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Citations sur Écrits corsaires (40)

Une bonne partie de l'antifascisme d'aujourd'hui, ou du moins ce qu'on appelle antifascisme, est soit naïf et stupide soit prétextuel et de mauvaise foi. En effet elle combat, ou fait semblant de combattre, un phénomène mort et enterré, archéologique qui ne peut plus faire peur à personne. C'est en sorte un antifascisme de tout confort et de tout repos. Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé la société de consommation, définition qui paraît inoffensive et purement indicative. Il n’en est rien. Si l’on observe bien la réalité, et surtout si l’on sait lire dans les objets, le paysage, l’urbanisme et surtout les hommes, on voit que les résultats de cette insouciante société de consommation sont eux-mêmes les résultats d’une dictature, d’un fascisme pur et simple.
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La fièvre de la consommation est une fièvre d'obéissance à un ordre non énoncé. Chacun, en Italie, ressent l'anxiété, dégradante, d'être comme les autres dans l'acte de consommer, d'être heureux, d'être libre, parce que tel est l'ordre que chacun a inconsciemment reçu et auquel il "doit" obéir s'il se sent différent.
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Aucun centralisme fasciste n'est parvenu à faire ce qu'a fait le centralisme de la société de consommation. Le fascisme proposait un modèle, réactionnaire et monumental, mais qui restait lettre morte. Les différentes cultures particulières (paysannes, sous-prolétariennes, ouvrières) continuaient imperturbablement à s'identifier à leurs modèles, car la répression se limitait à obtenir leur adhésion en paroles. De nos jours, au contraire, l'adhésion aux modèles imposés par le centre est totale et inconditionnée. On renie les véritables modèles culturels. L'adjuration est accomplie. On peut donc affirmer que la "tolérance" de l'idéologie hédoniste voulue par le nouveau pouvoir est la pire des répressions de toute l'histoire humaine. Mais comment une telle répression a-t-elle pu s'exercer? A travers deux révolutions, qui ont pris place à l'intérieur de l'organisation bourgeoise : la révolution des infrastructure, et la révolution du système d'information. Les routes, la motorisation, ect., ont désormais uni les banlieues au centre, en abolissant toute distance matérielle. Mais la révolution des mass media a été encore plus radical et décisive. Au moyen de la télévision, le centre s'est assimilé tout le pays, qui était historiquement très différencié et très riche en cultures originales. Une grande oeuvre de normalisation parfaitement authentique et réelle est commencée et - comme je le disais - elle a imposé ses modèles : des modèles voulus par la nouvelle classes industrielle, qui ne se contente plus d'un "homme qui consomme" mais qui prétend par surcroît que d'autre idéologies que celle de la consommation sont inadmissibles. C'est un hédonisme néolaïque, aveuglément oublieux de toute valeur humaniste et aveuglément étranger aux sciences humaines.
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Nous n'avons rien fait pour qu'il n'y ait pas de fascistes. Nous les avons seulement condamnés, en flattant notre conscience avec notre indignation; plus forte et impertinente était notre indignation, plus tranquille notre conscience.
En vérité, nous avons eu une attitude fasciste envers les fascistes (je parle surtout des jeunes) : nous avons hâtivement et impitoyablement voulu croire qu'ils étaient prédestinés à être fascistes par leur race et que, face à cette détermination de leur destin, il n'y avait rien à faire. Et ne nous le dissimulons pas : nous savions tous, dans notre vraie conscience, que quand l'un de ces jeunes décidait d'être fasciste, c'était purement fortuit, ce n'était qu'un geste sans motifs et irrationnel ; un seul mot aurait peut-être suffi pour qu'il en allât différemment. Mais jamais aucun d'entre nous n'a parlé avec eux, ou ne leur a parlé. Nous les avons tout de suite acceptés comme d'inévitables représentants du Mal, tandis qu'ils n'étaient sans doute que des adolescents et adolescentes de dix-huit ans qui ne connaissaient rien à rien, et qui se sont jetés la tête la première dans cette horrible aventure par simple désespoir.
Mais nous ne pouvions pas les distinguer des autres (je ne dis pas des autres extrémistes, mais de tous les autres). Voilà notre épouvantable justification.
Le staretz Zossime (littérature pour littérature!) a tout de suite su distinguer, parmi ceux qui s'étaient rassemblés dans sa cellule, Dimitri Karamazov, le parricide. Alors il s'est levé de sa chaise et est allé se prosterner devant lui; il a agi ainsi (comme il devait par la suite l'expliquer au plus jeune des Karamazov) parce que Dimitri était destiné à faire la chose la plus horrible et à éprouver la douleur la plus inhumaine qui soit.
Pensez (si vous en avez la force) au garçon ou aux garçons qui sont allés déposer les bombes sur la place de Brescia. Ne fallait-il pas se lever et se prosterner devant eux?
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Ce que l'on note avant tout, c'est une idée qui semble immédiatement aberrante à une personne normale : pour écrire quelque chose, il faut que quelqu'un possède une "autorité". Sincèrement, je ne comprend pas comment on peut avoir une telle idée en tête. J'ai toujours pensé, comme n'importe quelle personne normale, que derrière qui écrit doit se trouver la nécessité d'écrire, la liberté, l'authenticité, le risque. Penser qu'il doive y avoir quelque chose d'officiel et de social qui "fixe" l'autorité de quelqu'un est une pensée - précisément aberrante - qui est évidement due à la déformation subie par qui ne sait plus concevoir la vérité en dehors de l'autorité.
Moi, je n'ai derrière moi aucune autorité, sinon celle qui me vient paradoxalement de n'en pas avoir et de ne pas en avoir voulu, et du fait que je me suis mis en situation de n'avoir rien à perdre, et donc de n'être fidèle à aucun pacte qui ne soit celui qui me lie à un lecteur que, du reste, je juge digne de la recherche la plus scandaleuse.
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DEUX mots reviennent fréquemment dans les conversations ; ce sont même les mots clefs des conversations. Il s'agit de "développement" et de "progrès". Deux synonymes?
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"le Pouvoir a décidé que nous sommes tous égaux".
La fièvre de la consommation est une fièvre d'obéissance à un ordre non énoncé. Chacun, en Italie, ressent l'anxiété, dégradante, d'être comme les autres dans l'acte de consommer, d'être heureux, d'être libre, parce que tel est l'ordre que chacun a inconsciemment reçu et auquel il "doit" obéir s'il se sent différent. Jamais la différence n'a été une faute aussi effrayante qu'en cette période de tolérance. L'égalité n'a, en effet, pas été conquise, mais est, au contraire, une "fausse" égalité reçue en cadeau.
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Les Italiens ont accepté d'enthousiasme ce nouveau modèle que leur impose la télévision, selon les normes de la production qui crée le bien-être (ou, mieux, qui sauve de la misère). Ils l'ont accepté, ce modèle, oui, mais sont-ils vraiment en mesure de le réaliser?

Non. Ou bien ils le réalisent matériellement seulement en partie et en deviennent la caricature, ou ils ne parviennent à le réaliser que d'une façon si réduite qu'ils en deviennent victimes. Frustration ou carrément désir névrotique sont désormais des états d'âme collectifs. Prenons un exemple : les sous-prolétaires, jusqu'à ces derniers temps, respectaient la culture et n'avaient pas honte de leur propre ignorance ; au contraire, ils étaient fiers de leur modèle populaire d'analphabètes appréhendant pourtant le mystère de la réalité. C'est avec un certain mépris effronté qu'ils regardaient les "fils à papa", les petits-bourgeois, dont ils se différenciaient, même quand ils étaient forcés de les servir. Aujourd'hui, au contraire, ils se mettent à avoir honte de leur ignorance : ils ont abjuré leur modèle culturel (les très jeunes ne s'en souviennent même plus, ils l'ont complètement perdu), et le nouveau modèle qu'ils cherchent à imiter ne prévoit ni l'analphabétisme, ni la grossièreté. Les jeunes sous-prolétaires - humiliés - dissimulent le nom de leur métier sur leurs cartes d'identité et lui substituent le qualificatif d'"étudiant". Bien évidement à partir du moment où ils ont commencé à avoir honte de leur ignorance, ils se sont également mis à mépriser la culture (caractéristique petite-bourgeoise, qu'ils ont immédiatement acquise par mimétisme). Dans le même temps, le jeune petit-bourgeois, dans sa volonté de s'identifier au modèle 'télévisé" - qui, comme c'est sa classe qui l'a créer et voulu, lui est essentiellement naturel - devient étrangement grossier et malheureux. Si les sous-prolétaires se sont embourgeoisés, les bourgeois se sont sous-prolétarisés. La culture qu'ils produisent, comme elle est technologique et rigoureusement pragmatique, empêche le vieil "homme" qui est encore en eux de se développer. De là vient que l'on trouve en eux une certaine déformation des facultés intellectuelles et morales.
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« Mais qu’a à faire avec la religion une famille prise comme «  base » de la vie d’un monde complètement industrialisé, dont la seule idéologie est un néo-hédonisme totalement matérialiste et laïque aux sens les plus stupides et les plus passifs de ces termes? « 
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Il faut lutter avant tout contre la "fausse tolérance" du nouveau pouvoir totalitaire de la consommation, en s'en écartant avec toute l'indignation du monde! Puis, il faut imposer à l'arrière-garde, encore clérico-fasciste, de ce pouvoir toute une série de "vraies" mesures libérales concernant le coït (et donc ses effets) : anticonceptionnels, pilules, techniques amoureuses différentes, une moralité moderne de l'honneur sexuel, etc. Il suffirait que tout cela soit démocratiquement diffusé par la presse et surtout par la télévision, et le problème de l'avortement serait en fin de compte résolu ;
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