Il est malaisé de comprendre autrui. Mais ce qui est encore plus difficile à cerner, encore plus difficile à connaître, ce qui nous est le plus étranger parmi tout ce qu'il y a d'étranger, le plus inconnu parmi tout ce qui existe d'inconnu, c'est nous mêmes.
On dit que l'homme ne se remet jamais d'être né. Que l'expérience la plus difficile de la vie, c'est de venir au monde. Et que le plus difficile ensuite, c'est de s'habituer à la lumière. P.128
Elle retournait les pavés d’églefin dans la panure en déclarant : La vie est une allumette qui ne flambe qu’un instant. Ou encore : L’homme est une luciole.
Lorsque j’habitais avec tante fifa, je l’ai entendue répéter plus d’une fois : « Quand je pense que cet homme a jadis été un nourrisson nu comme un vers ». Ou bien : « Et dire que cette femme a jadis été un bébé tout nu ». Elle prononçait ces paroles pour des raisons diverses, mais parvenait invariablement à la même conclusion : Avant de persécuter ceux qui ne partagent pas ses opinions, l’homme vient au monde complètement nu, avant de commettre tant d’erreurs dans sa vie, il mesurait une cinquantaine de centimètres. Il ne s’agissait pas uniquement pour elle de découvrir ce qui déraille, ce qui se produit entre-temps, ce qui rend l’humain capable d’une plus grande cruauté que toute autre espèce à l’égard de ses semblables, de la nature et de tous les êtres vivants, mais aussi de comprendre pourquoi certains cherchent la beauté et d’autres non. « Quand je pense… » soupirait-elle, les yeux fermés, en écoutant la Consolation n°3 en ré bémol majeur de Franz Liszt sous la direction d’Horowitz, la pochette posée sur les genoux. Elle n’avait pas besoin de terminer sa phrase, je comprenais. Ou bien elle attrapait un recueil de poésie, « une note tremblante sortie d’un invisible instrument » emplissait le salon, et elle disait : Quand je pense que ce poète pesait seulement 3,5 kilos à sa naissance ».
(pp.82-83)
Lorsque j’habitais avec tante Fifa, je l’ai entendue répéter plus d’une fois : « Quand je pense que cet homme a jadis été un nourrisson nu comme un vers ». Ou bien : « Et dire que cette femme a jadis été un bébé tout nu ». Elle prononçait ces paroles pour des raisons diverses, mais parvenait invariablement à la même conclusion : Avant de persécuter ceux qui ne partagent pas ses opinions, l’homme vient au monde complètement nu, avant de commettre tant d’erreurs dans sa vie, il mesurait une cinquantaine de centimètres. Il ne s’agissait pas uniquement pour elle de découvrir ce qui déraille, ce qui se produit entre-temps, ce qui rend l’humain capable d’une plus grande cruauté que toute autre espèce à l’égard de ses semblables, de la nature et de tous les êtres vivants, mais aussi de comprendre pourquoi certains cherchent la beauté et d’autres non. « Quand je pense… » soupirait-elle, les yeux fermés, en écoutant la Consolation n°3 en ré bémol majeur de Franz Liszt sous la direction d’Horowitz, la pochette posée sur les genoux. Elle n’avait pas besoin de terminer sa phrase, je comprenais. Ou bien elle attrapait un recueil de poésie, « une note tremblante sortie d’un invisible instrument » emplissait le salon, et elle disait : "Quand je pense que ce poète pesait seulement 3,5 kilos à sa naissance ».
(pp.82-83)