Panorama, n°562

- Vous êtes d'une génération qui ne craint pas de vivre au jour le jour, qui n'hésite pas à changer radicalement de profession et de vie. Que répondez-vous à ceux qui vous disent privilégiée ?
- Il faut beaucoup de courage pour écouter ce que nos aspirations nous disent. Nous vivons dans un monde à plusieurs vitesses, je perçois un immense décalage et je sais combien nous sommes chanceux, parfois sans nous en rendre compte. Je suis bien sûr privilégiée d'avoir pris une année sabbatique après trois ans d'études payées par mes parents. Je suis privilégiée d'avoir pu dire non à un avenir confortable, et je sais que cela peut paraître capricieux, voire inquiétant. Mais je sentais que mon bonheur était en jeu.
(...)
Voilà une grande question à se poser : comment ai-je envie d'aimer ? Notre responsabilité, c'est de nous aimer nous-mêmes, d'être fiers de ce que nous sommes, d'aimer les autres et de pouvoir soigner les souffrances. La manière d'aimer me passionne... Que ce soit l'amour pour un homme, un champ, un ami ou un enfant. Si je donne naissance à un enfant, c'est mon enfant, mais pas seulement. En tant que mère je ne suis que le lien, mais cela demande une certaine sagesse. Comme on donne vie à un enfant, on donne vie au pain mais il ne nous appartient pas. Je donne corps, je suis un lien.

(Conversation avec Hélène Mouton)

On le dit dans toutes les langues du monde. A peine une consonne, deux parfois. Comme si cette économie de lettres le canalisait, le concentrait. Pour lui donner sa force. Un petit mot qui peut être grand. C'est souvent l'un des premiers mots que l'on prononce, à l'âge où les babillements évoluent en paroles, à l'âge où la communication verbale s'installe, l'échange se tisse.
Il s'oppose à son contraire, souvent, bien trop souvent. Et de leur désaccord peuvent naître des différends, des batailles, des guerres, des séditions, des révolutions. (...) Il dit la volonté, l'envie et le plaisir aussi. Il change parfois le cours d'une vie, surtout quand il est habillé de blanc.
Quoi qu'ait dit Marie, ce mot la définit. Il dit son amour et sa confiance en Dieu. C'est le seul mot que Dieu attend de nous, comme de Marie, tous les jours de notre vie : Oui !
Anne-Dauphine Julliand

- La lecture pour vous, c'est...
- je me suis littéralement construit, en tant qu'homme, par la lecture. Ce n'était pas seulement un passe-temps, c'était une véritable édification de mon caractère et de mes références. La lecture est quelque chose de sérieux, ça intervient dans nos vies comme une mission. Pour être honnête, je ne suis plus le lecteur que j'étais lorsque j'avais 20 ou 30 ans.
(...)
- Votre première lecture ?
- Je crois bien avoir lui avant de savoir lire. Ma première lecture fut "The Lone Ranger", une bande dessinée de mon grand frère. J'avais cinq ans, il en avait sept. Il me lisait les textes, puis il partait à l'école. Pendant la journée, le livre restait avec moi, qui n'allais pas encore à l'école. En l'attendant, je regardais les bulles et me souvenais de ce qu'elles contenaient.
(Petite bibliothèque spirituelle : Orhan Pamuk)

On ne possède pas le bonheur comme une acquisition définitive. Il s'agit, à chaque instant, de faire jaillir une étincelle de joie. Ne l'oublions pas : "Souris au monde et le monde te sourira ."
Soeur Emmanuelle