La bascule du souffle
(Gallimard)
Herta Müller 2018 Roumanie, janvier 1945. La population germanophone de Transylvanie vit dans la peur de la déportation. En effet, le régime stalinien, lancé dans sa chasse aux sorcières, décide de «faire payer » les populations qui auraient soutenu le régime nazi. La seule « faute » pour cette minorité roumaine : parler allemand.
Léopold, 17 ans, sait qu'il est sur la liste. Il prépare consciencieusement sa petite valise : des affaires chaudes, quelques livres ... Et quand la police roumaine vient le chercher, sa grand-mère lui dit « je sais que tu reviendras ». Et cette phrase l'habitera et le soutiendra tout au long de ces années de captivité.
Le roman est en fait une succession de confidences, pas réellement un journal ou un récit au jour le jour.
Pendant cinq années Léopold va endurer l'enfer : des travaux forcés, de jour comme de nuit, le froid, les parasites, les maladies liées à la sous alimentation mais aussi les travaux dans la cimenterie, le goudron, la tuilerie, le charbon ... et la faim, omniprésente dans ce roman.
Chaque jour est un combat. Il y a le corps qui réclame la nourriture, et il y a l'esprit qui déraille parfois ... Et c'est grâce à son esprit, à sa faculté à transformer le réel que Léopold s'en sortira.
Roman fort, sur un sujet terrible. de magnifiques passages à l'écriture poétique. Un récit poignant.
Citation :
« Après la douche, nous attendions debout dans le vestibule. Une fois nus, avec nos silhouettes déformées et pelées, nous avions l'air d'être du bétail de rebut. Personne n'avait honte. de quoi avoir honte, quand on n'a plus de corps. Mais c'était à cause de ce dernier que nous étions au camp, pour des travaux physiques. Moins on avait de corps, plus on était puni par lui. Cette dépouille appartenait aux Russes. »