Les Aventures de Colin, tailleur de pierre, tome 3 : Le Trésor de Salisbury

Située au pied d’une jolie colline verdoyante, la petite ville de Salisbury, au carrefour des routes de Londres à Exeter et de Southampton au comté du Wiltshire, était très animée. Les Anglais avaient un caractère heureux. Ils prenaient la vie comme elle venait, aimaient les fêtes, savaient rire, et le travail ne leur faisait pas peur.

Chapitre 1

(...) ce Snooper est le garçon le plus vicieux que j’aie jamais rencontré.
— Snooper ? Quel drôle de nom ! (...)
— C’est ainsi que tout le monde l’appelle, et cela lui va comme un gant car il se faufile partout. Personne ne sait qui sont ses parents, autant dire qu’il s’est élevé tout seul et que le résultat n’est guère brillant.

Chapitre 5

(...) il était sûr, maintenant, d’arriver à reproduire la beauté parfaite de dame Matilda, à imprimer dans la pierre la sérénité et la pureté de son regard. Et pourtant ses pensées n’avaient cessé de vagabonder tandis qu’il maniait ses outils en n’y prêtant qu’une attention superficielle. C’était presque comme si ses mains avaient taillé malgré lui, conduites par une inspiration venue d’ailleurs. Cela signifiait-il qu’il deviendrait un grand tailleur d’images ?

Chapitre 5

(...) mon mari ne vient pas de Noyon en Picardie, et son nom n’est qu’un nom d’emprunt. Il est né dans une famille pauvre du sud de la France. Tout enfant, ses parents l’ont placé chez des membres d’une sorte de secte religieuse, les cathares, qui lui ont appris à lire, à écrire, à compter, et lui ont enseigné le latin et le grec. Il avait plus ou moins l’intention de s’enfuir dès qu’il se sentirait capable de gagner sa vie, mais à force d’hésiter et de repousser le moment de prendre son envol, le temps a passé et à vingt-trois ans il n’était toujours pas parti. Puis il s’est produit quelque chose de terrible. Les adeptes de cette secte suivaient des principes assez différents de ceux de la religion catholique, et l’inquisition s’est mis en tête de les anéantir. Il y a un an et demi, craignant pour leur vie, un millier de cathares se sont réfugiés au château de Montségur. En mars dernier, après une résistance de près d’une année, les deux cents hommes et femmes restés dans le château ont été faits prisonniers et brûlés vifs.

Chapitre 23

Colin ne pouvait s’empêcher de garder les yeux fixés sur la jeune femme. Son visage resplendissait et sans doute n’était-il pas le seul à l’admirer, car il y eut un instant de flottement parmi les musiciens, le psaltérion s’emmêla dans le rythme, et une succession de fausses notes sema le trouble parmi les danseurs.

Chapitre 6

Il reconnut en effet Fendrel, un homme qui vivotait en revendant de vieux objets et des vêtements usagés. Il ne payait pas de mine, mais tout le monde le respectait depuis qu’il était allé jusqu’à Compostelle pour remercier Dieu d’avoir sauvé son fils atteint d’une fièvre mortelle. Le fils s’était fait moine et Fendrel, au retour d’Espagne, s’était découvert un don pour soulager les maux. Il suffisait qu’il pose ses mains sur un malade en récitant une prière, pour que celui-ci se sente beaucoup mieux. Et les conseils qu’il donnait étaient toujours d’une grande sagesse.

Chapitre 6

Colin trouva le bloc de pierre et les outils que maître Leofric lui avait promis dans le réduit de gauche. Il porta le bloc dans la grande salle, l’installa sur un trépied et proposa à dame Matilda de s’asseoir sur l’unique escabeau de la loge. Puis il s’attaqua à la pierre en feignant la plus parfaite assurance.
À Amiens, il ne s’était essayé qu’à l’argile, détail qu’il avait omis d’avouer au maître tailleur. Or celui-ci avait pensé qu’un bloc de pierre calcaire serait le matériau idéal. Colin devait donc maintenant relever un véritable défi, ce qui n’était d’ailleurs pas pour lui déplaire.

Chapitre 5

Comme le matin à la messe, elle portait un élégant mantel d’épais drap bleu attaché par un fermail orné de pierres de couleur. Son bonnet était également taillé dans un tissu de qualité. Elle avait une allure de reine.

Chapitre 5

Il salua la jeune femme avec respect (...).
Il regardait fixement le bout de ses pieds, n’osant lever les yeux vers la dame de ses pensées.
— Reproduire mon visage dans la pierre ! s’exclama dame Matilda lorsque Colin lui eut exprimé son souhait le plus cher.
La perfection avec laquelle elle parlait le français confirma à Colin son intuition. Elle était sûrement née dans une famille aisée et cultivée. — Je suis très honorée, poursuivit-elle, mais c’est beaucoup me flatter. Espères-tu que les chrétiens deviendront plus saints en contemplant mes traits ?
— Mon œuvre a peu de chances de figurer un jour dans la cathédrale, répondit Colin. Mais de ma vie je n’ai vu visage plus harmonieux que le vôtre, vous seule pouvez me servir de modèle pour sculpter un ange.

Chapitre 5

Si Guillaume, le verrier, n’avait pas voulu s’éloigner de cette ville où le retenait le souvenir d’une jeune fille qu’il avait aimée, Colin n’avait pas hésité à prendre la route. Après plus d’un mois de voyage, tantôt à pied, tantôt en charrette, puis sur un navire marchand qui les avait conduits de Cherbourg à Southampton, les deux garçons avaient fini par atteindre les côtes d’Angleterre au début de l’été. Ensuite, il avait fallu gagner Salisbury, ce qui leur avait pris encore deux bonnes semaines. Tout cela sans certitude de parvenir à se faire embaucher.

Chapitre 1