Fin observateur, il surprend, dans ces poèmes de douze vers suivis d’un monostiche final à la manière de Nuit rhénane, d’Apollinaire.
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À présent le silence est
le reste de la distance
sans souvenir
pas de vie.
Je n’entends plus
mes pas,
ce qui m’entoure
est caché.
J’avance à l’aveugle, pâle chien
dans le froid. Ce doit être ici,
ici je dis adieu à mon moi
et lentement ne deviens
personne.
3.
Tout le monde n’a pas un phare dans sa vie,
mais j’en ai dans la mienne. Aujourd’hui dans l’autre île,
marché jusqu’au phares, pluie, mouettes
qui crient. La nuit j’ai pu rester près du gardien
qui faisait mine encore d’exister. Il notait,
navire par le nord, force du vent. Et j’ai vu
dans le noir une lumière sur les vagues, et tout
près ce qu’il écrivait d’une main surannée.
Mort, lui, de longue date. Écumé toutes les mers, vu tous les ports,
Arkhangelsk, Valparaiso, poème du médecin de bord.
Quart en haut, quart en bas, nuit sur le phare, brick par le nord,
fumer, noter, se taire, lumière sur la dune,
le phare aujourd’hui sans personne.
/traduction du néerlandais par Philippe Noble.
“Tout le monde n’a pas un phare dans sa vie
mais j’en ai un dans la mienne. Aujourd’hui dans l’autre île,
j’ai marché jusqu’au phare, pluie, mouette
qui crient.”
24
Mon frère l’abîme, ma sœur la cascade,
ma mère roselière pour la hutte, mon père lichen
sur des rochers de rouille, son père à lui, famille des poissons,
forme aquatique pulmonée comme toi.
Nul ne nous a conçus, nous étions les gravats
de la prime seconde, nous étions là dès
le début. Ensuite seulement nous avons eu des âmes et
le loisir d’écrire. Ils sont à nous, les mots
de pierre et d’eau. Jamais nous n’avons
renié nos origines, nous sommes ce qui est,
nombres suivis d’un néant à leur fin. Quelqu’un jeta jadis
une pierre dans l’eau, ces cercles qui s’étendent encore
et toujours, c’est nous.
/ traduits du néerlandais (Pays-Bas) par Philippe Noble
À présent
À présent le silence est
le reste de la distance
sans souvenir
pas de vie.
Je n’entends plus
mes pas,
ce qui m’entoure
est caché.
J’avance à l’aveugle, pâle chien
dans le froid. Ce doit être ici,
ici je dis adieu à mon moi
et lentement ne deviens
personne.
/Traduction du néerlandais par Philippe Noble
Né en 1933 à La Haye, Cees Nooteboom s'est imposé comme l'un des plus grands écrivains européens contemporains. Romancier, poète, essayiste, il a reçu les plus hautes distinctions littéraires aux Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche et en Espagne.
*Adieu**, composé en partie lors du confinement du printemps 2020, est marqué par l'impossibilité et la mort. Au fil des pages, le lecteur accède aux paysages silencieux de l'auteur, à sa cosmogonie poétique sur laquelle se déploient l'aile d'un ange, l'empreinte d'une absence et celles des silhouettes aimées.
Merci au Nederlands Letterenfonds dutch foundation for literature [Fonds des lettres néerlandaises] et à Margot Dijkgraaf pour la réalisation de cette vidéo.
**L'Oeil du moine** suivi de **Adieu** de Cees Nooteboom : https://www.actes-sud.fr/catalogue/loeil-du-moine-suivi-de-adieu
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