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Citations sur L'air était tout en feu (56)

Philippe d’Orléans n’ignorait pas le torrent de calomnies que l’on versait quotidiennement sur sa tête, depuis bien avant le nouveau règne. Il avait plus souvent qu’à son tour fait les frais du petit ragoût merdeux dont la Maintenon administrait tous les jours une bonne cuillerée au vieux roi Louis XIV, son mari de pénitence. Cette vieille putain qui se donnait maintenant des airs de sainte au milieu des demoiselles de Saint-Cyr avait toujours voulu l’abattre au profit de ses pupilles, car ce ventre fripé et stérile aimait à la folie les enfants adultérins que son vieux galant avait plantés dans celui de ses autres maîtresses. 
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Le bel abbé de Portocarrero avait le plaisir pour seule ambition, et elle le dévorait d’un feu que rien ne parvenait jamais à éteindre. Il alimentait cette fournaise avec la rage d’un inquisiteur de son pays, mais à cette différence qu’il ne tuait personne sinon de cette petite mort dont on ressuscite malheureusement trop vite. Les femmes restaient son gibier de prédilection, mais il ne dédaignait pas les hommes pourvu qu’ils soient d’aussi bonne race que ses chevaux, deux magnifiques alezans ramenés de Madrid et qu’il montait alternativement pour parcourir le cours de la Reine à la grande joie des putains et des badauds. 
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Dans la cour Royale, réservée aux voitures ayant les honneurs du Louvre, la princesse attendit que le premier gendlhomme du duc d'Orléans vienne l'accueillir à la portière et la mène jusqu'au cabinet du Régent à travers les grands appartements. Chacun s'écartait sur le passage de cette furie haute comme une enfant de huit ans, maquillée aussi violemment qu'une porcelaine de Saxe et vêtue, par pure provocation, d'une robe de visite taillée dans une de ces toiles peintes des Indes dont la vente était normalement proscrite. Les lois, les arrêts, les décrets, tout cela était bon pour les gens du commun mais certainement pas pour la petite-fflle du Grand Condé.
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Pour faire bonne mesure, quelques mois plus tard, le duc du Maine, tout atrophié qu'il était, épousait la petite-fille du Grand Condé, la naine la plus spirituelle et la plus méchante de tout l'univers. À ce niveau d'infirmité, ce n'était d'ailleurs plus un mariage mais une sorte de parabole, la vilenie donnant la main à la médisance.
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C'est à cet instant, dans l'éblouissement de la lumière extérieure, qu'il réalisa l'étendue de sa disgrace, car en dehors de l'Arsenal, dont rien ne l'assurait de conseryer l'usage, il ne savait pas où aller et n'avait pas un lit où dormir à Paris. Son frère, qui l'avait abandonné mais ne le quittait pas pour autant, le fît aussitôt monter dans sa propre voiture et l'entraîna chez lui, à l’hôtel de Toulouse, où il mettrait un appartement à sa disposition.

Durant le trajet qui va des Tuileries à la place des Victoires, où il fallut bien longer les façades du Palais-Royal illuminé comme pour la fête-Dieu, la phrase de leur père, le roi Louis XIV, prononcée sur son lit de douleur, résonnait à ses oreilles comme l'accomplissement d'une prophétie : « Pour grand que je vous fasse de mon vivant, vous ne serez plus rien après ma mort... »
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Au complot de l'étranger et à cette conspiration rampante, on allait opposer un coup de majesté.

Saint-Simon proposa alors à ses hôtes de passer dans la chambre, où se trouvait tout ce qui était nécessaire pour composer le mémoire qu'ils projetaient d'écrire à l'intention du Régent. Le jour commençant à décliner, les valets apportèrent de lourds flambeaux d'argent et allumèrent toutes les chandelles posées aux bras de lumière. Pendant que le duc de La Force et John Law s'installaient commodément dans de larges fauteuils, Fagon fut invité à s'asseoir à la table à écrire et à tailler ses plumes. La calligraphie d'un conseiller d'Etat étant incomparable, il lui revenait naturellement de prendre toutes les notes de séance.

Ainsi, pendant près de deux heures, Saint-Simon, une main derrière le dos, l'autre tenant une longue pipe hollandaise sur laquelle il tirait de petites bouffées, ne cessa, tout en faisant les cent pas, de dicter le résultat de leurs réflexions communes.

Lorsqu'un mot lui manquait, qu'une expression lui résistait ou que la passion l'étreignait au point de lui faire perdre le fil de sa pensée, il fixait avec vénération le grand portrait de Louis XIII suspendu dans l'entrefenêtre et rappelait, à haute voix, que sous son règne on tranchait, d'un bon coup de hache, le cou des mécontents, des conspirateurs et des nobles révoltés, puis il reprenait sa marche à travers la vaste pièce. La dictée dura jusqu'à neuf heures du soir ; il fut convenu ensuite de faire porter le mémoire à l'abbé Dubois et au garde des Sceaux.
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Le roi d'Angleterre promettait de s'entremettre pour obtenir de l'empereur Charles VI qu'il garantisse les droits du Régent à la couronne de France et reconnaisse enfin Philippe V comme roi d'Espagne. En échange de quoi l'Autriche se voyait gratifiée de la Sicile et de quelques duchés italiens qui allaient lui assurer cette présence en mer Méditerranée perdue depuis son renoncement aux prétentions espagnoles. Par ailleurs, et de façon à se gagner les bonnes grâces d'Èlisabeth Farnèse, la redoutable épouse de Philippe V, l'abbé et Stanhope avaient imaginé l'amadouer en prévoyant au bas du traité que son fils don Carlos, dont elle était folle, hériterait de la Toscane à la mort du grand-duc régnant.
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Ces messieurs du parlement de Paris auxquels jamais le Régent n'aurait dû permettre de faire entendre leur caquet de plaideurs se croyaient revenus au temps de Philippe le Hardi. Les voilà qui se prenaient encore une fois pour les pères de la Nation et cherchaient à se mêler des affaires de l'Etat. Comme si ces laquais à robes pourpres pouvaient prétendre à autre chose qu'à rendre la justice au nom du roi !

Ceux qui avaient dicté à Louis XIV ses dernières volontés étaient responsables d'un grand crime contre la Couronne car, en obligeant le Régent à négocier avec tous ces bonnets carrés pour pouvoir entrer dans ses droits, ils lui avaient fait ouvrir une boîte de Pandore dont sortaient chaque jour de nouvelles remontrances d'une impudence qui confinait désormais au crime de lèse-majesté.

Fallait-il que le vieux roi ait été bien diminué ou fermement tenu en lisières par la bigote de Saint-Cyr pour ne pas avoir compris qu'en affaiblissant son neveu il affaiblissait l'Etat et rendait à ces graves magistrats dont il s'était toujours méfié un pouvoir qu'il n'aurait jamais toléré sous son propre règne. L'égoïsme proverbial des princes venant à la rencontre de celui d'un mourant terrifié par le Jugement dernier et autres momeries du même genre s'était transformé en fléau.
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Un quart d'heure plus tôt, Son Eminence le cardinal Alberoni s'était présentée aux portes des appartements royaux. Il affichait la mine préoccupée des jours où le destin vous est contraire, mais il savait le moment propice : le roi n'entendait jamais aussi bien les mauvaises nouvelles qu'après avoir entièrement vidé le carquois.

Un valet à la solde du tout-puissant Premier ministre l'ayant prévenu que le couple venait de courir une cinquième poste, il s'était aussitôt précipité, car il détenait, grâce à un courrier du prince de Cellamare, des informations qui ne laissaient plus aucun doute sur la gravité de la situation pour l'Espagne.

Ces mauvaises nouvelles contrariaient d'autant plus le cardinal que sa propre obstination à refuser les dernières ouvertures de l'Angleterre n'était pas pour rien dans ce retournement de la situation diplomatique.
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« Je suis maîtresse de mon argent et je n’ai que faire de votre politique, je la sais mieux que vous ; vous ferez donc ce que vous voudrez avec vos créanciers, je n’entre point dans tout cela C’est l’affaire de M. du Maine... »
Brillon restait trop attaché aux intérêts de son maître pour ne pas tenter le tout pour le tout. D’après ce qui se chuchotait à Paris, la princesse de Conti demandait plus de six cent mille livres de cette maison dont seul le gros œuvre était achevé. Avec les travaux encore à venir, c’était plus d’un million qu’il faudrait dépenser avant de pouvoir en prendre vraiment possession.
Cette sarabande de chiffres commençait décidément à tourner la tête de la princesse, et elle y mit un terme en renouvelant ses ordres :
« Il me faut cette maison avant un mois, ma présence est nécessaire à Paris. »
L’intendant au désespoir chercha encore à gagner du temps, expliquant qu’une telle somme serait difficile à réunir dans des délais aussi brefs et en l’état de délabrement des comptes, mais cette fois il reçut une réponse le renvoyant à sa servitude :
« Monsieur, un domestique doit exécuter les ordres qu’on lui donne... »
Brillon, conscient que cette dernière folie allait achever de ruiner son maître, n’en salua pas moins très respectueusement la princesse et quitta la pièce à reculons pour ne pas l’offenser en lui tournant le dos.
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