Mon psychiatre disait que c'était un trouble spécifiquement féminin. Il le répétait régulièrement, l'air de rien, le menton baissé et ses lunettes filiformes pinçant le bout de son nez. Comme si j'allais lui répondre : « Ah bon? Ah pardon, bon bah j'arrête alors... »
Ici, on n’exporte pas. On se contente de travailler à l’intérieur du territoire, c’est bien assez lucratif comme ça. Singe Tamarin de Goeldi à un million pièce, hyène tachetée à deux millions huit, couple de panthères noires et leurs petits au prix d’un Rembrandt. Kangourous, jaguars, pandas, requins, toucans, lynx, koalas, tigres, chimpanzés, éléphants… Éventail de pièces albinos : lions blancs, zèbres blancs, alligators blancs.
S’ils existent, ils sont là.
Haïr quelqu’un c’est lui offrir le privilège d’exister en soi. C’est lui préparer un siège et en chauffer le cuir pour bien l’accueillir. C’est avoir la certitude de toujours le trouver là où on l’a rangé. A sa place? Dans son crâne et dans son coeur. Dans un nid douillet parfumé au fiel. Haïr quelqu’un c’est lui assigner une place dans l’endroit le plus prestigieux de son soi.
On peut naître sociopathe, mais la pathologie ne fait pas d’emblée de vous un monstre. Il y a un terrain. Et lorsqu’il est particulièrement bien cultivé, parfois des plantes poussent. Mais parfois, aucune graine ne suffit à faire apparaître une quelconque flore.
Ses yeux vairons : un qui ment, un qui dit la vérité. Le bien, le mal. Yin, yang. Black and white. Ainsi sont les yeux de Church. Pareil que ses humeurs. Un prêtre et un fossoyeur sataniste. C'est ce qu'il est. Jamais au milieu. Parce que le milieu, il ne connaît pas. Il ne sait pas comment il faut faire, pour tout bien mélanger afin de tempérer ses émotions.
Diluer sa colère, pour lui c'est comme diluer un bon cognac. Du gâchis.
On prendrait quinze mille photos de moi. Il y en aurait quatorze mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf d'éblouissantes, et une de tout à fait hideuse. De ces quatorze mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, je ne retiendrais rien. De l'autre, j'avalerais tout. Les ombres disgracieuses. Les grosseurs de peau. L'œil fatigué.
Ils me hanteraient.
C'est toujours dans le plus laid de mes clichés que je me reconnais. C'est lui, qui dit de moi ce que je suis.
Une perdante.
Forcément, des gosses qui élèvent des gosses qui élèvent des gosses qui élèvent des gosses, ça foire à la chaîne. Trop d’égos tentant de se réparer en bouchant leur abysse existentiel avec une compresse humaine qui promet de les aimer sans faille mais qui évidemment n’en fera rien. De toute façon, le passé ne se répare pas. Il se range quelque part et fait semblant d’être silencieux.
La télé réalité c'est un peu l'art contemporain des handicapés intellectuels.
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Alors bénissons ces retardés et remercions-les d'exister. Grâce à l'ombre de leur bétise, on distingue plus clairement la lumière de nos esprits brillants.
Cette maison, elle sentira mauvais jusqu'à ce que d'autres y mettent de meilleurs souvenirs.
Moi je n'ai n'ai pas le talent de les collectionner.
Pourtant j'ai celui de ne pas arrêter d'essayer.
L’humain n’est pas toujours une équation à disséquer. Il est ce qu’il est parce que la vie en a décidé ainsi. On est ce qu’on naît.