir… c'est la crise, elle comprend.

Le premier roman d'Anne-Sophie Monglon, "Une fille au bois dormant", écrit à la deuxième personne du singulier, traite en fait de beaucoup de sujets universels dans lesquels chacun peut se retrouver : l'entreprise et ses chausse-trappes, la place de la femme dans le couple et la société, le binôme mère enfant, la recherche de soi. Et si le titre laisse à imaginer un conte, il n'en est rien. Nous sommes bien dans la vraie vie. Et, sans avoir moi-même eu à vivre ce genre de "mise au placard", en bonne fonctionnaire que j'étais, j'ai totalement fait corps avec l'héroïne et vécu ses questionnements au fur et à mesure de ma lecture.

J'ai beaucoup aimé l'écriture de l'auteur très maîtrisée, au style à la fois classique et original, où chaque expression semble équilibrée et parfaitement soignée. J'ai aimé aussi l'utilisation du carnet d'éveil de Pierre, le bébé de Bénédicte, en guise de tête de chapitres comme si mère et fils grandissaient ensemble, comme si l'enfant aidait sa mère à grandir. J'ai aimé la sensibilité présente tout au long du récit, cette manière douce et tranquille, sans jamais un mot plus haut que l'autre, de tâtonner pour trouver son chemin. J'ai aimé… tellement difficile de trouver les termes justes pour partager un ressenti si fort, pour dire la tendresse éprouvée pour les personnages, celui de Bénédicte tout en effacement, je l'ai déjà dit, celui de Matthieu son mari amoureux et désireux de l'aider, de l'entourer, Guillaume, ce doux professeur de chant qui la tirera de l'ornière.

A travers cette atmosphère embrumée, Bénédicte avance, lentement, tranquillement au fil des jolis mots d'Anne-Sophie Monglon, "Tu as longuement tourné autour du mot et tu viens de l'identifier." Et neuf mois plus tard comme un second accouchement, le "TU" se transforme en "JE"… La belle se réveille et sort du bois. Elle peut regarder son enfant, Elle est là.

Très, très beau roman… de mon point de vue.
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Ce premier roman d'Anne-Sophie Monglon se distingue par une écriture mûre et sophistiquée: ce qui s'appelle un livre très bien écrit. Mais pas seulement. C'est une langue originale, inventée et réaliste, caustique, voire satirique. A commencer par le "tu" narratif qui transcrit la relation du personnage principal avec son propre corps, son image, sa voix et, finalement, sa vie. Tout au long du livre, on attend que le "je" paraisse... Ensuite, c'est la langue de bois de l'entreprise contemporaine qui participe à l'éloignement de ce "je", qui creuse le hiatus entre la personne vraie et son masque. Ce texte est un passage donc entre le tutoiement de soi-même et la découverte de sa propre voix; un roman-pont entre l'étrangeté et le ridicule des apparences et la vraie vie vivante... un roman à lire, à rire, à espérer!
Lien : http://www.livreshebdo.fr/ar..
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Anne-Sophie,
C'est une bien jolie histoire que tu m'as donnée à lire avec ce premier roman.
Cela commence pourtant bien mal, avec cette pauvre fille mise à l'écart dans son entreprise à son retour de congé de maternité. Tu me décris une Bérénice effacée, peinant à prendre la parole en public, à faire entendre sa voix. « L'écrit reste tandis que l'oral part en fumée », lui fais-tu penser, à cette héroïne bien loin de la superwoman.
Tu la laisses se faire placardiser par Hugues, son boss, et Silvia, la remplaçante aux dents longues.
Cette jeune femme, tu lui fais partager sa vie avec Mathieu, un architecte, et leur petit, tu l'as appelé Pierre. Un nourrisson qui s'éveille à la vie, et qui réclame l'attention de sa mère.
Tu me montres une Bérénice qui, depuis ses seize ans, flotte dans la vie, « pratiquant depuis des années avec les autres une présence-absence ». Ce qui s'appelle un sentiment de déréalisation.
Mais tu ne l'abandonnes pas complètement, sinon ce serait une autre histoire, non, tu lui adjoins une alliée fidèle, une amie, Clara, adjointe à la DRH, une battante, une fille solaire, débordante d'énergie, et qui inscrit Bérénice à un stage d'initiation vocale, ce stage où tu lui feras faire une rencontre bouleversante.
Dans ce roman tout en délicatesse, en finesse, tu dessines un portrait de femme par petites touches, je verrais bien une aquarelle, à la fois pleine de couleurs et de transparence, comme Bérénice.
Tu m'as parlé de féminité, de la construction des êtres, tu m'as appris l'amour et l'amitié, la beauté des échanges humains, et tu m'as fait croire à la liberté de choisir sa vie.
Je te remercie pour ce coup de coeur littéraire et son message d'espoir.
NB Tu ne m'as pas dis la cause de « la rupture de sa puberté », peut-être une agression sexuelle ?
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