Ne me laisse pas seul ici parmi ces humains qui se débattent dans la glaise.
... crier avec les loups ne transforme pas en loup mais en mouton.
Notre monde est conçu pour faire disparaître l'événement, le diluer jusqu'à l'inscrire dans une continuité insipide
Mais au fond, qu'est-ce que je savais réellement de Sabrina ? Je ne la connaissais que depuis trois ans..(...) Se pouvait-il qu'elle fût une infiltrée ? C'est dans des moments pareils qu'on comprend qu'habituellement on vit dans l'espace d'une théorie et pas au sein d'une réalité.
Les sentiments, y a que ça qui compte. L'argent, les honneurs, ça nous apporte des consolations, ou même des joies, parfois, mais ça ne dure pas. Quelques minutes, quelques jours, puis ça disparaît. Les sentiments, c'est pas pareil ; c'est pour longtemps !
Nous refaisons le monde. Il en a bien besoin !
J'éprouvais une sympathie viscérale pour ce gosse. Comme lui, j'avais émigré à neuf ans. J'ai connu les bas-fonds, les bidonvilles des années 60 et les cités de transit des banlieues parisiennes. J'ai souffert de la pauvreté, parfois de la faim, mais surtout du rejet, du sentiment que mon existence était une gêne pour autrui...
Le monde est tellement en ordre, tellement intégré dans des théories et des pensées, tellement surveillé, gardé, commenté, qu'il est devenu comme une dalle de béton. Aucun passage, aucune lueur flamboyante ne sourd des profondeurs.
Lorsqu'un visiteur fait irruption dans notre monde, la lumière change de couleur, on ne sait plus d'où souffle le vent, les arbres - surtout les arbres - changent d'inclinaison et un son, presque imperceptible, une sorte de tintement, accompagne le pas des promeneurs.
L'amour est un guide touristique qui jette une lumière sur chaque pierre, sur chaque visage, chaque événement. L'amour ouvre les yeux si grands que le monde en devient irréel. Lorsqu'on aime tout le monde nous regarde et nous, l'amoureux, on a peur de se retrouver nu comme au premier jour.