Citations sur Mistral perdu ou les événements (113)
Ils sont les enfants d'après 1968 et cette identité les façonne et les creuse en même temps. Sans les luttes de leurs aînés ,ils ne connaîtraient pas cette liberté dont ils ont à peine conscience.Tout héritage ,aussi précieux soit-il,est une charge: le poids de celui-ci les écraserait presque .Leurs parents ont cassé l'ordre ancien,ils ont obtenu la pilule, l'avortement,la liberté de s'aimer et le droit à l'insolence.Ces combats ne sont plus à mener. Eux sont de la génération d'après. Déliés des coutumes et des interdits, libres mais seuls face à cette liberté ,ils sont détachés ,comme des pollens éparpillés dans le vent.(pages 90/91)
On dit 21 avril pour justifier le vote utile. On ne dit pas 21 avril pour demander ce qu'il s'est passé pour que, de dépit, de lassitude ou de rage, les bulletins envoient valser la table.
Je me demande ce que nous aurions répondu si on nous avait interrogés sur l'identité nationale. Un éclat de rire? Un regard vide? Ce que nous sommes alors: un groupe d'individus identifiés par leurs goûts plutôt que par des identités héritées. Les "mots" musulmans" et "juifs" n'existent pas hors de nos manuels d'histoire.
Je vois nos pensées comme des milliers d'éphémères. A peine nées elle s'échappent; même pas formulées elles se perdent. Elles habitent et dépeuplent l'instant dans le même mouvement.
Tout heritage, aussi précieux soit-il, est une charge; le poids de celui-ci les écraserait presque. Leurs parents ont cassé l'ordre ancien, ils ont obtenu la pilule, l'avortement, la liberté de s'aimer et le droit à l'insolence. Ces combats ne sont plus à mener. Eux sont de la génération d'après. Déliés des coutumes et des interdits, libres mais seuls face à cette liberté, ils sont détachés, comme des pollens éparpillés dans le vent.
"A quelle minute, mois, année, devient-on soi ? Est-on dans tous ses âges ? Je suis celle qui apprend à marcher en Algérie, celle qui fronce ses sourcils pour tenter de comprendre comment tourne le monde, je suis celle qui brûle sa peau dans la neige insouciante, je suis celle qui caresse la matin dans le lit chaud, je suis celle qui marche jusqu'aux cercueils, elle a du courage, de la légèreté, de la joie et du chagrin. Elle est tous ses sédiments."
La mémoire n'a pas conservé les détails, elle a juste inscrit dans mes souvenirs l'instant précis de l'irruption. "Sa chanson s'intitule : Marche à l'ombre et il s'appelle Renaud !". Elle a gravé le moment premier où un homme au regard adolescent (il pourrait être notre père) déchire le voile qui enferme nos enfances dans des certitudes trop sages pour en faire des confettis d'insolence. L'instant où un homme aux cheveux longs et aux jambes arquées comme une porte de grange (il pourrait être notre père, mais notre père ne ferait jamais cela).
Tout est mélangé, contradictoire, entortillé des milliards de molécules qui constituent un individu, baigné des courants de l'époque, d'un terroir, d'une famille, imprégné des événements, leur otage on pourrait dire tant il dépend d'eux longtemps après avoir cru y échapper.
La peine est une longue bande de terre à traverser, paysage de failles coupantes et de plaines brûlées.
J'imagine souvent ce que serait la Terre si tout était conservé, une asphyxie d'archives, un inarpentable musée.