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Citations sur Désaccord parfait (8)

A tout moment, les artistes d'autrefois sont susceptibles de se voir inculper pour des crimes ou des délits qui n'existaient pas de leur vivant.
Nous sommes si fiers de nos "valeurs" que nous les avons rendues rétroactives : c'est ce qui les différencie des lois ordinaires qui, comme le dit le Code Civil, "ne disposent que pour l'avenir".
C'est souvent un fils ou une fille de notable qui exerce des représailles posthumes sur son géniteur ou sa génitrice. Voir le livre de la fille de Jacques Lacan, il y a quelques mois.
Ce peut être aussi une ex-compagne : Françoise Gilot réglant ses comptes avec Picasso dans "Vivre avec Picasso". La plupart sont très colère contre le génie qui les a génités. Ils l'auraient souhaité un peu moins génial et beaucoup plus géniteur. Ils écrivent des livres pour s'en plaindre. Ils donnent des entretiens. Ça pourrait même devenir un genre littéraire. Dans le style "Ma rancoeur mise à nu".
J'ai entendu l'une des petites-filles de Picasso confesser qu'elle haïssait son grand-père ("Il a fait tellement de mal à ses proches !"), mais que, tenant de lui un assez bel héritage, elle le consacrait à aider l'enfance malheureuse. Ainsi se retrouve blanchi l'argent si mal gagné de cet odieux aïeul.
Quant à la fille unique de Céline, on lui doit cet aveu : "Je préfère être la fille de "Louis" plutôt que celle de Céline." L'ennui c'est que "Voyage au bout de la nuit", ce n'est pas "Louis" qui l'a écrit.
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LA GRANDE BATTUE

La chasse est ouverte. Pour les scouts de la bonne pensée, pour le petit peuple des commentateurs, biographes, universitaires, journalistes d'investigation et fabricants de thèses, c'est devenu une occupation à temps complet. Ces gens-là, désapprouvent la chasse réelle, mais ils raffolent du gibier symbolique. Tout homme illustre, entre leurs mains, peut devenir une bête aux abois. Le nouveau monde vertueux des louveteaux de la Vigilance a en horreur les écarts de conduite des individus d'exception. Ils les dénoncent en chaire. Ils les stigmatisent. Ce sont les propagandistes de la nouvelle foi. Mouchardage et cafardage sont leurs deux mamelles.
Chaque jour nous apporte sa brassée de révélations. Tantôt c'est Michel Foucault dont on nous explique l'oeuvre complète à travers sa fréquentation des boites sado-masos californiennes ; tantôt c'est Brecht, qu'on nous montre en tyran répugnant, signant des pièces écrites par ses maîtresses. Et voilà encore Cioran admirateur, dans sa jeunesse, du fascisme roumain ; Graham Greene haineux, pédophile et raciste ; Bruno Bettelheim plagiaire, bourreau d'enfants, menteur, imposant à ses proches les méthodes des camps nazis faute d'avoir pu en surmonter le souvenir. Quant aux frères Lumière, qui devaient orner les nouveaux billets de banque, c'est de justesse qu'on s'est rappelé leur admiration pour Pétain ainsi que les francisques dont ils se laissèrent décorer pendant l'Occupation.
A qui le tour ? Que ne va-t-on encore découvrir ? Que Beethoven tournait autour des pissotières ? Que Stendhal attendait les petites filles à la sortie des écoles ? Que Cervantès a volé le manuscrit de Don Quichotte à sa voisine ? Nous avions déjà eu Marx pourvoyeur de goulags et séducteur de bonnes ; Heidegger nazi jusqu'au bout du Dasein ; Henry Miller érotomane et antisémite ; Picasso et ses épouses martyyres ; Hemingway et son impuissance.
On peut désormais écrire à peu près n'importe quoi sur n'importe qui, à condition que celui dont on parle en ressorte disqualifié, ruiné, ridiculisé. A condition qu'il devienne "une affaire". Un dossier sordide à classer. Un sujet d'enquête d'intérêt général.
Il y a quelques mois, j'ai même entendu, à la télévision, une dame (auteur d'un livre sur les artistes et leurs "muses") déclarer que Balzac ne devait son génie qu'à Mme de Berny. C'est elle, la Dilecta, qui lui avait tout appris. Et d'ailleurs, lorsqu'elle est morte, continuait cette poufiasse, Balzac n'a plus rien fait de bon. Plus rien, en effet. A part César Birotteau, Splendeurs et misères des courtisanes, Le Cabinet des Antiques, La Rabouilleuse, Une ténébreuse affaire, La Cousine Bette, Le Cousin Pons et une bonne cinquantaine d'autres chefs-d'oeuvre.
On n'étudie plus les génies d'autrefois. On ne les admire plus. On les débusques. On les capture. On les fourre à l'autoclave, et on voit ce que ça donne. Et malheur à ceux qui se laissèrent aller, fût-ce sous forme de plaisanterie, à exprimer le moindre soupçon de misogynie, de xénophobie ou de désapprobation du monde tel qu'il va !
Le passé, tout le passé doit être massacré.
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Car c'est chaque jour, désormais, que le voleur crie au voleur.
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La fiction est le diable de la réalité qui le sait encore ?

Nous sommes désarmés en face du Bien, c'est logique : on ne nous a appris à lutter que contre le Mal. Il faut reconnaître que la bagarre a été chaude et que le négatif, ou la "part maudite", ont été pratiquement éradiqués, au moins sous leur formes les plus spectaculaires, de ce côté-ci du monde. (...) Nous n'avons aucun arguments contre le Bien, contre l'innocence, contre le sentimentalisme de la moralité, de la vertu, de la volonté de transparence partout, des bonnes intentions, de la télécharité.
Et voilà pourquoi vos romans sont muets.
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Plus d'extraits sur : https://notesdelecturedepatrickbittar.blogspot.fr/2018/01/desaccord-parfait-de-philippe-muray.html

Ainsi le féminisme et l’homosexualité ont-ils gagné : cependant même leur victoire doit continuer à être proclamée en tant que semi-échec, racontée jusqu’à la fin des temps sur le mode de la lutte toujours à recommencer d’une pathétique minorité contre une majorité répugnante (les machos, les pères, les homophobes) dont il n’existe plus, à Cordicopolis, aucun exemplaire en circulation. De même faut-il sans cesse pousser des cris d’alarme contre la prolifération qui a pourtant le même caractère d’évidence à peu de chose près, que la célèbre recrudescence des vols de sac à main dans les salles de cinéma.

La divergence et le désaccord ont été liquidés (…) Quand l’ensemble des confiscateurs de toute parole répète qu’il est merveilleusement incorrect d’être artiste, tout en faisant l’éloge émerveillé de la « création contemporaine », c’est-à-dire de la plus flagrante des soumissions, il faut savoir tirer les conséquences de ce gâtisme rhétorique ; et en déduire, pour commencer, qu’il n’y a plus de réalité (…) A la lettre, et de la manière la plus sinistrement clownesque, le « Prenez vos désirs pour la réalité » de 68 est accompli (…) Ici commence le temps des mutés de Panurge.
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(et parce qu'il faut bien comme disait Kojève que l'homme puisse faire semblant de continuer à s'opposer à lui-même et aux autres)
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Un corps féminin qui s'exhibe est toujours plus ou moins, pour le spectateur, la réfutation en action de l'espace qui l'entoure. Un procès foudroyant intenté à l'espace pour insignifiance, médiocrité rabâchée, trop vue.
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L'insatisfaction proclamée de tant de femmes vis-à-vis de certains détails de leur corps peut très facilement devenir un supplément de délices pour l'amateur avisé qui saura les aimer, ces défauts, comme autant de signes différenciateurs, donc d'indices imprévisibles de volupté en plus.
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