Citations sur 40 jours de nuit (10)
« Dans la vie, rien est à craindre, tout est à comprendre. » Elle avait raison, cette bonne vieille Marie Curie.
(Hachette, p. 132)
J’ai perçu les ondes qui émanaient d’elle. Intenses, implacables, pernicieuses. Ainsi qu’une malveillance impitoyable, inhumaine, qui appartenait aux ténèbres. Une fureur sans bornes. Une marée noire dans laquelle tout s’engouffrait.
(Hachette, p. 200)
" Je croyais que la peur de l'obscurité était la plus anciennes de toutes. Peut-être avais-je tord. Et si ce que l'on craignait n'était pas l'obscurité elle-même, mais ce qu'elle apporte avec elle ? Ce qui se niche en elle ?"
"Si j'allume une lampe, je peux encore discerner les chiens, ou le poteau aux ours. Avec deux lampes, cela devient plus difficile. Et avec trois, je ne vois plus que les reflets de ces dernières dans les vitres. Une remarque très banale, je le sais, mais, dans cet endroit, elle me frappe, comme s'il s'agissait d'une nouvelle découverte : étrange, de penser que la lumière puisse nous empêcher de voir."
- Gruhuken... porte malheur. Il s'y est passé de drôles de choses.
- Lesquelles?
- De mauvaises choses.
- Mais quoi, enfin? Y a-t-il des courants dangereux dans la baie? De fortes intempéries au-dessus de la calotte glaciaire? Quoi donc?
Il a mâchouillé sa moustache, puis a répondu:
- Des événements parfois bien pires.
Il y a encore un éclat de lune dans le ciel. Mais plus pour longtemps. J'ai l'intention d'accrocher une lampe-tempête aux ramures de renne placées au-dessus du porche.
Hier soir, j'ai mis le Gramophone en marche, puis la radio, mais ces voix désincarnées n'ont fait qu'amplifier mon sentiment de solitude. J'ai alors préféré lire, en écoutant le sifflement des lampes, les grésillements du poêle et le tic-tac de l'horloge de voyage de Gus. Elle est en cuir de vachette vert olive, lisse et fraîche au toucher, et son cadran cerclé d'or est d'une belle simplicité. Je la garde près de moi.
[...]
Il est 20 heures. Je suis assis à la table avec un verre de whisky. Trois lampes brillent d'un vif éclat. N'importe qui pourrait me voir distinctement depuis la promenade de planches. Evidemment, il n'y a personne alentour. Mais cette idée me déplaît. Et je n'aime pas voir ces vitres noires quand je lève les yeux. Je pourrais peut-être les couvrir, pour empêcher la nuit de regarder à l'intérieur.
"Tuer ou être tué. Voilà à quoi l'existence se résume dans ces lieux. Malgré tout, je ne trouve pas cette idée effroyable. Elle contient une part de vérité. Une sorte de beauté pure."
Dans l'une de mes revues scientifiques, j'ai lu que nos connaissances ne représentent qu'un pourcentage minuscule de ce l'univers contient réellement. Selon l'auteur de cet article, le reste demeure invisible, indétectable, même s'il est bien là, et il l'appelle Dark Mater, "matière noire". Évidemment personne n'y croit ; mais cette idée me perturbe. Non pas tant la notion en elle-même, qui incarne simplement une représentation insolite du cosmos. Non, ce qui me trouble, c'est le sentiment qui m'envahit parfois qu'il puisse exister des choses autour de nous, dont nous ne savons rien.
Je me sens chez moi à Grunhuken ; je ne m'y étais pas attendu. J'adore cet endroit. J'aime aussi la clarté et la désolation du lieu. Oui, même sa cruauté. Parce qu'elle est authentique et qu'elle fait partie intégrante de la vie.
Sans cette brève lueur, quand on ne voit plus que l'obscurité derrière la fenêtre, le doute s'insinue avec une terrifiante rapidité. Les soupçons surgissent à la périphérie de l'esprit : peut-être n'y a-t-il plus rien au-delà de ces fenêtres. Peut-être n'y a-t-il rien d'autre que soi-même dans cette cabine et, au-delà, les ténèbres.