Ananda Devi est une ethnologue, née sur l'île Maurice de parents d'origine indienne et poète. Entre elle et moi, ça commençait donc très bien. Elle publie ici deux longs poèmes, l'un écrit à l'occasion du décès de sa maman (d'où le très beau titre, « danser sur tes braises »), l'autre où elle évoque ses soixante années.
Dans le premier, l'auteure parle du sentiment de perte, celui dont on ne cesse de faire l'expérience tout au long de la vie, sorte de répétitions pour nous préparer à la plus grande des pertes, celle d'une mère ou d'un père. Elle évoque aussi le difficile rôle d'être fille ou fils, celui d'incarner les rêves et les ambitions que nos parents ont nourris pour nous. Si sa mère était une lionne en cage, elle est une souris en liberté… C'est l'occasion aussi, pour elle, de s'interroger sur les mots, tantôt passerelle, tantôt rempart, et sur l'écriture, perçue ici comme une fuite.
Sa poésie est très sensorielle et très rythmée, alternant passages en prose et écriture en vers. Mais c'est dans « six décennies » que sa poésie se fait très sensuelle. Elle y observe son corps vieillissant, qui porte les marques du temps et qui dit mieux que les mots la vie. Un corps qui réclame encore et toujours sa part de plaisir, qui refuse le long chemin tranquille qui mène à la mort pour vivre intensément et accueillir l'incertain avec une curiosité et un enthousiasme très juvéniles.
Vivifiant et salutaire. Une excellente découverte.