Dans cette histoire tout est vrai, j'ai tout inventé.
J'ai foi en notre histoire qui n'a jamais vraiment pu commencer et donc ne s'est jamais vraiment terminée. La guerre ne nous a pas laissé le temps, ni de vivre et nourrir un avenir, ni de mourir ensemble sous les bombes.
J'ai quitté l'Indochine et Maï, mais l'Indochine et Maï ne m'ont jamais quitté.
Depuis, mes songes se mélangent à mes cauchemars, comme l'amour à la mort, dissolvant, chaque jour un peu plus, le vernis de mon existence.
Juillet 54 je revins en métropole.
Défait.
Amputé de mon coeur refait à neuf.
Et amoureux d'une énigme déguisée en sourire fatal, qui me hante depuis vingt ans.
(pg. 14)
Diên Biên Phù, depuis vingt ans mon esprit erre en ce lieu, qui me hante. J'y reviens enfin, pour retrouver des souvenirs perdus, en exil de moi-même. Je suis de retour ici pour une femme, flamme rencontrée pendant la guerre. Nous nous étions aimés, sans bruit ni fureur, avant de nous séparer, contraints.
Elle parlait de son plus jeune frère, encore adolescent, qui avait lui aussi entendu l’appel du président Hô Chi Minh : « Que celui qui a un fusil se serve de son fusil, que celui qui a une épée se serve de son épée… Que chacun combatte le colonialisme. »
La dame en noir ne hiérarchise pas les hommes, elle passe aveugle, frappe et fauche, sans discrimination.
J’ai quitté l’Indochine et Maï, mais l’Indochine et Maï ne m’ont jamais quitté.
Certains choix, de vie ou de mort, nous engagent bien au delà de nous mêmes.
"L'honneur Alexandre, l'honneur". Certes nous n'en manquions pas, d'honneur mais ce n'était pas le même, nous ne combattions pas pour la liberté, mais pour annexer une terre, un pays, un imaginaire, un peuple.