“Tout le monde n’a pas un phare dans sa vie
mais j’en ai un dans la mienne. Aujourd’hui dans l’autre île,
j’ai marché jusqu’au phare, pluie, mouette
qui crient.”
3.
Tout le monde n’a pas un phare dans sa vie,
mais j’en ai dans la mienne. Aujourd’hui dans l’autre île,
marché jusqu’au phares, pluie, mouettes
qui crient. La nuit j’ai pu rester près du gardien
qui faisait mine encore d’exister. Il notait,
navire par le nord, force du vent. Et j’ai vu
dans le noir une lumière sur les vagues, et tout
près ce qu’il écrivait d’une main surannée.
Mort, lui, de longue date. Écumé toutes les mers, vu tous les ports,
Arkhangelsk, Valparaiso, poème du médecin de bord.
Quart en haut, quart en bas, nuit sur le phare, brick par le nord,
fumer, noter, se taire, lumière sur la dune,
le phare aujourd’hui sans personne.
/traduction du néerlandais par Philippe Noble.
À présent
À présent le silence est
le reste de la distance
sans souvenir
pas de vie.
Je n’entends plus
mes pas,
ce qui m’entoure
est caché.
J’avance à l’aveugle, pâle chien
dans le froid. Ce doit être ici,
ici je dis adieu à mon moi
et lentement ne deviens
personne.
/Traduction du néerlandais par Philippe Noble
24
Mon frère l’abîme, ma sœur la cascade,
ma mère roselière pour la hutte, mon père lichen
sur des rochers de rouille, son père à lui, famille des poissons,
forme aquatique pulmonée comme toi.
Nul ne nous a conçus, nous étions les gravats
de la prime seconde, nous étions là dès
le début. Ensuite seulement nous avons eu des âmes et
le loisir d’écrire. Ils sont à nous, les mots
de pierre et d’eau. Jamais nous n’avons
renié nos origines, nous sommes ce qui est,
nombres suivis d’un néant à leur fin. Quelqu’un jeta jadis
une pierre dans l’eau, ces cercles qui s’étendent encore
et toujours, c’est nous.
/ traduits du néerlandais (Pays-Bas) par Philippe Noble
2.
Sur la sente des dunes j’ai rencontré ma mère,
Mais elle ne m’a pas vu. Elle parlait à une autre
dame et je l’entendais dire : tout le monde
ici m’apprécie.
Elle était bien réelle, je le savais au bruit
du gravillon de coques sous ses pieds.
Puis j’ai vu mon frère et mon demi-frère
cheminant avec leur passé, le même que le mien,
chaos, fébrilité. La mer du Nord roulait de vives crêtes,
la plage était déserte. Mes frères étaient transparents.
À travers eux je voyais le sentier. Je voudrais à présent
trouver un trésor,
une dent de baleine apportée par la mer, ou de l’or,
et tout alors s’arrangerait.
/traduction du néerlandais par Philippe Noble.
À présent le silence est
le reste de la distance
sans souvenir
pas de vie.
Je n’entends plus
mes pas,
ce qui m’entoure
est caché.
J’avance à l’aveugle, pâle chien
dans le froid. Ce doit être ici,
ici je dis adieu à mon moi
et lentement ne deviens
personne.
1.
Un dieu rétif au bord de mon lit,
six anges aux ailes lasses,
force dix et bas-fonds
survolés le vent debout, tempête sur la mer.
Dans la nuit je vois les lumières d’en face,
je regarde les anges qui semblent me connaître,
veulent m’emprunter ma couette et puis aussi le lit
où d’ailleurs je ne trouvais pas le sommeil.
Le dieu ressemble au capitaine du ferry,
les lapins que je voyais courir dans l’ombre
avaient peur du chasseur, le phare
et sa lumière tombaient à travers chambre
mais à part ça tout allait bien.
/traduction du néerlandais par Philippe Noble.