AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,78

sur 2337 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Estonie, 1992. Depuis quelques mois, le peuple estonien fête la fin du joug soviétique, après un demi-siècle de soumission forcée.
Retirée dans sa ferme, les sens aux aguets, la vieille Aliide Truu partage peu la liesse générale. Méfiante, amère, elle craint les débordements, les règlements de compte et les pillages, fréquents dans ces coins reculés de la campagne estonienne.
Sa fille unique au loin ; son mari, ancien membre actif du parti, mort ; elle passe son temps derrière ses fourneaux, à préparer des confitures, des conserves, des potions médicinales concoctées avec les herbes de son jardin.
C'est justement dans son jardin, qu'elle trouve un beau matin, une jeune femme étendue inconsciente, sale et boueuse, les vêtements déchirés. Malgré sa défiance et contre toute attente, Aliide la recueille, la soigne, la nourrit. C'est que dans les yeux de la jeune Zara et sur son corps meurtri, Aliide a décelé quelque chose qu'elle-même connaît bien pour l'avoir trop vécue : la peur poisseuse qui colle au corps, la honte chevillée comme une ombre, les tremblements irrépressibles, c'est là le martyre des femmes blessées dans leur chair.
Alors que peu à peu les deux femmes s'apprivoisent, les questions surgissent.
Qu'est-ce qui a conduit la jeune Zara à venir se réfugier chez la vieille Aliide et que fuit-elle? Quel est le lien secret qui unit les deux femmes ?
Au fil des jours, dans le huis-clos pesant de la ferme isolée, les langues se délient et le passé d'Aliide remonte à la surface, comme un torrent boueux déversant son flot d'ignominies, entre actes de bravoure et agissements méprisables, entre amour destructeur et haine tenace, entre obstination et résignation.

On ne peut rester insensible au sort de ces deux femmes malmenées par l'Histoire, aux destins liés dans l'adversité.
Toute la force du roman réside dans cette proximité tissée fil à fil, que la Finlandaise Sofi Oksanen réussit à nouer entre ses personnages et le lecteur, une intimité faite de curiosité, d'interrogation, de malaise parfois et de sentiments contrastés. Sa plume sait se faire à la fois dure, crue, violente ou apaisée, sensuelle ou rêche, douce ou abrupte ; elle s'attarde sur les gestes anodins du quotidien, sur des odeurs de terre, d'herbes et de cuisine pour mieux prendre à la gorge le lecteur que nous sommes, dans des émanations de sang et de chairs violentées, laissant la brutalité du réel pénétrer dans tous les recoins de la pensée.
Alternant les allers et retours entre passé et présent, entremêlant plusieurs époques et lieux différents, le roman s'articule autour du destin croisé de ses deux héroïnes et nous fait découvrir tout un pan de l'Histoire de l'Europe de l'Est. Satellisés par le bloc soviétique pendant la seconde guerre mondiale, de nombreux petits pays oubliés par l'Ouest comme l'Estonie, ont subi le régime communiste pendant plus d'un demi-siècle.
Mais après l'oppression et la dictature, l'indépendance des années 1990, en même temps que le libéralisme, a ouvert les portes à un mal tout aussi impitoyable : le trafic de jeunes femmes de l'Est par les mafias russes.
Politiquement engagée, socialement impliquée dans la cause féminine, Sofi Oksanen nous dévoile l'avant et l'après d'un pays qui, même s'il a tourné le dos aux années de terreur, n'en a pas encore fini avec les tourments et les violences faites aux femmes.
La jeune auteure née en 1977, a atteint avec Purge la consécration dans l'ensemble des pays de l'Est où elle a raflé les prix les plus prestigieux. En France, cette nouvelle voix de la littérature étrangère s'est vue récompensée par le Prix Fémina 2010.
Il n'y a guère qu'en Russie que la jeune femme au look de punk gothique est devenue indésirable.
Sans doute que le réalisme âpre de son roman a laissé un arrière goût acide dans la bouche de certains…
Commenter  J’apprécie          371
On est dans les années 90, Aliide est une vieille femme, recluse dans sa maison à la lisière de la forêt estonienne. Elle a toujours vécu ici et malgré les menaces, les pierres qui sont souvent jetées contre sa porte, elle demeure une citoyenne de l'ombre, qui ne partira pas. Aux antipodes il y a Zara, une toute jeune fille qui rien n'arrête, qui a fui la Russie pour gagner l'Estonie. Et c'est donc par le plus pur des "hasards" que ces deux femmes se rencontrent.

Aliide a un passé qui la rattrape, de nombreuses affaires troubles dans lesquelles elle a trempées. Elle est une femme résignée, condamnée à rester porte close dans cette maison où se sont déroulés de nombreux drames. Quant à Zara, bien que jeune, elle a été bringuebalée de Russie jusqu'en Allemagne, embrigadée par des mafieux qui l'ont prostituée. C'est dans les années 40, quand l'Estonie était occupée tour à tour par la Russie puis par l'Allemagne, qu'a commencé l'histoire. Les déportations vers la Sibérie se faisaient en masse et les dénonciations allaient bon train.
On se demande au départ ce qui a conduit la courageuse Zara à venir s'isoler si loin sa terre native. de fil en aiguille, les relations s'éclaircissent et, outre les tourments politiques, les deux femmes font l'apprentissage d'une réalité.
Et si l'occupation et le silence avaient engendré un lien entre ces femmes? Et si le passé pouvait ressurgir encore plus fort que ce qu'il a été?

Je dois bien l'avouer, mon opinion va à contrecourant des critiques précédentes. Je me suis sentie à maintes reprises perdue dans les évènements politiques, dans les flash-backs entre 1940 et 1990. La trame a beau être incroyablement bien étudiée et l'engrenage bien ficelé, ces deux femmes qui sont les personnages centraux, ont été pour moi sans réels reliefs. Aliide, la vieille femme quelque part un peu punie de ces agissements en période trouble, a été le point culminant de mon antipathie. Car on est dans le descriptif et Aliide agit froidement, égoïstement et sans scrupules. Malgré la vieillesse, on a du mal à se l'imaginer affaiblie et bienveillante. Quant à Zara, elle est le trait d'union qui relie le passé russe à la petite Estonie. Est-ce la lueur d'espoir? le renouveau? On en doute car elle aussi a trinqué en étant faite le parfait objet des Russes qui la poursuivent.

C'est un roman où on se sent quelque part un peu découragé et fataliste car les deux femmes ont perdu beaucoup, vivent dans la peur et n'ont presque plus confiance au genre humain.
Peut-être que l'Estonie et son Histoire me sont trop méconnues et éloignées pour que j'aie un quelconque attachement à ce roman alambiqué. C'est un livre qui sort de l'ordinaire et m'a amené dans mes retranchements, c'est certain. J'ai dû insister pour le finir, garder le fil conducteur... et j'en sors bien perplexe !
Il va falloir que je réessaie la littérature balte pour me départir de cet avis plutôt négatif.
Commenter  J’apprécie          20
Troisième roman d'une auteure finnoise, cet ouvrage a beaucoup fait parler de lui lors de la dernière rentrée littéraire, recevant notamment le prix Femina étranger. L'histoire est un prétexte pour évoquer l'Histoire de l'Estonie et des estoniens des années 1930 à 1992, entre lâchetés et compromissions, courage et tentatives de survie. La construction du texte est suffisamment habile pour accrocher le lecteur, si bien qu'il m'a fallu moins de deux jours pour lire les 400 pages du roman, notamment parce que le style de l'auteur et ses personnages m'ont globalement impressionnée par leur justesse. Un bon roman qui malgré ses thèmes sombres, a le bon goût de ne jamais sombrer dans le glauque.
Commenter  J’apprécie          10
Plaisant sans plus. Assez proche de l'oeuvre de Nancy Houston. Moi qui avait adoré cette dernière, je suis surpris de ne pas apprécier plus Oksanen.
Commenter  J’apprécie          10
C'est l'histoire d'Aliide et de Zara, entre l'Estonie, la Russie, et l'Allemagne des années 1950 au début des années 2000. Un récit en flashbacks, d'Histoire estonienne et d'histoires familiales, d'amours contrariées et de vengeance, de soumission et de lâcheté, de violences universelles faites aux femmes et finalement de solidarité et d'abandon. Un grand roman dont on ne sort pas indemne.
Commenter  J’apprécie          30
Qui se souciait de l'Estonie il y a encore 20 ans ? Confetti aux marges de l'Empire, occupée par les allemands pendant la guerre, vouée à une colonisation de peuplement, une lente russification, l'Estonie n'était évoquée dans les conversations qu'avec ses deux soeurs de la Baltique et l'on se demandait soudain de quel pays Tallinn pouvait bien être la capitale. Les plus savants parlait de finlandisation. La messe était dite. On avait abandonné ces peuples à leurs sort. Et d'ailleurs qu'aurions nous pu faire d'autre ?
C'est en cela que le succès phénoménal et indiscuté (indiscutable ?) de ce roman m'intrigue, au delà de ses qualités littéraires évidentes. Pourquoi ce soudain succès international ? On sait que les « romans du Nord » sont à la mode, mais cette raison suffit-elle ?
Je crois que ce roman est le lot de consolation que la littérature offre à tous les petits européens qui ont regardé passer l'Histoire dans une passivité contrainte et qui veulent en revivre les drames et les insolubles conflits, en connaissant la fin.

Car Purge est tout à la fois un roman paysan comme en ont écrit nos Maupassant, nos Zola avec leurs haines familiales et leur retombées sur les générations qui suivent. A ceci près : les circonstances politiques totalitaires faisaient qu'il suffisait de vouloir voir quelqu'un disparaître pour qu'il disparaisse en vrai. Un drame paysan au pays du Goulag.

Ce roman porte sur la possibilité de la rédemption quand l'histoire est dite jusqu'à la dernière goutte de sang. Et c'est en cela qu'il me gène : peut-on échapper à ses actes, aussi odieux soient-ils, quand on n'a sans doute pas voulu la conséquence qu'ils ont eu ? La génération actuelle peut-elle regarder celle de ses parents et de ses grands parents sans ressentir du mépris? Au-delà de son caractère éclaté, le roman à un fil conducteur unique : il tente reconstituer une histoire nationale qui puisse se raconter quand le choix, c'est la thèse du roman, était entre la collaboration avec les Nazis (le héros enfermé dans un réduit pendant des années) ou avec les Rouges. Thèse qui est sans doute soutenable.

Car Purge porte sur la violence de l'Histoire, celle qui ne laisse pas d'autres choix que des choix odieux. Et ce roman est, au delà de cette tentative de reconstitution d'un récit national acceptable, d'un grand pessimisme historique : Aux nervis bolcheviques, à l'omnipotence du parti russe en terre estonienne, succède les maquereaux allemands qui transforment en esclaves et en loques les filles qui ont cru aux sirène de l'Ouest.

Tout le roman converge vers cette assomption : la complicité possible entre la grand-tante et la petite nièce qui ont eu pour tort d'avoir voulu vivre alors que l'Histoire le leur interdisait. En dépit des apparences, ce livre est un conte de fée. Il doit nous consoler en nous laissant penser que nous, les lecteurs, sommes les acteurs de l'Histoire. Nous en connaissons les ficelles. Foutaise.
Commenter  J’apprécie          90
Deux histoires de femmes bafouées qui rejoignent L Histoire, celle de l'Estonie et de l'URSS. La première, Aliide, nous plonge dans la vie des kolkhozes gangrénée par la peur de la traque aux ennemis du peule. La deuxième, Zara, nous emmène, deux générations plus tard, au coeur du monde de la prostitution et du trafic de femmes
Lien : http://livresmanue.blogspot...
Commenter  J’apprécie          20
Sofi Oksanen plonge son lecteur dans un pan de l'histoire de l'Estonie. Je ne connaissais pas du tout ces événements. Malheureusement, on constate que l'histoire se répète: guerre de pouvoir, interrogatoires musclés, brimades, emprisonnement des prétendus rebelles, actes discrets des femmes dans la résistance... Tout ceci est exposé avec justesse. Il semblerait que l'auteur ait connu certains détails historiques par le biais de sa grand-mère, et elle les a réutilisés pour ce roman.

La romancière entremêle l'histoire du pays à celle de ses personnages. C'est, là encore, très réaliste. Les vies d'Aliide, d'Ingel, de Hans ont été influencés par la politique du pays. Cela a également contribué à faire de la vie de Zara ce qu'elle est, même si elle n'était pas née au moment des faits.

Sofi Oksanen exprime les différentes formes de souffrance de ses personnages de diverses manières. Je pense surtout à la pudeur effrayée de Aliide lorsqu'elle évoque le viol subi. Elle tente de l'effacer en l'évoquant par des actes, des gestes, des pensées détournées.
Quant à Zara, dont le corps et la dignité furent souillés, elle évoque tout cela sans tabou, elle crie sa détresse, la jette à la figure du lecteur. Ces deux manières d'exprimer une douleur sont également poignantes et bouleversantes.
On retrouve cette écriture feutrée lorsque nous découvrons ce qui est arrivé à Hans.
[...]
Lire la suite sur:
Lien : http://www.lalivrophile.net/..
Commenter  J’apprécie          20
Voici un livre qui sort du lot !
Page tragique, douloureuse et violente de l'Histoire de l'Estonie à travers le combat de deux femmes. C'est un roman poignant, fort et sombre ...peut être trop sombre justement , pas un rayon de soleil ni même l'ébauche d'un sourire sur 400 pges.
Un livre à un intrigue, une atmosphère très marquée, une vraie signature d'auteur aussi .
Commenter  J’apprécie          70




Lecteurs (4479) Voir plus



Quiz Voir plus

Purge, de Sofie Oksanen

En 1939-1945, l’Estonie était rattachée à :

La Finlande
La Russie
L’Allemagne

10 questions
291 lecteurs ont répondu
Thème : Purge de Sofi OksanenCréer un quiz sur ce livre

{* *}