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Citations sur Oeuvres Poétiques (166)

Arbre au-dedans/En regardant en écrivant

LA DULCINÉE DE MARCEL DUCHAMP
À Eulalio Ferrer.
— Vous voilà bien métaphysique.
— Je fais du strip-tease.


Ardue mais plausible, la peinture
change la toile blanche en plaine brune
et en Dulcinée la poussière castillane,
tourbillon résolu en sculpture.

Piétonne de Paris, en sa figure
— moulin de fictions, inhumaine
rigueur et géométrie — Éros tyran
dénude en cinq jets sa stature.

Femme en rotation qui se désagrège
et elle est jaillissement d'obliques et reflets :
Plus elle se déshabille, plus elle se nie.

L'esprit est une chambre aux miroirs ;
invisible dans le tableau, Dulcinée
perdure : elle fut femme et à présent idée.

p.558
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Poèmes (1899-1996)
INSTANTANÉS


 mélancolie d'un écrou attaqué par la rouille, un scarabée
roi d'une tasse brisée est couronné de papillons qui veillent
un fuselage endormi, tourne une poulie somnambule : pré-
monitions et ressouvenances ;

 pluie dansante sur les paupières de l'aube, pluie tenace
sur l'été dévasté, pluie ténue sur la vitre du convalescent,
pluie sur les confetti de fête, la pluie aux pieds légers, au
sourire triste ;

 tête de mort de quartz sur la table d'insomnie, inces-
santes cogitations de l'aube, os rongés, ciseaux, chignoles,
aiguilles et couteaux : pensée corridor des échos ;

p.612
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Poèmes (1899-1996)
INSTANTANÉS


 Apparaissent, disparaissent, reviennent, piaillent dans les
branches de l'arbre des nerfs, picorent les heures déjà
mûres — non pas des oiseaux ni des idées : réminiscences,
annonciations ;

 comètes-sensations, les pas du vent sur les braises de
l'automne, étincelles sur la tige du courant électrique : sur-
prise, rose soudaine ;
...

p.611
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Poèmes (1899-1996)

VERTE ÉTRENNE
À Roger Munier


…Tu danses et tu ne bouges pas,
quiétude ondoyante
dans la paume du vent.

Faisceau de lances de verre et d'étincelles,
vouloir terrestre devenu reflets,
herbe moins que la lumière et, plus que la lumière,
exhalaison palpable et intouchée :
le corps soudain de l'instant.

L'heure ouvre sa corolle,
midi s'immobilise,
j'écris à une table, je m'arrête,
j'écoute le bois se taire,
je regarde le reflet vert, le temps s'entrouvre.

p.607-608
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Poèmes (1899-1996)

VERTE ÉTRENNE
À Roger Munier


Né sur l'arête d'une brique
dans un coin du patio
brin d'herbe luttant
contre l'air et la lumière,
air et lumière lui-même.

Clarté aiguisée
en épingles intrépides,
sève tenace dissoute en transparence :
sur des tiges diaphanes
grappe d'émeraudes instantanées.

Épi de rosée,
tu as jailli de la pierre
comme une exclamation.

Tu viens juste de naître,
tu as mille ans, rien qu'une minute,
chaque jour le premier du monde.

Tu es un peu d'air
et une goutte de soleil,
tu es un battement de paupières….

p.607

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Versant est
GOLDEN LOTUSES (3)


Jardins décoiffés,
maison vaste comme un domaine.
Il y a beaucoup de chambres vides,
beaucoup de portraits de célébrités
inconnues.
         Violettes et noires,
sur des soies et des murs flétris
les empreintes digitales
des moussons giratoires.
Luxe et poussière. Chaleur, chaleur.
La maison est habitée par une femme blonde.
La femme est habitée par le vent.

p.272
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À Claude Estéban


Dans le bleu unanime
les dômes des mausolées
— noirs, concentrés, pensifs —
émirent soudain
             des oiseaux

p.268
VERSANT EST/DANS LES JARDINS DES LODÎ

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Arbre au-dedans
CHANSON À CONTRE-VOIX



Le jour est court,
            longue l'heure.
Je traverse des terrains vagues, des couloirs, des échos,
mes mains te frôlent et tu t'effaces,
je regarde mon image s'évanouir dans tes yeux,
l'heure trace, efface, forge des reflets
— mais je ne me trouve pas,
            je ne te vois pas.

Le jour est court,
            longue l'heure.
Une graine dort au fond du temps,
elle éclate soudain dans un bruit de syllabes,
c'est un mot, sans rien dire il décline
les noms du temps, le tien et le mien
— mais je ne me trouve pas,
            je ne te vois pas.

Les noms sont des fruits : ils mûrissent, tombent ;
l'heure est immense et en elle s'effondre.

p.573-574
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Arbre au-dedans
CHANSON À CONTRE-VOIX

      Je m'enjolive de vert clair,
      je n'imite ni ne fais pour faire.
JUAN ALFONSO DE BAENA*.


Le jour est court,
            longue l'heure.
Sans bouger je longe ses couloirs,
je gravis ses petits calvaires,
je descend ses marches impalpables,
je me perds dans des galeries transparentes
— mais je ne me trouve pas,
            je ne te vois pas.

Le jour est court,
            longue l'heure.
Je vois cette main obstiné qui trace
des signes circulaires sur la page,
Je vois mon ombre sur le papier, je vois
ma chute au centre vide de cette heure
— mais je ne me trouve pas,
            je ne te vois pas.

Le jour est court,
            longue l'heure.
Le temps se traîne, se cache, se guette,
le temps s'enterre, mottes impalpables,
le temps renaît, colonne invisible,
blesse mon front, griffe mes paupières
— mais je ne me trouve pas,
            je ne te vois pas.…

p.573
* Poète espagnol du XVè siècle, fut le compilateur d'un chansonnier qui porte son nom

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Arbre au dedans/AVANT LE COMMENCEMENT


Bruits confus, clarté incertaine.
Un autre jour commence.
C’est une chambre dans la pénombre
et deux corps allongés.

Dans mon front je me perds
par une plaine sans personne.
Les heures effilent leurs couteaux.
À côté de moi et lointaine
tu respires ;
tu flues et ne bouges pas.
Inaccessible si je te pense,
avec les yeux je te palpe,
je te regarde avec les mains.
Les songes nous séparent
et le sang nous unit :
nous sommes une rivière de battements.
Sous tes paupières mûrit
la semence du soleil.
                  Le monde
n’est pas encore réel,
le temps hésite :
              seule est certaine
la chaleur de ta peau.
Dans ta respiration j’écoute
la marée de l'aube,
la syllabe oubliée du Commencement.

p.572
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