Citations sur Quinze cents kilomètres à pied à travers l'Amérique profonde (10)
Je me sentais complètement perdu au milieu de ces foules immenses, du vacarme des rues et de ces immeubles énormes. Je me disais souvent que cette ville, j’irais volontiers l’explorer si, comme une région de collines et de vallées sauvages, elle était vide d’habitants.
Massacrer les bêtes de Dieu pour le plaisir était à mon avis la plus « f__tue » besogne. « Elles ont été créés pour nous, disent ces prédicateurs suffisants, pour nous nourrir, nous divertir, ainsi que pour d’autres usages qu’on n’a pas encore découverts. » En se mettant à la place d’un ours qui conclut à son avantage un différend avec un chasseur malchanceux, on pourrait dire avec tout autant de justesse : « Les hommes et les autres bipèdes on été créés pour les ours, et grâce soit rendue à Dieu pour des griffes et des dents si longues ».
Si un chasseur chrétien va dans les forêts du Seigneur tuer les animaux dont IL prend soin ou des Indiens sauvages, tout est normal ; mais que parmi ces victimes ad hoc, prédestinées, un spécimen entreprenant aille dans les maisons ou par les champs et qu’il tue le plus méprisable de ces tueurs divins et verticaux, c’est un épouvantable sacrilège, et de la part d’Indiens un meurtre atroce ! Ma foi, je n’ai pas grande sympathie pour l’égoïsme distinctif de l’homme civilisé : si une guerre des races se déclarait entre les bêtes sauvages et Monseigneur l’Homme, j’aurais plutôt tendance à prendre parti pour les ours.
Bien sûr, j'ai dû dormir avec les arbres, dans le grand dortoir de la vaste nuit.
On perd bientôt la conscience d'exister de façon autonome, on se fond dans le paysage et on devient une partie, un élément de la nature. p 153
Il n'est pas de sujet sur lequel nos idées soient plus biscornues et plus pitoyables que sur la mort. Au lieu de l'harmonie, de l'union fraternelle entre la vie et la mort, si patente dans la Nature, on nous apprend que la mort est un accident, le déplorable châtiment du péché le plus archaïque, le plus grand ennemi de la vie, etc. p 61
Nous avons tendance à ne regarder le grand océan que comme une partie presque vide de notre globe - une espèce de désert, des eaux inutiles. Mais quoique nous soyons des animaux terrestres, la terre nous est à peu près aussi inconnue que la mer, car les regards troubles - et mercantiles, le plus souvent - que nous portons sur l’océan sont en comparaison dépourvus de valeur....
J'aurais bien aimé savoir où j'allais. Voué à être - poussé par l'Esprit dans le désert - je suppose...J'aimerais bien être plus mesuré dans mes désirs, mais ne le puis, de sorte que je n'ai point de repos.
Le monde, nous dit-on, a été formé spécialement pour l'homme - présomption que les faits ne corroborent pas toujours. p103
Le vent, qui agitait les lourds panicules plus hauts que ma tête, faisait un bruit étrange et je craignais le paludisme, si répandu ici, lorsque je pensai tout à coup au cimetière.
" C'est l'endroit idéal pour un vagabond sans le sou, me dis-je. les malintentionnés superstitieux n'oseront pas s'y aventurer de peur des fantômes et j'aurais pour moi une paix et un repos divins." p 63
Au col, le paysage et toute la nature sont littéralement enchanteurs. On y trouve d’étranges et superbes fougères de montagne, aussi bien au fond des canyons obscurs que sur les rochers des sommets inondés de soleil, des rangées d’arbustes fleuris et des monceaux étincelants de fleurs, aussi précieuses et aussi pures que celles dont ait jamais été paré un chalet de montagne. Et les ruisseaux ! brillants, étincelants, dotés chacun de sa propre musique, et qui, dans l’ombre ou la lumière, chantent sur les sentiers toujours changeants qui les conduisent à la mer. Les collines se hissent au-dessus des collines, les montagnes sur les montagnes ; elles enflent, elles se gonflent, elles ondoient, avec une majesté souveraine, irrésistible, indéchiffrable.