L'Islam traditionnel face au monde moderne

Il y a une hiérarchie du savoir comme il y a une hiérarchie des enseignants.L'éducation est fondée sur une hiérarchie qui conduit des sciences exotériques vers les sciences ésotériques à travers une instruction elle-même dispensée par des maîtres répartis suivant une hiérarchie bien déterminée, qui va du mustajîb au hujjah et à l'imam, ce dernier ayant une connaissance parfaite de l'exotérisme et de l'ésotérisme.l'objet de l'éducation est de perfectionner et d'actualiser toutes les possibilités de l'âme humaine conduisant finalement à cette connaissance suprême du Divin qui est l'entéléchie de la vie humaine.Tandis que l'éducation prépare l'homme à la félicité dans cette vie, son but ultime est la demeure de la permanence, et toute l'éducation tend vers le monde immuable de la vie future (al-âkhira) au-delà des fluctuations de ce monde changeant.

Ce n'est pas parcequ'une erreur reçoit l'approbation du monde entier pendant un certain temps qu'il faut en faire une vérité.

Dans l'art islamique, la beauté est considérée comme le reflet de la Beauté divine: comme l'affirme le célèbre hadîth prophétique, "Dieu est beau et Il aime la beauté".De surcroît, la beauté est une dimension intrinsèque de la Vérité et de ses manifestations, et, ce faisant, une composante nécessaire de toute création artistique légitime.(...)
Le monde extérieur ne peut être paré de cette beauté qui est la théophanie de la beauté divine que si l'homme intérieur est paré de ces vertus (fadâ'il) et de ces formes de sagesse qui ont toujours caractérisé les érudits et les artistes créateurs au sein de la civilisation islamique.

En cosmologie islamique, le monde de l'imagination occupe une région intermédiaire dans la hiérarchie de l'existence cosmique, située entre le monde matériel et le monde purement spirituel.Ses formes, sons et couleurs ont une réalité objective et sa réalité ontologique sert à donner à l'imagination humaine une fonction supérieure dépassant celle de l'imagination profane telle qu'elle est comprise dans le monde moderne.C'est à cette imagination qu'Ibn Arabî se réfère si souvent dans son oeuvre en parlant de son pouvoir créateur, et qui a été traduite par Mundus imaginalis pour éviter toute confusion avec l'usage profane du terme "imagination".

Dans le Canon, Ibn Sîna précise le régime à suivre de l'enfance à l'adolescence, ayant à l'esprit un but à la fois médical et éducatif."Ici le principe important est l'acquisition du contrôle des émotions.Il faut faire attention qu'ils ne se laissent aller ni à la colère ni à la peur, et qu'ils ne soient en proie ni au découragement ni à l'insomnie.Pour ce la, il faut leur permettre ce qui est plaisant et appétissant, et éviter de leur donner tout ce qui inspire le dégoût".Le résultat, c'est que l'esprit s'accoutume dès le début à des émotions positives et développe de bonnes habitudes, tandis que le corps tire également profit de ces habitudes salutaires de l'esprit.
Puis, l'enfant arrive à un âge où, en plus des parents et de la famille, qui étaient jusqu'alors ses seuls éducateurs, il faut lui trouver à l'extérieur un enseignant approprié.

Pour Ibn Sîna, l'éducation commence à la naissance - et même avant: au moment où un homme choisit une compagne dont le caractère moral et intellectuel aura une profonde influence sur l'enfant à naître.Il met également en avant le rôle de l'épouse et de la mère dans la façon dont elle élève les enfants et dans sa contribution à leur première éducation.Il faut discipliner l'enfant dès l'allaitement et, en fait, c'est également dès son plus jeune âge qu'on doit former son caractère (ta' dîb), lui apprendre le savoir-vivre et veiller à son éducation morale.

Henry Corbin ne doit pas être considéré seulement comme un islamisant, mais aussi comme un philosophe occidental attiré par la tradition. Grâce à lui, pour la première fois depuis le Moyen-Age, la tradition philosophique de l'Islam a pénétré dans certains cercles philosophiques européens préoccupés d'éclairer de nouvelles voies pour surmonter les obstacles paralysants auxquels se heurte la pensée occidentale moderne.

A bien des égards, le monumental ouvrage qui constitue la somme de l'oeuvre de toute sa vie est bien En Islam iranien, dans lequel sont rassemblés plus de quarante ans de recherches et de méditations sur le shî'isme, le soufisme, la philosophie islamique, les relations entre l'ésotérisme islamique et l'ésotérisme occidental ( tel qu'il e manifeste par exemple dans la légende du saint Graal) et sur bien d'autres sujets encore. Cet ouvrage est sans doute l'une des plus importantes contributions de la science occidentale à la connaissance de l'Islam et en particulier du monde iranien.

Cependant, sans aucun doute, la figure qui occupa le plus l'esprit de Corbin et qu'on peut considérer comme son guide intellectuel est le Shayk al-Ishrâq al-Dîn Suhrawardî (...).
L'attachement de Corbin aux doctrines de Suhrawardî, particulièrement à sa foi dans l'importance de l'exercice de la raison ainsi que de la vision spirituelle en tant qu'"instruments" de la connaissance, avait un caractère profondément personnel. Il éprouvait une dévotion pour Suhrawardî qui, d'une certaine façon, englobait toutes es activités et tous ses intérêts spirituels et intellectuels. Corbin était essentiellement l'herméneute du monde angélique et il voyait dans la théosophie de "l'Orient de la Lumière" (Hikmat al-ishrâq) de Suhrawardî une science complète du monde angélique exprimée dans les termes du symbolisme de la lumière.

L'intérêt de Corbin pour la philosophie islamique commence avec Avicenne. Il a peu écrit sur les premiers philosophes comme Al-Kindî et Fârâbî. Mais par le réexamen approfondi auquel il a soumis Avicenne et par la brillante reconstruction de sa "philosophie orientale" (al-hikmat al-mashriqiyyah), Corbin a réussi à restaurer l'image d'un Avicenne dont la pensée est toujours vivante en Iran depuis mille ans et a été méditée par des hommes comme Suhrawardî et Nasîr al-Dîn Tûsî, un Avicenne qui est très différent du péripatéticien exclusif des textes scolastiques. Avicenne et le récit visionnaire marque une étape décisive dans les études avicenniennes en Occident. Il a également préparé le terrain à son exposé de la philosophie islamique tardive qui doit tant, non seulement à l'Avicenne auteur du Shifâ', mais aussi à l'Avicenne chercheur de l"'Orient" de la Connaissance, auquel Suhrawadî se référait un siècle et demi plus tard dans son récit de "l'Exil Occidental" (Qissat al-ghurbat al-gharbiyyah).