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Patrick Laude (Traducteur)
EAN : 9782825110591
350 pages
L'Age d'Homme (13/10/1999)
4.2/5   5 notes
Résumé :
L’évacuation du caractère sacré de la connaissance et la création d’une science "profane" ont contribué à l’oubli de la primauté de la dimension sapientielle à l’intérieur des diverses traditions et au mépris de la doctrine traditionnelle selon laquelle l’homme est doué du pouvoir de connaître les choses dans leur principe. Il convient de resacraliser la connaissance avec l’aide des traditions encore vivantes de l’Orient où la connaissance n’a jamais été séparée du ... >Voir plus
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Si on médite sur la splendeur des cieux immenses par une nuit étoilée et sur la beauté inépuisable de la terre par une journée ensoleillée, on se rend compte à quel point le domaine de la laideur est limité par rapport à celui de la beauté, à quel point son méprisables les monstruosités inventées par l’homme et produites par la machine en comparaison avec la grandeur et la beauté de l’ordre cosmique, sans parler de la beauté transcendante de l’Ordre divin dont un bref aperçu est parfois accordé aux mortels lors des rares occasions où la beauté d’un visage humain, celle d’un spectacle naturel ou d’une œuvre d’art sacré laisse une marque indélébile sur l’âme humaine et fait fondre la dure carapace de l’ego. C’est pourquoi la beauté perçue dans une perspective sapientielle, laquelle l’envisage toujours dans son rapport à Dieu, est un sacrement qui exhausse l’homme jusqu’au royaume du sacré.

O Seigneur, tu sais bien que maintenant et toujours
Nous ne contemplons que Ton Visage de beauté
Les beautés de ce monde sont des miroirs de Ta Beauté
Dans ces miroirs nous voyons le seul Visage du Roi.

Awhad al-Dîn Kirmânî

Il est dans la nature de la beauté d’attirer sur elle la présence spirituelle ou, dans le langage des néo-platoniciens, de recevoir la participation de l’Âme du Monde. Du point de vue gnostique, la fonction de la beauté est donc de guider l’homme dans son retour à la source de cette beauté terrestre, c’est-à-dire au domaine principiel. Les belles formes sont l’occasion d’un ressouvenir des essences au sens platonicien. Ce sont des moyens de réminiscence (anamnêsis) de ce qu’est l’homme et du séjour céleste dont il descend et qu’il porte encore dans la profondeur de son être. En ce sens, la beauté est la voie d’accès à la connaissance ; et pour certains êtres humains particulièrement sensibles à la beauté, la voie d’accès centrale. C’est pourquoi certains maîtres de la voie sapientielle sont allés jusqu’à affirmer qu’une belle mélodie ou un beau poème, ou quelque autre création d’art traditionnel, peut cristalliser un état de contemplation et produire en un instant un degré de connaissance intuitive qu’il serait impossible de seulement concevoir par de longues périodes d’étude, pourvu bien sûr que la personne en question ait déjà purifié son âme et l’ait revêtue de la beauté des vertus spirituelles et qu’elle soit qualifiée pour percevoir la beauté terrestre comme un reflet de la beauté céleste. C’est pourquoi l’art traditionnel est une source de connaissance et de grâce. Il rend possible un retour au monde des archétypes et à la demeure paradisiaque qui est la source de la connaissance principielle comme du sacré, car la beauté est le reflet de l’Immuable dans le courant du devenir.

Considère la création comme une eau pure et cristalline
En laquelle se reflète la Beauté du Maître de Majesté
Bien que son flot continue de s’écouler
L’image de la lune et des étoiles demeure reflétée sur elle.

Rûmî (pp. 228-229)
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La musique traditionnelle a un fondement cosmologique et reflète la structure de la réalité manifestée. Elle commence par le silence, la Réalité non-manifestée, et retourne au silence. L’œuvre musicale elle-même est comme le cosmos qui est issu de l’Un et qui retourne à l’Un, avec cette seule différence qu’en musique les mailles dans lesquelles le monde est tissé sont des sons faisant écho au silence primordial et reflétant l’harmonie caractéristique de tout ce que la Réalité absolue et infinie manifeste. La musique n’est pas seulement le premier art apporté par Shiva en ce monde, l’art par lequel est révélé l’asrâr-i alast ou mystère du pacte primordial entre l’homme et Dieu à l’aube pré-éternelle du jour de la manifestation cosmique ; c’est aussi la clé de l’harmonie qui habite le cosmos. C’est la servante de la sagesse elle-même. En outre, comme le rapporte la célèbre fable populaire de l’Islam, l’âme d’Adam fut attirée dans le temple du corps par la mélodie d’un simple instrument à deux cordes, et c’est par la musique que l’âme est capable de s’échapper à nouveau de sa prison terrestre. Le gnostique entend dans la musique les mélodies du Paradis dont elle ranime encore les extases. C’est la raison pour laquelle la musique est comparable au vin mystique. Elle soigne le corps et l’âme, mais elle permet par-dessus tout au contemplatif de se ressouvenir des réalités surnaturelles qui sont à la racine de la substance même de l’âme humaine. La musique traditionnelle est un puissant instrument spirituel et, pour cette raison même, elle présente un danger pour ceux qui ne sont pas préparés à recevoir sa grâce libératrice. C’est pourquoi la musique tournée contre les lois cosmiques et contre ses origines célestes ne peut que constituer un instrument démoniaque et devenir le véhicule de l’influence dissolvante de la cacophonie que le monde moderne ne connaît que trop bien.

Quant à la danse, elle est, comme la musique, un véhicule direct pour la réalisation de l’union. La danse sacrée unit l’homme au Divin au point d’intersection du temps et de l’espace, en cet éternel maintenant et ce centre immuable qui est le locus de la Présence divine. De la danse sacrée sont nés les grands chefs-d’œuvre de l’art hindou dans lesquels Shiva exécute la danse cosmique sur le corps de sa parèdre Parvati, mais encore les danses des temples de Bali, les danses cosmiques des Indiens d’Amérique et des Africains et, au niveau le plus élevé, les danses ésotériques associées aux pratiques initiatiques conduisant à l’union. Parmi ces dernières, on peut mentionner la danse soufie, dans laquelle sont combinés les arts de la danse et de la musique, qui provoquent le ressouvenir et placent l’homme en un point situé au-delà de tout temps et de tout espace, dans la Présence divine. Dans cette forme, l’art traditionnel est le complément de la pratique spirituelle quintessentielle, la prière du cœur, en actualisant la Lumière divine dans le corps humain conçu comme temple de Dieu et en plaçant l’homme au-delà de toutes formes dans ce maintenant qui n’est autre que l’éternité. (pp. 229-230)
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L’Islam perçoit la doctrine de l’unité (al-tawhîd) non seulement comme l’essence de son propre message, mais aussi comme le cœur de toute religion. Pour l’Islam, la Révélation signifie l’affirmation d’al-tawhîd et toutes les religions sont conçues comme autant de répétitions, en divers lieux et en diverses langues, de la doctrine de l’unité. De plus, partout où l’on trouve la doctrine de l’unité, celle-ci est considérée comme d’origine divine. C’est ainsi que les musulmans ne distinguaient pas la religion du paganisme, mais l’acceptation de l’unité de sa négation ou de son ignorance. Pour eux les sages de l’Antiquité tels Pythagore et Platon étaient des penseurs « unitariens » (muwahhidûn) qui exprimaient la vérité immanente au cœur de toutes religions. Ils appartenaient donc à l’univers islamique et n’étaient point considérés comme étrangers à celui-ci.

La tradition intellectuelle islamique dans ses aspects à la fois gnostiques (ma’rifah ou ‘irfân) et philosophiques et théosophiques (falsafah-hikmah) percevait la source de cette vérité unique qu’est la « Religion de la Vérité » (din al-haqq) dans les enseignements des anciens prophètes en remontant à Adam et considérait le prophète Idrîs, qu’elle identifiait à Hermès, comme le « père des philosophes » (Abu’l-hukamâ). De nombreux soufis ne se contentèrent pas de se référer au « divin » Platon, mais rattachèrent également Pythagore, Empédocle – auxquels se trouve associé un important corpus qui marqua certaines écoles soufiques de son influence –, et d’autres, à la sagesse primordiale liée à la prophétie.
(…)
La conception islamique de l’universalité de la Révélation s’accorde à merveille avec l’idée d’une vérité primordiale qui a toujours existé et existera toujours, une vérité sans histoire. Le terme arabe al-din qui est peut-être le mot le plus juste pour traduire le terme de tradition, est inséparable de l’idée d’une sagesse permanente et perpétuelle, la sophia perennis qui peut aussi être identifiée à la philosophia perennis telle que l’entend un Coomaraswamy. (pp. 67-68)
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L’achèvement de la tâche entreprise par Guénon et Coomaraswamy devait être l’œuvre de Frithjof Schuon (né en 1907) dont les ouvrages constituent le couronnement du corpus des écrits traditionnels contemporains. Si Guénon fut l’interprète magistral des doctrines métaphysiques et Coomaraswamy le savant et le spécialiste sans égal de l’art oriental, qui recourut pour présenter les vérités métaphysiques au langage des formes artistiques, Schuon apparaît tel l’intellect cosmique lui-même imprégné de l’énergie de la grâce divine, couvrant la totalité de la réalité et élucidant tous les problèmes de l’existence humaine à la lumière de la connaissance sacrée. Il semble pourvu d’une aptitude intellectuelle à pénétrer le cœur et l’essence de toutes choses, et particulièrement des univers religieux qu’il a éclairés d’une lumière inégalée comme s’il était doué de ce don divin auquel la Révélation coranique fait référence quand elle parle de la « langue des oiseaux ». Comment dès lors s’étonner que l’un des plus éminents historiens des religions américains, Huston Smith, puisse écrire à son propos, « l’homme est une merveille vivante, le parangon intellectuel de notre temps en matière de religion, tant par l’envergure que par la profondeur. Je ne connais nul penseur vivant qui puisse rivaliser avec lui. » (pp. 96-97)
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Ce que nous avons désigné comme scientia sacra n'est autre que la métaphysique, si ce terme est compris correctement comme science ultime du réel. (...)
A la question de savoir ce qu'est la métaphysique, la réponse fondamentale consisterait à la définir comme science du Réel ou, plus précisément, connaissance par laquelle l'homme est capable de distinguer le Réel de l'illusoire et de connaître les choses dans leur essence ou leur réalité en soi, ce qui signifie en définitive les connaître in divinis. La connaissance du Principe qui est à la fois Réalité absolue et Réalité infinie constitue le coeur de la métaphysique, (...).
Le Principe est la Réalité, à l'opposé de tout ce qui apparaît comme réel mais n'est pas réel en un sens fondamental. Le Principe est l'Absolu par rapport auquel tout est relatif. Il est Infini tandis que tout le reste est fini. Le Principe est Un et Unique tandis que la manifestation est multiplicité. Il est la suprême Substance par comparaison avec laquelle tout le reste n'est accident. Il est l'Essence à laquelle toutes choses sont juxtaposées comme formes. Il est à la fois le Sur-Etre et l'Etre alors que l'ordre de a multiplicité est composée d'étants. Lui seul est alors que tout le reste est en devenir, car Lui seul est fondamentalement éternel tandis que tout ce qui est extériorisé participe du changement. Il est l'Origine et la Fin, l'alpha et l'omega. Il est le Vide si le monde est envisagé comme plénitude et Plénitude si le relatif est perçu à la lumière de sa pauvreté ontologique et de son néant essentiel.
Ce sont là diverses manières de parler de la réalité ultime, laquelle peut être objet de connaissance, mais non pas par l'homme comme tel. Cette Réalité ne peut être connue que par le soleil du Soi divin qui réside au centre de l'âme humaine. Cependant, toutes ces façons de décrire le Principe ou d'y faire référence ont une signification et une efficacité comme points de référence et supports de la connaissance du Réel qui, dans son aspect de réalisation, se termine toujours dans l'ineffable et dans le silence, "reflet" ou "ombre" de l'aspect non-manifesté du Principe sur le plan de la manifestation.
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