Le silence dans une pierre
se concentre
les cercles s'y ferment
le monde tremblant,
les guerres, les oiseaux et les maisons,
les villes, les trains, les forêts,
la vague répétant les questions de la mer,
le voyage successif de l'aurore
arrivent à la pierre, noix du ciel,
témoin prodigieux.
Un jour sans fin s'est couvert d'eau,
de feu, de fumée, de silence, d'or,
d'argent, de cendre et de temps qui passe. Là,
est resté épandu le jour sans fin :
l'arbre est tombé intact et calciné,
un siècle l'a couvert, un autre siècle encore,
jusqu'au moment où transformé en grande pierre
il a changé d'éternité et de feuillage.
Et je serai ici perdu et retrouvé :
ici peut-être je serai pierre et silence.
Moi seul accours, parfois,
au petit jour,
à ce rendez-vous avec les pierres échouées,
humides, cristallines,
cendrées,
et les mains pleines
d’incendies éteints,
de structures secrètes,
d’amandes transparentes,
je retourne à ma famille,
à mes devoirs,
plus ignorant qu’au temps de ma naissance,
plus simple chaque jour,
chaque pierre.
Le feu, l’eau, l’arbre
se font plus durs,
ils cherchent en mourant un corps minéral, ils ont trouvé le chemin du scintillement :
immobile, la pierre brûle,
nouvelle rose aux durs pétales.
Mais la leçon n’atteint pas l’homme :
la leçon de la pierre :
sa matière s’effondre et se défait,
sa parole et sa voix s’émiettent.
Je suis ce nu
minéral :
écho du souterrain :
je suis joyeux
de venir de si loin,
du fond de tant de terre :
je suis dernier, à peine
viscères, corps et mains,
qui sans savoir pourquoi ont déserté
la roche maternelle,
sans espoir de trouver ici la permanence,
décidé à l’humain, au transitoire,
destiné à vivre et à s’effeuiller.
Ah! ce destin
de la perpétuité enténébrée,
de l’être en soi — granite sans statue,
matière pure, irréductible, froide :
j’ai été pierre : pierre obscure
et violente fut la séparation,
une blessure dans ma naissance étrangère :
je veux revenir
à cette certitude,
à ce repos central, à la matrice
de la pierre mère
d’où je ne sais comment et d’où je ne sais quand
on m’a détaché pour que je me désagrège.