Plat ineffable : une terrine d’artichauts, de carottes, de haricots verts et de truffes, tenus entre eux par une mince coulée de mousseline de foie gras et accompagnée d’un hachis de tomates à l’estragon.
Pour doubler le bonheur, il faut le partager ! (Paul Bocuse)
De cette volonté de lisibilité, les énoncés des plats servis chez Apicius sont éminemment symptomatiques. Les chroniqueurs gastronomiques les accusent souvent d'être sophistiqués à l'excès : ils se méprennent absolument. Sils sont longs, ces énoncés ne sont rien d'autre que précis. Ils n'intitulent pas le plat (comme le cassoulet ou la bouillabaisse), encore moins se contentent-ils d'y faire culturellement allusion (comme la sole Colbert ou le filet de bœuf Régence). Ils le décrivent lorsque Willy Slawinski parle d'un "mille-feuilles d'agneau aux endives, coulis aux oignons" ou de "noisettes de chevreuil au thé et citron vert poêlée de poire et mangue au gingembre confit", il donne de ces plats l'idée la plus juste qui se puisse concevoir.
La cuisine analytique (les compositions de poissons crus, de piments et de riz que propose la cuisine japonaise en sont les plus célèbres exemples) est, à l'inverse, un mode d'élaboration où les multiples éléments, loin de se fondre l'un dans l'autre, voisinent sur l'assiette de manière reconnaissable. De cette cuisine analytique (que plusieurs restaurateurs contemporains amènent chaque jour à de nouveaux sommets), on devine qu'elle révèle aussi bien la tâche de l'opérateur que celle du dégustateur. De l'opérateur puisque son activité s'offre de manière visible au regard, pour peu que celui-ci sache se faire attentif. Du dégustateur puisque c'est lui qui, associant à sa convenance des éléments jusque-là séparés, permet au plat d'exister véritablement.
La cuisine synthétique (des plats français traditionnels comme la blanquette et le bœuf bourguignon en constituent de parfaits spécimens) est un mode d'élaboration où, dès la casserole, les divers éléments qui composent le plat sont mêlés les uns aux autres, donnant naissance à une sorte de matière générale, uniforme et indifférenciée. De cette cuisine synthétique (qui semble trouver dans la bouillie sa forme superlative), on pourrait dire qu'elle censure à la fois le rôle du préparateur et celui du mangeur. Du préparateur puisque son travail se trouve dissimuler, comme enfoui dans cette sauce épaisse qui rend invisibles les opérations effectuées. D u mangeur puisque sa place se trouve escamotée, la fusion des différents ingrédients étant d'ores et déjà accomplie, le plat lui-même étant d'emblée quasiment pré-mâché.
Il y a plus de philosophie dans une bouteille de vin que dans tous les livres - Louis Pasteur
Maigrir est l'acte naïf de vouloir-être intelligent - Roland Barthes
- Mais d’où sortent ces gens ?
- Benoît... je me sens pas très à l’aise, ici...
- Tout va bien se passer... Euh... Eh bien, la petite salade d’été et... le merlan vapeur.
- Très bien... Je vous envoie le sommelier ?
- Ce n’est pas la peine... Nous prendrons une grande bouteille d’eau.
Mais après quelques minutes...
- Et voici l’huître tiède au safran...
- C’est magnifique mais...ce n’est pas ce que nous avons commandé...
- Monsieur Perrot tient à vous la faire goûter. Les courgettes-fleurs farcies aux langoustines
- Merci, merci...
- L’effiloché de raie à la crème de câpres...
- J’en ai les larmes aux yeux.
- Madame, Monsieur, bonjour... Est-ce qu’un verre de Chassagne-Montrachet vous ferait plaisir ? ... il vient de la maison Leflaive.
Et c’est Claude Perrot lui-même qui nous apporte le dessert.
- Tempura de pruneaux aux oranges confites. Le service est presque terminé. Je peux m’assoir deux minutes à votre table ?
- Merci, Monsieur. Je n’oublierai jamais votre huître tiède...
- Tout était éblouissant. Nous ne savons comment vous remercier.
- Mais c’est moi qui vous remercie ! Je l’ai vu tout de suite, vous êtes ici parce que la cuisine vous intéresse, pas pour épater la galerie... pas comme tous ces hommes d’affaires qui se passent leurs dossiers par-dessus les assiettes ! Ils s’en fichent de ma cuisine... Ils ne la goûtent même pas ! Ils viennent parce que c’est l’adresse la plus chic du quartier !!!
J'ai pour la cuisine presque autant de ferveur que pour la littérature. J'y pense continuellement.
Ta salade de crabe était extra. Mais tu peux mettre un peu plus de persil, un peu plus de ketchup!