Me souvenant de l'émerveillement qui m'avait saisi lorsque, vers l'âge de dix ou douze ans, j'avais entamé la lecture de ce livre, je pensai commencer cette critique par quelque chose comme : j'envie tous les jeunes adolescents pour qui va s'ouvrir, pour la première fois, le monde solaire et fraternel de
Marcel Pagnol.
Et puis je décidai de relire quelques pages pour me remettre dans le bain. Dès les premiers paragraphes, je tombe sur cette phrase : « c'est Garlaban, où les guetteurs de
Marius, quand ils virent, au fond de la nuit, briller un feu sur Sainte Victoire, allumèrent un bûcher de broussailles : cet oiseau rouge, dans la nuit de juin, vola de collines en colline, et se posant enfin sur la roche du Capitole, apprit à Rome que ses légions des Gaules venaient d'égorger, dans la plaine d'Aix, les cent mille barbares de Teutobochus. » En soixante-neuf mots, quatre passés simples, six incises.
Moi, cette phrase m'avait fait rêver, me transformant instantanément en guetteur fou de joie, dressé sur mon rocher de la plaine de Pourrières. (Village au pieds de la Sainte Victoire dont le nom vient comme on s'en doute, des milliers de corps que les légions romaines laissèrent pourrir sans sépulture après la bataille).
Et soudain, j'ai revu l'air effarouché de ma petite-fille, pourtant classée en tête de son CM2, lorsque j'essayai, vainement, de l'intéresser aux premières pages de Tartarin de Tarascon. « C'est trop compliqué », me dit-elle. Trop de passés simples, trop d'incises.
D'où j'en conclu que
Pagnol est devenu une lecture pour adultes.
Pardonnez-moi, à partir d'un certain âge, on éprouve un malin plaisir à jouer au vieux con. En fait, il n'y a pas d'âge pour lire cette trilogie de
Pagnol, qui, comme pour les trois mousquetaires, compte en fait quatre volumes avec le « Temps des Amours ». Car elle raconte le temps du bonheur, des sentiments vrais et des joies simples.
Et nous en avons tous besoin.