Je me suis enfin procuré le recueil des sombres poèmes d'Edgar Allan Poe et aussi le très mystique "Mariage du Ciel et de l'Enfer" de William Blake.
C'est un merveilleux choc émotionnel pour moi qui, de par mon éducation protestante un peu étriquée, n'avait guère lu jusque là que la Bible et "Robinson Crusoé"...
Depuis hier, le premier camp de base est installé pour au moins deux semaines dans une vaste clairière, au creux d'un vallon. Nous sommes au soir du cinquième jour du mois d'août et la nuit s'annonce belle, pleine de musique irlandaise et de joie de vivre.
La plaque de verre photosensible exposée à la lumière témoigne aussi, parfois, de nos propres contorsions intérieures pour atteindre le paysage qui se tient devant nous. Le regard n'est qu'un geste; se pencher pour cueillir une fleur, ou s'accrocher à une branche pour ne pas tomber.
Le douzième jour de juillet, après avoir traversé une plaine herbeuse de plus de trente miles de large, nous arrivâmes sur les bords de la Rivière-Plate, comme l'ont appelée les Français. La plus merveilleuse et la plus inutile des rivières de l'Amérique du Nord.
Elle peut atteindre plus de deux mille yards d'un bord à l'autre, mais elle n'est pas navigable avec ses six pieds de profondeur, qui peuvent même se réduire à seulement deux pieds à certains endroits, comme celui où nous avons justement décidé de faire passer le convoi à gué.
Les vastes forêts de conifères et les cascades vertigineuses semblent nous observer telles de minuscules fourmis essayant de se frayer un chemin dans les hautes herbes.
Les nouveaux paysages qui s'offrent à nous, aujourd'hui, me donnent l'impression d'être au bout du monde.
Regarde plutôt les montagnes. L'épine dorsale du Nouveau Monde! Nous y sommes... Et le soleil ne va pas tarder à se coucher, juste derrière. Tu devrais faire une belle image avant qu'il ne soit trop tard.
Il savait que nous étions armés et supérieurs en nombre, mais cela n'avait pas l'air de l'inquiéter, comme si l'idée de la mort qui planait autour de nous depuis quelques instants ne l'atteignait pas.
La plaine était recouverte par endroits de grosses pierres plates, grises et jaunâtres, confusément arrangées comme si elles étaient sorties des entrailles de la terre par quelques agitations souterraines.
J'ai entendu un jour, de la bouche d'un vieil Indien Chippewa, que la vie n'est qu'une petite ombre invisible qui court dans l'herbe pour aller se perdre dans la lumière du soleil couchant.