Mon nom est Marnie de Mortemer. J'ai quatorze ans. Mon pays n'a rien à voir avec celui des merveilles. Sur un globe terrestre, il n'apparaît pas. Même pas une tête d'épingle ! C'est dire si on est insignifiants. Et pourtant mon île me ressemble et je ne m'en irai jamais. Nous sommes aussi imprévisibles l'une que l'autre.
'L'amour vrai pardonne tout ".
Je suis sûre que là haut, c'est plus sympa qu'ici. J'y emmenerai Rose, Jane, Olivia et Vincy. Non pas lui, Jean n'a pas besoin d'un garçon là ou tout va bien. Et je sais que Rose, Jane et Olivia n'auront pas envie d'hommes non plus, on sera mieux entre femmes. Les hommes sont dégoutants. Les hommes sont violents. Les hommes sont stupides.
Un jour, j'aimerais bien avoir un chien, mais grand-mère dit qu'on les pleure plus que les gens.
Les sentiments sont des lierres qui grimpent aux arbres pour mieux cacher l'écorce.
Elle ne se plaignait jamais. Elle disait que les accrocs de la vie rendaient les instants de bonheur plus intenses.
Je sais faire parler les hommes. Il faut être attentive, pas trop curieuse, et ne jamais les interrompre.
Pauvre Rose, elle a tant souffert qu'elle a fini par attraper ce cancer. Et que personne ne vienne me dire que nos corps ne fabriquent pas cette maladie d'avoir tant supporté.
Je ne vois plus le trou béant dans lequel deux costauds de l’île font descendre le cercueil d’où papa ne s’enfuira plus. Il n’aurait pas aimé être mort de son vivant. J’entends leurs efforts, ce lit en bois qui cogne, sa nouvelle demeure sur laquelle nous allons lâcher une poignée de terre. Tout comme il y a un an, après la mort de grand-père Aristide. Ils sont enterrés l’un prés de l’autre. Tels deux amis qu’ils n’étaient pas. C’est comme ça dans la famille. On ne pense jamais à haute voix, sauf au bord des falaises, là où le vent emporte tout.
Les hommes n'apportent rien de bon, et personne ici ne dira le contraire. Je sais des choses pour mon âge. Sans doute parce que je colle trop souvent mes oreilles aux portes fermées et mon œil aux serrures. J'aimerais juste qu'un homme entre dans cette maison, et qu'il ne soit ni le docteur Géraud, ni Côme le curé, ni Manos le coiffeur de grand-mère, ou même l'alpiniste. Un garçon rien que pour moi et qui aurait autre chose à proposer que le malheur.