Trouver une sépulture à son père est un acte symbolique déjà fort, que dire alors si son cadavre la ramène et râle et soliloque et prend les fantômes de l'enfance à témoin. En plus de puer ! Une errance dans le Liban rural encore tout imprégné de tueries et de souffrances indicibles, et des "fous" sublimes, chacun à sa façon brisé par la guerre, qui rejoignent la quête du fils. Un groupe se crée, débat et vaque, se chamaille et se soutient. Mais où donc pourront-ils enterrer ce père encombrant ? Et tout cela écrit dans un style direct et coloré, sans faux semblant ni coquetterie, qui nous met une bulle de belle et bonne fraternité dans le coeur. Un texte sûrement pas très utile mais tout à fait indispensable.
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L'errance d'un homme à la recherche d'un endroit où enterrer son père... et cette simple situation permet à l'auteur d'aborder, sous couvert d'une quête un peu farfelue, des sujets profonds, touchants, et toujours avec un mélange de brutalité et de poésie sans égal.
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Il existe deux éditions de cette pièce, l'une écrite en 1999, la seconde en 2009. Écrite, mais en fait plutôt édition revue. L'histoire reste la même mais elle se retrouve un peu plus condensée.
Wajdi Mouawad a quitté son pays natal, le Liban, il y a une quinzaine d'année. Comme beaucoup, voire tous, il y est resté très attaché. Attaché au point d'y revenir dans ses pièces. Dans ce « Littoral » le nom du pays où Wilfrid va ramener son père pour qu'il y repose, n'est pas cité mais c'est tout comme.
L'un des personnages (fictif) clés, avec Wilfrid et son père, est le chevalier Guiromelan. Une sorte de protection intérieure à qui l'enfant fait appel chaque fois que ça va très mal dans sa vie et, Dieu sait qu'il fera souvent appel à lui. Chevalier infaillible protecteur.
Pas de douceur dans cette pièce. Violence morale, mentale. D'abord la reconnaissance du corps chez un thanatologue froid, procédurier et narcissique. Tout le reste de cette pièce ne sera que violence intérieure ; le retour au pays, pays que l'on ne reconnait plus tant il a été défiguré. Retour brutal dans un pays où l'on est devenu étranger. Rencontre de ceux et celles Simone, Amé, Sabbé, Massi et Joséphine, qui, aussi ont vécu l'horreur de la guerre et doivent raconter pour se libérer du poids qui plombe leur vie. Tous ensemble vont s'unir pour gagner le littoral pour dire adieu à ce père.
Là, arrivé sur ce littoral, Wilfrid va, enfin dire adieu à son chevalier Guiromélan. Il vient, enfin, de se libérer de son enfance, de son passé sordide. Et c'est tous qu'ils viennent de faire cette quête.
Au moins, pour cette scène de l'adieu au chevalier, il faut lire cette pièce.
Quand vous fermerez littoral, il vous restera l'envie très forte d'entrer dans une autre phase de ce « sang des promesses » : incendies. Ne croyez surtout vous en sortir indemne.
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Je ne savais pas qu'une pièce de théâtre pouvait avoir une ambiance aussi surréelle ; celle-ci nous laisse voir l'imagination du personnage principal ; les rêves interagissent avec les personnages réels, à moins que justement ils ne le soient pas... le procédé n'est pas gratuit puisqu'il sert à montrer la dévastation du héro suite à la mort de son père, qu'il connaissait peu. Il partira quand même pour lui en quête, d'abord de la personne qu'il était, puis d'un lieu de sépulture pour son corps. Il rencontrera en route d'autres personnages qui ont perdu leur père, et s'associeront à sa quête pour honorer leurs pères aussi, par procuration.
L'auteur explique en préface avoir voulu combiner Hamlet, Oedide roi, et L'idiot ; plusieurs personnages en sont tirés.
Si le ton de la pièce débute de manière humoristique, il glisse rapidement dans la détresse, la colère, le désespoir puis la paix.
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