- Elie, il dit que le dieu il existe.
- On peut y croire si on veut, moi je crois qu'il n'existe pas. Parce que personne ne l'a jamais vu.
- Comme le Père Noël ?
- Oui, un peu comme le Père Noël.
- Mais lui, il existe ?
- Oui, lui il existe.
Les racistes sont les seuls que nous ne plaignons pas. Notre tolérance ne va pas jusque dans le marécage de leurs peurs.
Les réseaux sociaux ont leur zone d'intimité, c'est comme une alcôve derrière un rideau, on peut y converser en privé ; à chuchoter là des heures, on redevient adolescent, on se dit des secrets, des bouleversements et des blagues, on dit qu'on se parle mais on ne fait que s'écrire.
Il semble, de la petite butte de mes neuf ans, que le métier de grandir consiste à assimiler les codes, à intégrer les normes qui régissent l'espace social, à se tordre pour entrer dans le moule - même si, bien sûr, personne ne prononce jamais les mots 'codes', 'normes', 'régir', 'espace social' et 'moule' (mais on peut connaître le sens des mots avant de les avoir entendus).
Maladroites, nous blessons parfois. On nous dit moqueuses. Ça redouble d'éclats dans nos joues. Il nous semble que l'impertinence est la plus belle des qualités, nous ne pressentons pas le piège du rire cynique qui abrase tout.
[ milieu des années 80 ]
Nous achetons dix badges, mains jaunes 'Touche pas à mon pote', elles coûtent cinq francs chacune. […] En rentrant à la maison, je donne un badge à ma sœur, l'antiracisme est ce que nous sommes. Apprendre plus tard que l'opération 'SOS Racisme' a été inventée par calcul politique dans les bureaux d'un pouvoir socialiste intéressé à exciter l'extrême-droite ne fanera pas rétroactivement la sensation de l'enthousiasme.
[ voir sur Wiki : https://fr.wikipedia.org/wiki/Touche_pas_à_mon_pote ]
Autrefois, on mesurait le monde avec ses pieds, on le humait avec sa peau, il fallait sortir pour le rencontrer. Désormais, il est dans nos poches, il vibre pour nous notifier quelque chose, il défile sous la pulpe de nos doigts, nous géolocalisant à jamais.
Elle ( sa soeur) est celle par qui j'existe au monde, depuis son premier regard sur moi - effacé à jamais de ma mémoire mais gravé préhistorique dans ma roche de sorte que jamais je ne puisse en douter. Etre à ses côtés c'est se chauffer à une force mystérieuse, peut-être tellurique.
Renaud n'est plus à ma taille. Il ne me va plus mais je le garde jusqu'à toujours dans mes placards.
... Je lis plus que je ne joue, la comtesse de Ségur, je suis Sophie, je suis aussi Delphine et Marinette, je suis Hansel et Gretel, Fantômette, Claude du Club des cinq, Jo des quatre filles du docteur March, je suis Heidi, la grand-mère aveugle, le grand-père Jean Valjean, je suis Cosette, le grand-père d'Heidi, je suis Tistou les pouces verts et le Petit Nicolas, je ne suis pas Agnan, je suis Sissi, ses robes comprimant sa poitrine et son regard triste, enfant, je suis Huckleberry Finn, sa cabane dans l'arbre, enfant je suis Laura Ingalls et elle voudrait que je la lui laisse et sois Marie Ingalls mais non je suis Laura, mes nattes pareilles, si elle veut nous sommes deux Laura, enfant je suis tous les personnages de toutes les histoires.
Je suis la Petite fille aux allumettes.