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Critique de Petitebijou


Une idée largement répandue par ceux qui ne l'ont pas lu fait de Michel Onfray un « déboulonneur d'idoles », n'ayant pour but philosophique que de détruire les grandes figures consensuelles, telles Freud ou Sartre pour ne citer que les plus représentatifs de cette image médiatique. Son livre sur Camus, toujours pour ceux qui l'ont lu, pourrait un peu changer cette image, mais malheureusement bien souvent ce qui en a filtré dans les médias est le mauvais sort que fait Onfray au couple Sartre-Beauvoir.
Comme toujours, la meilleure réponse à cette fausse image – parce que trop partielle, est de lire ce qu'écrit le philosophe, et de se faire sa propre opinion. Je n'ai pas lu tout Onfray, loin de là, un peu effrayée par les capacités intellectuelles que cela me demanderait, mais petit à petit, régulièrement, je me plonge dans sa prose. Généralement, je choisis des textes courts, qui me font moins peur. C'est ainsi que j'ai commencé par le texte sublime sur son père « le corps de mon père », puis « Esthétique du Pôle Nord », récit de voyage au pays des Inuits avec son père justement (cadeau d'un fils à son père qui n'avait jamais voyagé), mais ce que je préfère est la lecture du Journal Hédoniste que tient Michel Onfray depuis 1998.
« La lueur des orages désirés » en est le tome 4, et comme les précédents, est constitué de plusieurs textes philosophiques sur des sujets très divers : essentiellement des portraits d'artistes (peintres, photographes, écrivains…) sous un angle philosophique, politique. L'évidence est que Michel Onfray est un passionné à sang froid, un cartésien qui bouillonne. S'il est vrai que certains de ces textes égratignent un peu certaines figures (Cioran, les politiciens en général, les médias…), la plupart des écrits de ce journal expriment la passion d'Onfray pour beaucoup d'autres. Et quand il aime, Onfray est convaincu et convaincant. Parce que sous une pensée construite, articulée, les émotions affleurent : il faut savoir les débusquer au détour d'un adjectif, d'une formule qui vous prend aux tripes, ce contraste du froid et du chaud. Je me souviens dans les précédents tomes du Journal hédoniste d'un texte sur Anne Frank, le plus beau portrait de l'adolescente que j'ai lu à ce jour, ou sur Pessoa, et même Webern.
Ici, sont conviés Picasso ( une réflexion sur l'énergie « monstrueuse » du génie créateur), Rimbaud (à travers le photographe), Ravel, Berlioz, Henri-Cartier Bresson… Lisez ces textes, et vous ne verrez plus Onfray comme l'homme aimant détester, mais bien l'homme passionné, ouvert, créant des passerelles entre les arts et la philosophie et soucieux de partager et transmettre ses enthousiasmes et tout ce qui l'aide à vivre. Il m'arrive (rarement) de bien connaître un sujet qu'il aborde (généralement en musique), et je constate que dans ses textes courts mais d'une densité remarquable Onfray use d'arguments qui prouvent à quel point il a fouillé son sujet. On ne peut lui contester le travail effectué en amont et son honnêteté. Après, on peut être en accord ou pas avec lui. On sent bien qu'il a une idée qu'il défend coûte que coûte, et, sans parler de mauvaise foi, que tel un vrai passionné il peut tirer un peu trop sur la ficelle de ses argumentations… mais tout cela m'est très sympathique car j'aime à penser que tout philosophe rationnel qu'il est Michel Onfray demeure avant tout fidèle à l'adolescent révolté qui nourrissait son énergie contrariée par la recherche incessante et curieuse de la beauté, non pas une beauté facile qui se donne au premier venu, mais la beauté qui bouleverse parce qu'elle dérange, interroge, transforme…
Pour moi, le Journal hédoniste est ce que je préfère, car je peux y puiser quand bon me semble, un jour ici, l'autre là, et que la brièveté des textes me permet de suivre l'auteur relativement aisément.
Parfois, je reste sur le bord du chemin, car je ne comprends pas tout, je sens bien que j'ai trop de lacunes pour saisir la subtilité des propos, mais même si beaucoup de choses m'échappent je suis certaine d'un fait : j'apprends énormément, mes neurones sont stimulés, des mondes s'ouvrent à moi. Ce qui ne m'empêche pas, plus je lis Onfray et le découvre, de conserver un oeil critique mais complice, pensant parfois « Sacré Michel, tu pousses un peu… ». Mais en ces temps de consensus, du politiquement correct, une pensée aussi « poil à gratter » et chaleureuse fait vraiment du bien.

Lien : http://parures-de-petitebijo..
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