Notre époque... Quelle époque ? J'ai vieilli, mais je veux être encore de mon temps ! Je ne suis pas de ces personnes âgées qui se complaisent dans l'évocation des vieux souvenirs, relisant encore et toujours les plus belles pages de leur vie jusqu'à ce qu'elles soient si bien délavées qu'ils doivent les réécrire en trempant leur plume à l'encre dorée de leur imagination. Le « c'était mieux avant » n'est pas pour moi.
Et lorsque je lui affirmais que j'étais trop laide pour espérer un meilleur parti, elle soutenait qu'il n'y avait rien au dessus de l'indépendance, et que tout valait mieux que le mariage.
Je crois qu'à ce moment précis je compris réellement l'importance d'un rôle pour un comédien. Il y a des rôles qu'il sent, tellement il se sent fait pour eux et eux pour lui ; ce sont ses rôles.
L'argent gangrène l'art en général et le théâtre en particulier; l'intérêt brise les amitiés les plus solides, et chacun ne songe qu'à son profit... On ne peut avoir beaucoup de vrais amis dans ce milieu où chacun tire à soi une couverture de paillettes souvent bien éloignée du réel talent...
Cette vie a été trop longue, trop éblouissante, et elle s'achève si tristement. Pas même en drame, juste comme un affaissement global de mon corps, de ma carrière, de mon art...
À cinq ans, il était temps que son talent rapporte quelque chose à la famille.
Je fusillais du regard ces moins que rien : j'étais fière de la politesse de ma sœur. Quand on n'est pas riche, on a au moins cette noblesse là !
- La vie maritale est terrible, m'avoua-t-elle. Le couple bascule dans l'ennui. Il n'y a plus ni souffle ni surprise. Vivre ensemble, cela vous étouffe l'imagination !
Ah, j'en ai croisé du beau monde ! Que de duplicité, quelle épaisse croûte de préjugés sous le vernis de l'apparente ouverture d'esprit de l'homme ou de la femme du monde !
La vie file à toute vitesse sans que nous n'y comprenions rien, et il suffit de jeter un regard en arrière pour voir l'étendue de ce qu'on a laissé passer.