Si l'on cherche l'essence de l'Europe, on ne trouve qu'un "esprit européen" évanescent et aseptisé. Si l'on croit dévoiler son attribut authentique, alors on occulte un attribut contraire, non moins européen. Ainsi, si l'Europe c'est le droit, c'est aussi la force; si c'est la démocratie, c'est aussi l'oppression; si c'est la spiritualité, c'est aussi la matérialité; si c'est la mesure, c'est aussi l'ubris, la démesure; si c'est la raison, c'est aussi le mythe, y compris à l'intérieur de raison.
L'Europe est une notion incertaine, naissant du tohu-bohu, aux frontières vagues, à géométrie variable , subissant des glissements, ruptures, métamorphoses.
L'Europe n'était plus qu'une grosse Suisse désunie de l'ère planétaire. Le condor s'était mué en coucou.
L'Europe avait dominé le monde à l'aube du XXème siècle. Moins d'un siècle plus tard, une partie du monde libère l'Europe, puis l'autre partie s'en libère.
L'Europe n'est pas à l'origine de la démocratie. C'est l'Athènes du Vème siècle avant J.-C. qui en a fourni le premier modèle accompli. La démocratie athénienne n'était pas démocratique pour les esclaves, mais son principe était universalisable. La première démocratie moderne est née, non en Europe, mais contre elle, en Amérique (1776). L'histoire européenne a été davantage marquée par absolutismes, despotismes, bonapartismes, fascismes, et des dictatures ont continué à s'imposer en Europe (Portugal, Espagne, Grèce) jusqu'après la Seconde Guerre mondiale.
l'Europe, comme toute notion importante, se définit non par ses frontières, qui sont floues et changeantes, mais par ce qui l'organise et produit son originalité.
Le nihilisme, c'est la perte de sens irrémédiable pour l'Univers et pour l'Homme.