Citations sur La Passion de la Fraternité : Beethoven (26)
Pour ceux dont, par malédiction, je suis, qui ne sont pas musiciens, cette infirmité est ressentie comme un rejet, un exil à jamais, une interdiction de terre promise. On reste au-dehors, à tendre l’oreille et à considérer, désolés, ses dix doigts incapables de rien jouer. Dès la première note, les musiciens se reconnaissent. Ils savent qu’ils sont de la même confrérie. Et nous, les exclus, ne pouvons que les regarder s’embrasser. Et qu’importe si, par la suite, la jalousie les déchirera, ils sont d’un autre monde. Aristocrates dont aucune nuit du 4 Août n’aura aboli les privilèges. Au regard de la musique, on aura beau faire, et même s’il faut (beaucoup) travailler, les hommes ne naissent pas égaux en droits. Certains ont l’ouïe qu’il faut, absolue, d’autres se contentent d’entendre.
Sous l’impulsion de Frédéric II, la Prusse s’était dotée d’un ensemble législatif sans équivalent, aussi cohérent que complet. Et beaucoup de ses confrères princes-électeurs l’avaient imité. Si bien que longtemps méprisés par leurs voisins gaulois comme lourdauds et frustes, les Allemands eurent la satisfaction, en juillet 1789, de se constater précurseurs. Au fond, cette Révolution n’était qu’un rattrapage ! Cette admiration, un rien condescendante, ne dura pas. Chacun sait que les Gaulois répugnent à se mouvoir. Mais, une fois partis, ils ne savent pas s’arrêter !
On dirait que l’œuvre de Beethoven répond coup pour coup aux agressions de sa vie. Plus celle-ci frappe, plus celle-là triomphe.
C’est la promesse de Heiligenstadt, tenue jour après jour dans un héroïsme bouleversant.
Si, dans tous les domaines de sa vie, sans refuge et sans répit, Beethoven accumule les souffrances, drames familiaux, rebuffades sentimentales, précarité financière, maladies enchaînées, infirmités de plus en plus invalidantes (puisque, à la surdité, maintenant totale, se sont ajoutées des conjonctivites), dans toutes les formes de son art, il se libère, il invente et triomphe.
Il est des lieux, et des moments de l'histoire, où surgissent des génies. Pourquoi ? se demande Joseph Rovan, le grand historien de l'Allemagne : "Pourquoi jamais avant, et pourquoi jamais plus après ?" Quelle fut la part du hasard, quelle autre celle de la nécessité ?
Une vie, tout compte fait, se résume à la confiance.
Qui croit en vous vous rend digne de cette confiance.
Et c’est ainsi que monte la vie, de marche en marche, en surprises toujours plus grandes d’avoir, du seul fait de la confiance, rendu possible l’impossible.
Mais pour dire la fraternité, le substantif ne suffit pas. Ce noble substantif Fraternité les flonflons, les défilés. Il reste dans la solennité. Et les généralités.
C’est l’adjectif qui exprime le mieux la réalité de ce trésor. Tendez l’oreille. […]
Fraternel.
Un geste « fraternel », c’est sans rien dire la main posée sur l’épaule d’un ami qui vient de perdre un être cher ; c’est le mot juste envoyé au bon moment ; c’est le cadeau d’une dédicace qui vous rend soudain moins seul ; c’est le sourire à un enfant pour lui prouver 1) qu’il est compris 2) qu’on n’est pas plus adulte que lui.
La fraternité est comme l’amour, dont elle fait d’ailleurs partie : il n’y a pas de fraternité sans preuves. Et ces preuves sont ces gestes.
Au regard de la musique, on aura beau faire, et même s’il faut (beaucoup) travailler, les hommes ne naissent pas égaux en droits. Certains ont l’ouïe qu’il faut, absolue, d’autres se contentent d’entendre.
Cette symphonie ne pouvait s’appeler qu’héroïque ! Mais l’héroïsme avait changé de héros. S’étant métamorphosé en Napoléon, Bonaparte ne pouvait plus prétendre au rôle-titre. Au fond, cette œuvre aurait dû s’appeler Symphonie Beethoven.
[...] rappelons que [le clavecin] sera martyrisé sous la Révolution. Considéré comme un symbole de l'Ancien Régime, il sera volontiers détruit par les enragés. Si bien qu'à la mort de Louis XVI, les clavecins survivants seront, en signe de deuil, peints en noir.
Génie, Beethoven ? Qui me contredira ? Mais génie fraternel.