Car il suffit d'une note, se dit-il, d'une note tenue pour évoquer quelqu'un. Cette idée le réjouit comme s'il pouvait à travers une seule phrase de la Marche funèbre saisir le monde en son entier, comme si chaque instant de musique portait en lui la mémoire de toutes les partitions du passé et l'intuition de celles du futur.
Mourir au mois d'août n'est pas un cadeau à faire à ses proches, l'ancien chef en avait parfaitement conscience, le noir tient chaud, les amis sont en vacances, les magasins de fleurs fermés, mais que pouvait-il y changer ?
L'homme dépenaillé qui s'approchait de la petite boîte était bien celui qui, depuis cinq années maintenant, aux Célestins, faisait la pluie ou le beau temps. La pluie surtout.
La colère générait le doute, et le doute en matière de musique n'avait jamais engendré que des fausses notes.
Vous vous précipitez sur les notes, leur expliquait-il, comme si vous aviez peur qu'on vous arrache la partition des mains. On dirait un chant de criquets affamés, ça manque de souffle, de perspectives.
Si vous n'imaginez pas la musique, disait-il encore, soyez certains que le public restera sourd à vos plus ardentes supplications. Parlez-lui, racontez-lui une histoire. Ne pensez pas à ses oreilles, mais à ses yeux, à son âme. Donnez-lui à voir plus qu'à entendre, alors il vous écoutera.
"On ne chante pas aux Célestins parce qu'il pleut dehors", disait-il souvent.