Nos dons cachés, obscurs, troublants, jusqu'à ce qu'ils deviennent évidents.
Maeve, seize ans, adolescente plutôt contrariée, pas très sûre d'elle, se rebiffe et se braque quand elle se sent attaquée. L'histoire commence et continue à la première personne, comme si Maeve se parlait à elle-même et à nous lecteurs, dans un espoir d'écoute et de compréhension.
Accéléré et sec, le début est surprenant, surtout pour Maeve qui se découvre des dons pour le moins fascinants, elle sait lire les cartes du tarot, et surtout qu'à cause de ça, ce qu'elle croit, son amie disparaît.
L'ado ne vole pas encore de ses propres ailes mais a besoin de se donner de l'importance, qui n'est pas encore reconnue, alors l'imagination est invitée au rendez-vous et le fantastique aussi.
L'adolescence, période difficile, de passage, où la réaction peut devenir agression, agression contre les autres et aussi contre soi-même, "la frustration et la rage qui bouillent et qui débordent parfois sans que je puisse prédire quand, ni contrôler le phénomène."
L'histoire parle de la famille, et du dialogue souvent difficile entre générations, de la société, de la différence pas toujours acceptée, de l'Irlande et ses légendes, de la famine que le pays a connue pendant des années noires.
Au fil des ses plus de 400 pages, le roman m'appelait, sans toujours réussir, à être avec ces adolescents, qui me surprenaient, que je comprenais ou que j'essayais de comprendre.
Je pris leur rythme, leur vocabulaire, leurs petits secrets, leurs découvertes, leurs histoires cachées. Ils sont fragiles, cherchent et se cherchent, s'enthousiasment et se désolent à la vitesse de l'éclair. Leurs états d'âme passent rapidement d'une extrême à l'autre, tristesse et gaieté se croisent, confiance et peur se rencontrent, enthousiasme et déception se donnent presque la main, et le corps s'éveille et prend conscience de ses frémissements et de ses appels incessants.
Les dialogues se suivent comme les hésitations et les craintes des ados, comme les questions qu'ils ne peuvent pas toujours poser, par manque de formulation, et de confiance.
Souvent perdus avec leurs parents et plus à l'aise avec leurs amis et copains, ils se confient leurs plus intimes secrets dont les parents restent ignorants. Hésitants et fonceurs, dans le doute et le courage, comme nous tous, les ados sont une pâte qui se modèle et se pétrit, non sans douleur. Leurs épaules fragiles vivent mal avec l'incertitude.
L'ado, en direct et en conversation avec le lecteur, est dedans sa vie et en dehors, en léger recul dans un constant effort de compréhension et un refus non moins constant de se plier. "On refuse de faire ce que les autres attendent de nous."
Deux générations et un temps qui ignore souvent comment faire la part des choses.
Les parents c'est l'autorité, les copains c'est l'écoute, la compréhension et le partage, c'est leur truc à eux, leur langage est tout aussi différent, comme pour mieux se cacher des adultes et surtout des parents.
Les ados se braquent quand il se font découvrir avec leurs faiblesses et, croient-ils, leur culpabilité. Les questions sans réponses les déboussolent, les font flipper, la colère ressort et s'accompagne de fatigue. Pas facile de grandir.
Le fantastique sent bien que c'est son domaine et arrive en force, les cartes du tarot font le grand jeu.
L'adolescence sort juste de l'enfance, âge des miracles, âge magique, tout comme le folklore irlandais dans lequel vivent des fées, des démons et des sorcières.
La carte du tarot La Gouvernante "n'apparaît que lors de rares séances, aux seules jeunes femmes, et uniquement en temps de crise."(p.455 Remerciements ) C'est le cas de le dire !
Tout comme l'adolescence, le vocabulaire et les dialogues courts manifestent une certaine impatience à fréquence serrée, un rythme rapide qui s'accélère suivant les pulsations du coeur, un peu décousu, à la recherche d'une certaine maturité, d'une personnalité, comme l'adolescence. Ce style, est-il voulu, ou pas encore mûri ?
L'écriture manque de relief, comme l'adolescence, l'intrigue un peu chaotique, le chaos que vivent les ados de l'histoire, et beaucoup d'autres que nous connaissons, l'encrage dans le fantastique est hésitant, on n'est ni dans l'enfance ni dans l'âge mûr, et l'écriture reste un peu trop en surface. Mais comme c'est écrit à la première personne, c'est bien l'ado Maeve qui parle, l'écriture, voulue ou pas, peut alors trouver tout son sens.
"La magie n'est pas finie. A l'instar de la nature, elle a besoin de temps pour se ressourcer."
Tous mes remerciements aux
Editions de la Martinière et à la Masse critique privilégiée de Babelio qui m'ont offert l'occasion de découvrir l'auteure Caroline O'Donoghue et l'univers de l'adolescence qu'elle a créé.