La loyauté, la trahison, la foi et l'athéisme constituent quelques thèmes significatifs -quoique non exhaustifs- de mon roman, Judas. L'un des protagonistes, un vieil intellectuel israélien du nom de Gershom Wald raconte que dans sa jeunesse en Pologne, il se trouvait dans le même wagon que deux bonnes sœurs catholiques. La plus âgée semblait très digne et respectable. L'autre avait l'air angélique, timide et réservé. Assis en face d'elles, Gershom Wald était plongé dans un journal en hébreu.
-Excusez-moi, monsieur, vous lisez bien un journal juif, n'est-ce pas? demanda la plus âgée.
-Oui, ma sœur, répondit Wald, je suis juif et je vais bientôt m'établir à Jérusalem.
Suivit un long silence, que la plus jeune nonne finit par briser.
-Il était si bon, comment avez-vous pu lui faire cela? lui reprocha-t-elle d'une voix douce, au bord des larmes.
-Vous savez, il se trouve que j'ai raté ce terrible drame, répliqua Wald. J'avais rendez-vous chez le dentiste ce vendredi matin-là, à Jérusalem.
J'ai une autre confession à vous faire: c'est à moi que cet incident est arrivé, en réalité. Pas en Pologne, mais dans un autre pays catholique européen au cours d'un interminable voyage en train. (...) Je m'en veux de ne pas avoir placé la fameuse réplique du rendez-vous chez le dentiste à ce moment-là.
(p.13)
J'ai assisté à une conférence à l'étranger", as-tu dit. "Elle était donnée par un homme qui affirmait fièrement que nous étions des héritiers, les descendants des prophètes. Il fallait corriger immédiatement son propos : non, nous ne sommes pas les descendants des prophètes car la plupart d'entre eux n'ont pas eu de descendance. Mais nous sommes les héritiers de ceux qui leur ont jeté des pierres pour qu'ils se taisent."
Nulle autre narration n’a généré tant de haine, de violence, de brimades, de carnage, n’a versé autant de sang que cette effroyable histoire ou se mêlent la trahison, l’argent et le baiser de la mort
C'est à la lecture des Évangiles que j'ai appris à aimer Jésus: sa poésie, sa vision du monde, sa tendresse souvent teintée d'arrogance et de colère, son humour irrésistible, sa parole réconfortante et subtile, son enseignement étonnamment joyeux. Inutile de dire que je ne partageais pas ses positions sur tous les sujets.
L'idée que chacun puisse aimer son prochain. C'est trop beau pour être vrai. Et contraire à la nature humaine, car qui aime tout le monde n'aime personne. L'amour est une denrée rare.
Quant à présenter l'autre joue à son ennemi...
Pages: 28, 29.