Citations sur Manon des sources (70)
-On n'est jamais seule dans la colline. Il y a tant de bêtes qu'on ne voit pas, et qui vous regardent...Et souvent des gens qu'on regarde, et qui ne vous voient pas...
« Il y en a qui sont inquiets pour le jardin, d'autres pour la prairie, d'autres pour les cochons, d'autres parce qu'ils ne savent plus quoi mettre dans leur pastis ! Ces prières que vous avez la prétention de Lui faire entendre, ce sont des prières pour les haricots, des oraisons pour les tomates, des Alléluias pour les topinambours, des hosannas pour les coucourdes ! Allez, tout ça, c'est des prières adolphines : ça ne peut pas monter au ciel, parce que ça n'a pas plus d'ailes qu'un dindon plumé ! »
"Manon ! J'ai pas osé te le dire de près, mais j'en suis malade ! Ca m'étouffe ! Et il y a longtemps que ça m'a pris ! C'était aux Refresquières, après le gros orage ! Je m'étais caché pour les perdreaux... Je t'ai vue quand tu te baignais dans les flaques de la pluie... Je t'ai regardée longtemps tu était belle. J'ai eu peur de faire un crime !
Pendant qu’il refermait sa serviette, le Papet trépignait sous la table, et criait.
« J’en étais sûr ! Je le savais que ça finirait comme ça ! Lui, c’est un menteur, le maire c’est un couillon, et moi je me régale ! C’est ça l’administration ! La voilà, l’administration ! »
L’ingénieur, avec une sérénité parfaite, répliqua :
« Monsieur, j’ai l’honneur de vous informer que l’administration vous emmerde. »
On dit que l'amour est aveugle, mais la douloureuse jalousie lui donne parfois une double vue, qui transperce tous les secrets.
Il y a tant de bêtes qu’on ne voit pas, et qui vous regardent… Et souvent des gens qu’on regarde, et qui ne nous voient pas.
À droite, au pied du mur de roche, un ruisselet tombait d'une fente moussue, et plongeait sous la nappe frémissante. À l'autre bout de l'ellipse, un petit tourbillon aspirait l'eau par un trou invisible.
Des larmes montèrent à ses yeux. C'était l'eau des collines, celle qui aurait pu sauver son père, et qui gaspillait sa richesse dans la roche stérile et la nuit souterraine. (Fortunio, p.130)
Mais sous leurs yeux, le filet d'eau s'amincissait de minute en minute. Manon regardait tous ces gens qu'elle ne connaissait pas, ceux qui avaient gardé le secret de la source, et qui voyaient mourir la leur. (Fortunio, p.143)
Non elle n'habiterait jamais la fourmilière, elle resterait une bergère toute sa vie, et si un jour elle se mariait, ce serait avec un jeune homme très riche, qu'elle rencontrerait dans la colline, un propriétaire forestier qui habiterait un petit château sur les pentes du Baou de Bertagno ou sur l'épaule du Pilon du Roi ; il donnerait du travail aux chers bousquetiers, il rachèterait les Romarins ; alors, on remettrait tous les meubles leur place, pour y passer les mois d'été ; mais d'abord, dès le premier jour, on boucherait jamais la source perfide qui avait préféré Ugolin, et l'on finirait le puits du malheur ; alors, travers la roche vaincue, l'eau de son père jaillirait jusqu'au ciel.
(...) mais la puissante joie de vivre de la jeunesse, dont la chair expulse si vite les corps étrangers, adoucit le contour des mauvais souvenirs, en obscurcit les cruelles couleurs, et finit par leur donner l'irrealité d'une histoire lue dans un livre.