C'est la guerre dans cette partie d'Auvergne que l'on nomme ici les Combrailles . Une guerre fratricide entre paysans attisée par la jalousie et la rancoeur .Car ici la valeur refuge c'est la terre . Cette terre nourricière qui a vu naitre et mourir plusieurs générations d'agriculteurs auvergnats. Les éleveurs règnent ici en maitre sur ces terrains qu'il faut de plus en plus grand pour nourrir de plus en plus de bêtes afin d'obtenir une belle subvention de l'Etat et de l'Union Européenne . L'agriculture intensive n'est pas ici qu'un concept productiviste , c'est une rente indispensable à la survie .
Alors quand un couple en reconversion , les Dubourg , en provenance d'une autre région , vient s'installer dans la région c'est le drame . D'autant plus que cette terre c'est un agriculteur du cru qui lui a cédé pour installer son élevage de chèvres et fabriquer du fromage bio . Quelques hectares qui auraient bien aidé à agrandir la parcelle d'un voisin ou à placer quelqu'un en bon terme avec le syndicat local .
La haine est dans le pré et elle va se manifester par des menaces puis par un horrible massacre de chèvres . Ces bêtes innocentes , témoins de la bêtise et de la folie humaine . L'enquête diligentée par la gendarmerie - on est dans leur zone de prérogative - est complètement bâclée , certains rapports d'expertise abandonnés voire des éléments essentiels au dossier passés sous silence . le préfet appelle en renfort la Police et notamment la commandante Cécile Florac . Elle et son équipe de la SRPJ de Clermont Ferrand vont alors reprendre l'enquête à zéro et rapidement mettre en lumière de nouvelles pistes quitte à déplaire à sa hiérarchie et aux baronnies locales pour lesquelles Dubourg est un bouc émissaire parfait . Mais cette affaire va bientôt s'éclipser au profit d'actes beaucoup plus dramatiques qui vont faire une malheureuse victime .
Une belle surprise que ce roman qui nous plonge dans cette ruralité où l'amour et les services publics ont déserté ces lieux pour faire place à une réalité plus sombre et plus malsaine . Ce récit dit beaucoup de la vie de cette agriculture du XXI ème siècle tiraillée entre un art ancestral et la quête infinie du profit à travers une belle série de personnages crédibles et attachants . Comme Cécile Florac , une flic incorruptible et tenace , même si elle possède elle aussi ses parts d'ombre . A travers les soubresauts de cette histoire et un style sans faute de rythme ,
Jean-Philippe Monjot réalise un beau témoignage romancé , où la réalité remplace souvent la fiction . Il démontre aussi la limite de la pertinence de ce modèle économique où la quantité , à grand renfort de pesticides , est privilégiée à la qualité . Un choix qui semble aller à l'encontre des tendances de consommations actuelles , plus saines et écologiques et risquent de conduire à terme à la disparition de ces exploitants .