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EAN : 9782073046239
272 pages
Gallimard (07/03/2024)
3.57/5   118 notes
Résumé :
« Quand je partais dans les nuages, Mika me secouait gentiment. T’es où, petite sœur ? En Argentine ? En Équateur ?
J’adorais la façon dont il prononçait ces mots. T’es où, petite sœur ? J’aimerais écrire une chanson avec ça, un refrain que chacun aurait sur les lèvres, voilà ce que je me dis en arrivant quai Malo. Un arbre lance ses branches vers le fleuve, des branches nues, tortueuses. L’escalier B est indiqué par une flèche en angle. Ça sent l’immeuble bi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (31) Voir plus Ajouter une critique
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Elle était de onze mois l'aînée, et pourtant, parce qu'en comparaison on la voyait nettement moins brillante, voire un peu lente si ce n'est légèrement attardée, elle était pour tous la petite soeur de Mika. Elle doit maintenant en parler au passé, parce que ce frère extraverti jusqu'à la flamboyance, aussi protecteur que cruel, qu'elle aimait et admirait aveuglément, tout au moins dans l'enfance et jusqu'à leur brouille il y a sept ans maintenant, vient de mourir à vingt-huit ans, en lui léguant ses cendres : un geste accablant pour Alice, dont la mémoire encadre précisément sa relation avec son frère de deux souvenirs au goût de cendres, emblématiques du début et de la fin de son emprise sur elle.


Car, si elle est la seule à s'en apercevoir maintenant, c'est bien une relation toxique qui s'est développée dès la petite enfance entre le frère et la soeur. Elle qui n'en a jamais parlé sait qu'il est temps de faire face à cette réalité et que, pour enfin tenter de s'en affranchir, il va lui falloir la mettre en mots. Une petite annonce lui permet de partir habiter quelques semaines chez un inconnu obligé de s'absenter sans son chat, et la voilà bientôt, avec pour seule compagnie Vanessa, une florissante plante carnivore, et Ulysse, un invisible félin, libre de confier à ses carnets une histoire qui, au fil de réminiscences d'abord désordonnées, et grâce aux bienveillants conseils littéraires de sa tante, prend peu à peu la forme d'un roman autobiographique.


Allégée par un discret humour sous-jacent et par la touchante tendresse de personnages secondaires, la narration se met en place sans pathos ni auto-apitoiement, alignant faits et souvenirs pour laisser apparaître en filigrane ce dont Alice prend douloureusement conscience en même temps que le lecteur : tout, depuis le début, était tordu dans cette famille, le garçon développant dès le plus jeune âge les comportements cruellement et sournoisement manipulateurs du pervers narcissique, les parents aveugles entretenant inconsciemment la domination du fils si brillant sur sa soeur si fragile et si terne, la fille intégrant son infériorité et sa dépendance à son frère jusqu'à presque passer pour inadaptée et tomber toujours plus bas sous une emprise totale et destructrice. le processus est implacable et pernicieux, d'autant plus terrifiant que, sous les apparences d'une fratrie unie et d'une famille aimante, se cache une violence des plus absolues parce qu'elle s'attaque au développement-même d'une personnalité, empêchée dès la plus tendre enfance, poussée vers une auto-destruction téléguidée par une cruauté déguisée en amour.


Avec ses mots d'une sincérité et d'une innocence désarmantes, décrivant de la manière la plus ordinaire et naturelle qui soit des situations horrifiantes, vécues sans la moindre conscience d'en être la victime, Alice nous plonge dans un récit douloureux et bouleversant, souvent troublant et dérangeant, qui, paradoxalement, ne se dépare jamais d'une fraîcheur et d'une légèreté entretenues par une plume fluide, pleine d'entrain et de spontanéité. Intrigué, attaché à cette fille si vaillamment perdue, c'est totalement captivé que l'on dévore ce roman très habilement construit. Coup de coeur.

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Le roman s'ouvre sur une histoire de deuil. Alice vient de perdre son frère. Son quasi-jumeau, son cadet plus jeune de treize mois et qui pourtant l'appelait petite soeur. Mais pourquoi Alice refuse t-elle de se rendre à la cérémonie de crémation ? Pourquoi ne l'a t-elle pas revu depuis tant d'années, ce frère avec qui la relation fut fusionnelle, étrange, faite de protection et de provocation, de rires et de larmes ?

Alice doit s'éloigner, s'isoler et la proposition de garder un appartement tout en prenant soin du chat et des plantes carnivores lui offre cette occasion rêvée. Sur les conseils de sa grand-mère, personnage fantasque mais futé, la jeune femme écrit. Elle écrit l'histoire que nous sommes en train de lire, dans une mise en abîme réjouissante.

Au cours de cette retraite, les souvenirs remontent, et Tonio l'artiste l'aide à exorciser ses démons.

On est donc loin d'une histoire d'absence, de manque. Au contraire, le frère disparu est omniprésent dans le discours qui révèle les moments de bonheur de cette relation mais aussi peu à peu le drame caché et la raison de la rupture. C'est le récit d'une reconstruction et d'une libération créatrice, rythmé par une quête d'un chat évanescent.

Le roman est loin d'être sombre, malgré la gravité des faits. Marie Nimier entraîne le lecteur vers la lumière au cours de ce roman superbe et lumineux.

240 pages Gallimard 25 Août 2022

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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« On n'a pas toujours besoin d'une chambre à soi pour écrire, il arrive que l'on préfère une chambre chez les autres. Un endroit où aller, pas forcément très loin. Un endroit où se perdre, un endroit où se rendre, comme on dit rendre gorge ou rendre l'âme, pour solde de tout compte.
Une cage. Un enclos. »

Pour faire le deuil de son frère Mika décédé à 28 ans et écrire leur histoire, Alice accepte de s'occuper d'un appartement le temps de l'absence de son propriétaire. Ce temps suspendu va lui permettre de verbaliser et de raconter la relation fusionnelle qu'elle entretenait avec ce frère flamboyant, à qui elle n'avait plus parlé depuis 7 ans.
Une relation forte, d'amour et d'emprise, qui s'est finie brutalement autour d'une table de restaurant.
Dans ce nouveau roman, l'autrice explore avec minutie et subtilité les relations fraternelles, dans un patchwork de scènes très justes. La plume toujours délicate, le ton fantaisiste, et la fin résolument heureuse parsèment de lumière ce texte parfois douloureux, et toujours prenant.
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" Petite soeur"... Ce tendre titre renferme en lui-même toute la complexité de la relation d'Alice et son frère Mika, mais seule la lecture du roman lui donne sens. Pendant la majeure partie de cette lecture,je suis restée à distance d'Alice,la narratrice,me sentant étrangère à elle. Pas d'hostilité mais pas d'attachement non plus. Et puis, j'ai accédé au coeur de cette femme un peu comme si j'avais suivi un chemin trop balisé et que je l'ai enfin quitté pour me retrouver au beau milieu de la forêt avec ce qu'elle représente de séduction mais aussi de peurs primitives.
L'histoire s'ouvre par la mort de Mika et l'ambivalence d'Alice quant à ce drame. le choc est immense,il lui est impossible d'assister à la crémation. Sur conseil de sa grand mère,elle se réfugie dans un appartement qui n'est pas le sien, avec l'idée de s'éloigner symboliquement d'elle même et écrire...
L'absence de Mika est envahissante,voire obsédante. L'écriture mais aussi une rencontre salvatrice va permettre à Alice non pas de franchir le miroir ( quoique !) mais de revisiter son enfance et surtout ce partage si singulier de son histoire avec Mika. C'est un chemin libérateur qui donnera naissance à " la grande soeur"...
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Alice a perdu son frère quelques mois auparavant. Elle est encore sous le choc, elle n'a pas pu se rendre à ses funérailles, elle en parle encore au présent, elle n'a pas fait son deuil.
Pourtant ils étaient brouillés depuis sept ans, depuis un diner au restaurant où, pour une raison que nous ne connaissons pas, elle s'est levée et est partie sans se retourner.
Pour tenter de se relever, elle projette d'écrire le livre de leur enfance, mais pour cela elle doit changer de paysage. Elle trouve un appartement à garder loin de chez elle, en échange de bons soins à Vanessa - une plante carnivore - et Virgile - un chat très mystérieux. Installée, elle va retourner douloureusement dans son passé, exhumer sa relation fusionnelle et tumultueuse avec son petit frère adoré, Mika, le rôle de ses parents, comédiens facétieux et iconoclastes, et surtout sa grand-mère Georgia. Cette dernière, excentrique mais clairvoyante, va l'aider à sortir tout ce qui obstrue ses sentiments violents et contradictoires.
C'est clairement le livre de la rentrée!
Il est beau, intelligent, et nous fait ressentir toutes les sortes d'émotions violentes qu'il est possible d'avoir par procuration! L'histoire est très forte, entre cette grande soeur que quasiment dès sa naissance, son petit frère solaire prend sous son aile, lui qui a toutes les qualités de beauté, d'intelligence et de facilités, elle qui ne les a pas, qui est malhabile, qui a du mal à suivre, qui est effacée. Ce roman est vraiment vertigineux de subtilité car si l'autrice nous raconte l'histoire de ces deux enfants, ce n'est que lentement que nous comprenons que ce n'est pas de la mort de Mika dont Alice doit faire le deuil, mais de la relation qu'ils avaient et qui a pris fin sept ans plus tôt dans ce restaurant, et qu'elle n'a jamais faite.
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critiques presse (1)
Culturebox
06 octobre 2022
Son dernier ouvrage paru chez Gallimard, est un livre insolite et poignant qui explore l’ambiguïté des relations fraternelles – ici Alice et Mika – tout autant que le pouvoir des mots.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
page 175

Je pense à la voisine du premier étage. Depuis que nous nous sommes parlé, je marche pieds nus dans l'appartement.
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page 151

Maman met de la musique dans le jardin. Mon père insiste pour que j'ouvre le bal avec mon frère. Le sol est inégal, j'enlève mes chaussures et Mika très lentement se déchausse à son tour.
Pieds nus, nous dansons.
Nous n'avions pas besoin de nous le dire. Nous nous aimions.
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Tiago ne lâche pas l’affaire. Il doit bien y avoir quelque intérêt à agir de la sorte, reprend-il le lendemain, ou à se laisser traiter de la sorte – c’est ce que je pense aussi. Je prends peu à peu conscience de la puissance des courants souterrains qui nous traversaient, mon frère et moi. Je nous croyais différents, dans un royaume à part, avec ses règles particulières, son bonheur et ses accrocs intimement liés, sa complexité, ses petites tortures. J’emploie le mot torture, mais pour notre entourage, il ne s’agissait que de choses insignifiantes, des taquineries comme disaient mes parents, arrête de taquiner ta sœur, toujours en train de l’asticoter, et ils riaient, ça les faisait rire les parents, les bénéfices secondaires, donc, sont difficiles à décrire car moi-même, en me relisant, il m’arrive encore de penser, comme mes parents et comme Tiago peut-être avant que je ne lui raconte toute l’histoire, qu’il s’agissait de jeux anodins.
Quand Mika me passait l’ortie sur les épaules : anodin.
Quand il disait au pharmacien que j’avais utilisé du gel capillaire en guise de lubrifiant : anodin.
Quand il me poussait vers le vide et prétendait qu’il m’avait sauvé la vie : anodin.
Des asticotages.
Il n’aurait tenu qu’à moi de me défendre pour que le rapport de force s’inverse. Mais je ne me défendais pas, je trouvais ça déplacé, la défense. Je ne supportais pas l’agressivité, j’y reviens, la mienne encore moins que celle des autres. J’étais profondément non violente, et même si ce n’était plus la mode, je dessinais des macarons peace and love sur mes sacs de classe. Ça aussi j’aurais dû le raconter avant, les peace and love et l’espoir qu’un jour mon frère s’apaiserait, et avec lui le monde. À moins que ce ne soit l’inverse : en vivant dans un monde moins violent, mon frère aurait trouvé l’apaisement. Il n’aurait plus eu besoin d’imposer son pouvoir et de m’appeler petite sœur, même si c’était touchant, je n’étais pas sa petite sœur.
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Quand je raconte l’histoire à Tiago, les muscles de ses mâchoires se contractent. Il me demande comment il est possible d’être aussi tordu. Il ne pense plus à la série de tableaux qu’il pourrait tirer de mon récit, il pense à moi. Que Mika me caresse les épaules avec des orties, c’est une chose, mais qu’il se présente ensuite en sauveur, voilà qui le dégoûte. Et que je ne dise rien, que je ne proteste pas le dérange aussi. Ce qu’il ne comprend pas, et que je comprends en lui parlant : personne ne veut passer pour un être brutal, un sale type ou une harpie. Ni pour un souffre-douleur. La honte est une passion sourde qui fait plus de dégâts que la recherche du pardon.
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Elle confondait éloignement et indépendance, comme si l'attachement pouvait se cantonner aux limites de notre champ de vision. Loin des yeux, loin du cœur - je ne connais pas aphorisme plus imbécile.
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Vidéo de Marie Nimier
Lecture par l'auteure accompagnée de Karinn Helbert (Orgue de cristal) Festival Paris en toutes lettres
Elle a perdu son frère mais n'a pas réussi à se rendre à l'enterrement. Elle est effondrée et décide de s'exiler au bord d'un fleuve pour écrire un livre sur lui. Elle garde l'appartement d'un inconnu en échange de deux services : nourrir le chat et les plantes carnivores. Sauf que le chat n'apparaît jamais et que le récit de son histoire fraternelle et de cet amour fusionnel prend peu à peu une tonalité très dérangeante… Marie Nimier lit des extraits de son roman, accompagnée par Karinn Helbert qui fait entendre un instrument aussi singulier que l'est Petite soeur : un orgue de cristal.
À lire – Marie Nimier, Petite soeur, Gallimard, 2022.
Lumière par Patrice Lecadre, son par François Turpin
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