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Citations sur Pnine (13)

Vers le début des années trente, Pnine, alors marié lui aussi, avait accompagné sa femme à Berlin, où elle souhaitait participer à un congrès de psychiatrie, et, un soir, dans un restaurant russe du Kurfürstendamm, il avait revu Mira. Ils avaient échangé quelques paroles, elle lui avait souri, de la façon dont il se souvenait, sous son sourcil noir, avec cette timide malice qui était la sienne ; et le contour de ses pommettes saillantes, et son oeil allongé, et la minceur de son bras et sa cheville étaient inchangés, immortels, et puis elle rejoignit son mari qui était allé chercher son pardessus au vestiaire, et c'est tout, mais les affres de la tendresse n'avait pas disparu, semblables aux contours vibrants d'un poème dont vous savez que vous le savez, mais dont vous ne parvenez pas à vous rappeler les mots.
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Les yeux de certaines femmes aimées, grâce à une combinaison fortuite de forme et d'éclat, ne nous touchent pas directement, au moment de la timide perception, mais par effet relayé et cumulatif d'explosion lumineuse, une fois la perfide éloignée, et l'agonie magique subsiste, et ses objectifs et ses projecteurs s'installent dans le noir. Quels que fussent les yeux de Liza Pnine, aujourd'hui Wind, ils paraissaient ne révéler leur essence, leur eau de pierre précieuse, que seulement quand on les évoquait en pensée. Alors une flambée blanche, aveugle, d'aigue-marine liquide, frissonnait et s'épanouissait comme si un éclaboussement de soleil et de mer vous fût entré dans la pupille.
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Son existence n'était qu'un long combat livré à des objets déments qui se désagrégeaient ou se ruaient sur lui, ou se refusaient à fonctionner, ou
malignement encore, disparaissaient dès qu'ils pénétraient dans la sphère de son existence. Inapte des deux mains à un degré rare, il ne s'en croyait pas moins remarquablement doué d'adresse et de talent mécanique parce qu'il savait improviser sur le champ une flûte avec une cosse de pois, parce qu'il réussissait dix ricochets au moyen d'un seul caillou plat sur la surface d'une mare, qu'il faisait avec ses doigts un lapin en ombres chinoises (oeil compris), et qu'il connaissait plusieurs autres de ces trucs que les Russes ont dans leur sac à malice.
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Puis, pendant quelques jours, il se trouva en deuil d'une part intime de lui-même. Il était surpris de constater combien il avait éprouvé d'affection pour ses dents. Sa langue, ce gros phoque lisse, avait fait plouf et glissé avec tant de plaisir parmi les rochers familiers, vérifiant les contours de son empire menacé, mais encore solide, plongé de crique en grotte, grimpé cette arête, scruté cette anfractuosité, attrapant au passage une bribe d'algue marine délectable dans cette même vieille brèche, naguère ; à présent, les repères avaient disparu, il restait une vaste plaie sombre, une terra incognita de muqueuse, que la crainte et le dégoût interdisaient d'explorer. Et quand le râtelier fut posé, ce fut comme si l'on avait serti dans un pauvre crâne fossile les mâchoires ricanantes d'un parfait étranger.
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Dans les taches d'encre si belles de Rorschach, où les enfants voient, ou devraient voir, toutes sortes de choses, horizons, évasions et promontoires, les larves de l'imbécilité, des troncs d'arbres atteints de névrose, protège-souliers érotiques, parapluies et haltères, on ne put rien faire découvrir à Victor qui fût d'un intérêt quelconque pour le thérapeute. Aucun croquis involontaire de Victor ne représentait no plus ce qu'in appelle des mandala, termes censé signifier en sanscrit l'anneau magique, et que le Dr Jung et d'autres appliquent à n'importe quelle structure tétrafoliée telle que la section transversale d'un mangoustan ou d'une croix ou une roue à briser les "égos" comme des papillons bleus, ou, plus exactement, le molécule du carbone, avec ses quatre valences, le carbone, ce composant principal de notre cerveau automatiquement magnifié et réfléchi sur l e papier.
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(...) il offrait échantillon sur échantillon de ce que ses auditeurs, poliment, supposaient être de l'humour russe. Bientôt, il n'en pouvait plus de tant de comique et des larmes en forme de poires dévalaient le long de ses joues hâlées. Non seulement ses affreuses dents, mais encore une partie étonnamment considérable de la gencive supérieure, faisait un bond comme dans une détente de diable qui sort de sa boîte, et la main de Pnine volait au-devant de sa bouche, cependant que s'agitaient et roulaient ses épaules. (...) on ne résistait pas à sa façon de capituler entièrement devant sa propre gaieté. À présent qu'il n'en pouvait plus, ses étudiants rendaient les armes. C'était Charles qui poussait des aboiements saccadés qui partaient comme un mécanisme à remontage, un flot étincelant d'éclats de rire surprenants de charmes qui transfiguraient Joséphine, à l'ordinaire pas jolie, mais transformant Eileen, qui l'était, en une masse gélatineuse de gigotements disgracieux.
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Pnine, lentement, marché sous les pins solennels. Le ciel était en train de mourir. Il ne croyait pas en un Dieu autocratique. Il croyait, faiblement, à une démocratie des fantômes. Les âmes des morts, peut-être, formaient des commissions, et celles-ci, en session ininterrompue, veillaient sur les destinées des vivants.
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Certaines personnes (et j'en suis une) détestent "l'heureux dénouement". Nous nous sentons volés. L'échec est la règle. La fatalité ne devrait pas s'enrayer. Une avalanche qui s'arrête sur sa route à quelques centimètres seulement du hameau qui tremble, non seulement est contre nature, mais encore est immorale.
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Si son russe était de la musique, son anglais était un véritable assassinat.
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Dans sa mémoire, l'accumulation de ces logements consécutifs ressemblait à présent à ces étalages de fauteuils groupés, de lits et e lampes et de coins-de-feu qui, privés de coordonnées dans le temps et l'espace, se fondent dans la douce lumière d'un magasin de meules autour duquel il neige, alors que le crépuscule s'épaissit, et que personne vraiment n'aime personne.
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