La prisonnière du temps

Les évènements cruciaux de l'existence ont le don de nous ramener au passé.

Elle était avide d’apprendre et furieuse de sa lenteur à assimiler certaines lectures. Le monde était si incroyablement riche! Pour chaque livre lu, chaque hypothèse scientifique qu’elle avait pu appréhender, il s’en offrait dix qu’elle ne pouvait pas aborder. Parfois, la nuit, elle se demandait comment tirer le meilleur profit de son temps; il n’y en avait tout simplement pas assez pour lui garantir qu’elle pourrait apprendre tout ce qu’elle voulait savoir.

Impossible de revenir en arrière. Le temps ne connaît qu'une direction. Le temps ne s'arrête jamais. Il coule, fleuve inlassable, et ne laisse à personne le temps de réfléchir. La seule manière de le remonter est de se souvenir.

la pire des choses quand vous prenez de l'âge, monsieur Gilbert, c'est celle-ci: vous n'avez plus de temps. Trop de choses à apprendre et pas assez de temps pour les assimiler. Parfois, la nuit, cette horrible vérité m'empêche de dormir; je ferme les yeux et j'entends mon cœur égrener les secondes, comme une horloge. Dans ces cas-là, je m'assieds dans mon lit et je lis. Je lis, j'écris des notes, je fais travailler ma mémoire. Et puis je recommence. Et cependant, tout cela est vain, car mon temps va prendre fin. Quelles splendeurs vais-je rater?

- Le monde est plein de choses qui ne sont pas bien, jeune Lucy. En général, ce sont celles qui réjouissent le plus les gens qui les font.

Sa conception avait dû être immaculée, car personne ne mentionnait jamais son père. Mme Mack désignait toujours son fils d'un "Martin, mon garçon" plein de fierté. Leur lien de parenté était aussi manifeste qu'était semblable l'appendice nasal qui ornait leur visage. Mais tandis que Mme Mack était d'un optimisme constant, Martin considérait la vie avec beaucoup moins d'entrain. Il ne voyait que pertes, jamais profits : lorsqu'on lui offrait un cadeau, il se morfondait en pensant à ceux qu'il n'avait pas reçus.

" C'est la petite qui donne la bonne heure, m'expliqua-t-elle. L'autre..."
Elle fronça les sourcils : mon père venait juste de finir de la remonter.
"... elle donne l'heure de Londres."

J'appris ainsi que, si je ne pouvais pas être à deux endroits différents en même temps, je pouvais être au même endroit en deux temps différents.

p.105

Même si elle ne l'eût avoué sous aucun prétexte à qui que ce soit (elle avait d'ailleurs du mal à s'en expliquer la raison), la perspective de poser pour la photographie lui donnait l'impression d'être devenue plus 'réelle'.

p.630

Les stèles parlaient de vieillesse et d'années trop courtes, et de la justice aveugle de la mort. Un ange superbe et triste baissait la tête sur un livre ouvert, sa chevelure de pierre, noircie par le temps, dégringolant sur la si froide page. Il y avait dans ces endroits un silence qui ne pouvait qu'inspirer le respect.

p.488

" La terre n'oublie pas, se souvenait d'avoir lu Leonard. Le lieu est un seuil que l'on franchit en traversant le temps."

p.324