En tant qu'amateur de romans d'espionnage, j'ai tendance à sous-classer ce genre littéraire en 3 catégories :
- La 1ère, celle des romans dits de gare, avec en figure de proue, la fameuse série des OSS 117, récits à la production prolifique et à la crédibilité un peu bancale mais qui permettent de profiter d'un moment de lecture dépaysant voire suranné, sans prétention et reposant. (Dans un registre un peu différent, citons les SAS avec un contexte historico-politique souvent très documenté mais une profusion de sexe et de violence)
- La 2ème, celle du roman géopolitique et technologique, à la
Tom Clancy, pointu jusque dans le moindre détail, ancré dans un réalisme qui va parfois jusqu'à rejoindre la réalité (Le roman «
Sur Ordre » évoquait une attaque kamikaze d'un avion de ligne sur le capitole bien avant le 11/09/2001)
- La dernière, celle du roman d'espionnage littéraire et dans laquelle je classerais volontiers l'oeuvre de
Ian Fleming et son célébrissime héros James Bond, devenu une icône cinématographique (d'ailleurs fort éloignée du personnage originel mais ceci est un autre débat).
Dans quelle catégorie, allais-je donc ranger cette « Momie drômoise » ? Eh bien, dans aucune ou plutôt dans les 3 ! C'est, en effet, le tour de force de
Paul Eric Allégraud de nous proposer un roman et un univers originaux, aux dimensions multiples et complémentaires, tant sur la forme que sur le fond. Sur le fond, sans trop en dévoiler, Poljack, barbouze travaillant pour une agence paragouvernementale officieuse, en vacances chez sa soeur, va se retrouver sur la piste de trafiquants d'objets archéologiques et, en particulier, de momies de l'AltaÏ. S'en suivra un périple jusqu'aux frontières de la Russie, dans les steppes de Mongolie, en passant par la capitale des Gaules, Bruxelles et, bien sûr, la Drôme.
Sur la forme, il y a, tout d'abord, lieu de retenir le style, léché, précis, concis mais loin d'être aride avec des descriptions soignées et des détails savamment distillés sur les lieux visités par Poljack dans son aventure. Les décors sont, d'ailleurs, loin de la carte postale idyllique et l'on découvre des coulisses peu reluisantes (confer les bas-fonds d'Oulan Bator). Ensuite, on peut retenir la propension de l'auteur à s'adresser, à intervalle régulier, directement au lecteur. D'ordinaire, j'avoue que c'est un procédé que je n'apprécie que modérément, mais, ici, il est utilisé à bon escient et même, de manière plutôt réjouissante, avec une gouaille que n'aurait pas dénigré Audiard ou
Frédéric Dard et qui rythme opportunément le déroulé de l'histoire, notamment dans des moments de respiration bienvenus. Enfin, si l'action est bien présente dans la trame du roman, elle n'est pas outrancière et revêt des atours crédibles. Poljack n'est pas un super-héros, il est souvent désabusé, en proie au doute. Il lui arrive de commettre des erreurs et il le reconnaît d'ailleurs aisément. Les « méchants » de l'histoire s'inscrivent également dans cette forme de crédibilité. Ceci dit, l'auteur ne sombre pas dans le piège d'un excès de réalisme qui deviendrait lénifiant et, ainsi, l'ennui n'est jamais de mise.
En conclusion, c'est une superbe découverte que « La momie drômoise ». La patte très spécifique de
Paul Eric Allégraud fait merveille. Son univers est cohérent, son personnage principal, solide dans sa construction narrative, attachant dans son humanité forcément imparfaite et puis, on voyage gratis jusqu'en Mongolie. Que demander de plus ?