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Citations sur La parole est un sport de combat (58)

Une part de mon métier d’avocat consiste à recevoir mes clients pour
les conseiller. J’organise donc des réunions soit seul avec le client soit en
présence de ses autres avocats.
Je m’efforce toujours d’osciller entre deux exigences : l’empathie et
l’autorité.
L’empathie, car l’avocat est d’abord quelqu’un que l’on consulte
lorsqu’on rencontre une difficulté, lorsqu’on est confronté à un doute,
fragilisé par une situation. Dans toutes ces situations, on a besoin de
parler à un tiers. Le métier d’avocat est donc avant tout un métier
d’écoute : comment pourrions-nous porter une parole (c’est l’étymologie
même du mot avocat : ad vocare, appeler à côté de soi) si nous ne
prenons pas au préalable la peine de l’écouter ?
Mais l’écoute a aussi ses limites. Je ne suis pas une assistante sociale.
Je ne suis pas un psychanalyste. Bref, je ne suis pas un déversoir de
paroles. Je suis un professionnel du droit. J’écoute pour autant que ce que
l’on me dit a un rapport avec le problème juridique pour lequel je suis
consulté. Combien de fois ai-je été confronté à des clients qui venaient
me raconter leur vie par le menu, dans les moindres détails, en me
donnant des documents froissés, tachés, désordonnés, insignifiants,
parfois apportés dans des sacs-poubelles ? C’est à ce moment-là qu’il
faut passer au second registre, celui de l’autorité. Non pas de
l’autoritarisme. Il s’agit juste d’indiquer que telle information n’est pas
nécessaire, de reprendre la main sur l’entretien en posant soi-même les
questions qui nous semblent utiles.
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Pendant la présentation, vous aurez un lutrin ou un pupitre derrière
lequel vous prendrez place. Placez bien votre texte. Avant de commencer,
respirez, balayez l’assistance du regard et comptez jusqu’à trois.
Pendant la lecture, respectez les indications annotées en marge du
texte. Demeurez le plus statique possible. Seuls vos bras peuvent bouger,
pour souligner une idée, mais soyez économe de gestes (pas de gestes
agressifs ou de martèlement de lutrin). Ne prenez pas de crayon. Posez
bien votre voix, de façon à ne pas vous fatiguer. Parlez au-delà du dernier
rang d’auditeurs. Donnez une image enthousiaste, et impliquez-vous dans
le prononcé de votre texte. Soyez pleinement concentré. Ne vous laissez
pas déstabiliser par la réaction de l’auditoire. S’il rit, ne riez pas vous-
même, ne vous arrêtez pas trop longtemps, redémarrez sur la fin des rires
pour conserver le rythme. Ne sortez pas de votre texte pour répondre à
une interjection venant de la salle, sauf si vous avez une répartie
extraordinaire.
Variez le ton. Lent, rapide, fort, doux, drôle, grave. On doit passer par
tous les registres. On ne change jamais assez de ton.
Enfin, préparez votre péroraison [conclusion]. Quelques lignes avant la fin, la voix
devient plus grave et le débit plus lent ou au contraire plus exalté. La
tension se crée, et la formule finale tombe.
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Et si finalement la peur était un bon signe ? À une comédienne qui lui
assurait n’avoir jamais le trac, Sarah Bernhardt rétorqua : « Ne vous
inquiétez pas, ça viendra avec le talent ! »
Le trac est inhérent à la prise de parole en public. Il faut bien l’avouer :
parler en public, s’exhiber, s’exposer aux regards parfois inquisiteurs
d’un auditoire n’est pas une activité naturelle.
Mais je crois que le trac n’est rien d’autre que la contrepartie de notre
propre exigence. Il naît du possible décalage entre ce que je vais produire
et ce que j’attends de moi. Si je n’attends rien de moi, je ne risque rien.
C’est pour cela que le trac est plutôt une vertu. Il montre que l’on n’est
pas entré dans une routine, dans un assoupissement. Il montre que la
prise de parole en public est encore une tension vers l’autre, un moment
singulier, exceptionnel, un réel sport de combat. Le trac ne disparaîtra
jamais totalement. Il ne doit pas disparaître. Il faut seulement faire en
sorte qu’il stimule et qu’il ne paralyse pas. Un trac galvanisant et non
paralysant. Je revendique mon trac. Je m’efforce seulement de le
domestiquer, d’en reconnaître les symptômes.
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Dans toute vie en société, bien parler, c’est-à-dire s’exprimer de façon
claire et convaincante, est essentiel. Savoir choisir les mots justes, les
bons mots, ceux qui émeuvent, ceux qui persuadent, ceux qui marquent,
c’est avoir une longueur d’avance.
Dans mon bureau, j’ai toujours à portée de main un petit livre, très
rare, qui pour moi dit tout de l’éloquence. Il s’agit des Remarques sur la
parole de Jacques Charpentier. Je vous en livre les premières lignes :
« La parole est action ou n’est rien. Parler, ce n’est pas jongler avec
des idées, ni polir des sentences, roucouler, faire des effets de manche,
poser pour le profil. Parler, c’est convertir. Au moins convaincre ; ou
raffermir des convictions chancelantes. »
Ces mots me touchent car je crois aussi que la parole permet à la fois
de forger ses idées, de les affiner et de les partager. Mais pour cela, il est
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essentiel qu’elle s’incarne dans des mots précis, qu’elle s’appuie sur un
vocabulaire fourni et qu’elle s’organise dans une structure appropriée.
Plus que jamais, nous avons besoin de ces vecteurs de la pensée que sont
les mots. Je ne suis pas passéiste, mais je déplore parfois que la parole ait
aujourd’hui tendance à perdre en richesse, en subtilité, dans les médias,
en politique, et aussi dans les prétoires. L’affadissement du langage va de
pair avec l’appauvrissement des idées. J’en suis convaincu : lutter contre
le premier, c’est combattre le second.
Nous avons pourtant un privilège : la langue française dispose de mille
et une nuances, ne nous en privons pas. Les institutrices d’antan le
disaient, et j’espère que celles d’aujourd’hui le répètent encore : les
verbes « être », « avoir » et « faire » peuvent toujours être remplacés, à
l’écrit comme à l’oral, par un verbe plus précis. Alors oui, refusons la
parole instinctive et rudimentaire, cultivons la synonymie, faisons l’effort
de la subtilité et ne nous contentons jamais de la première formulation
qui nous vient. La fréquentation assidue des dictionnaires constitue la
condition essentielle d’une parole efficace et juste.
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Et une règle d'or : quel que soit votre message, montrez que vous exprimer n'est pas pour vous une contrainte ou une épreuve. Le public n'a pas envie d'écouter quelqu'un qui a l'air d'aller à l'échafaud.
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J'essaie d'allier exigence et bienveillance. […] J'estime que l'exigence est un hommage qu'on rend aux élèves, à leur capacité à faire toujours mieux. À quoi cela sert-il si je leur adresse seulement des compliments ?
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Je ne suis pas passéiste, mais je déplore parfois que la parole ait aujourd’hui tendance à perdre en richesse, en subtilité, dans les médias, en politique, et aussi dans les prétoires. L’affadissement du langage va de pair avec l’appauvrissement des idées. J’en suis convaincu : lutter contre le premier, c’est combattre le second.
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La langue française dispose de mille et une nuances, ne nous en privons pas. Les institutrices d'antan le disaient, j'espère que celles d'aujourd'hui le répètent encore, les verbes "être" "avoir" et "faire" peuvent toujours être remplacés, à l'écrit comme à l'oral, par un verbe plus précis.
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Il est grand temps de réenchanter l'écriture et la parole. Que les amoureux quittent le confort des gens qui cliquent et retrouvent le trésor des bancs publics !
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C'est d'un lexique fourni que naît la nuance. La première formulation n'est jamais la meilleure. Pour être le plus audible possible, il faut polir les mots, les sculpter. Plus une formulation est précise, plus elle ouvre sur un débat et éloigne de la radicalité qui naît le plus souvent d'une pensée qui se caricature elle-même faute de pouvoir s'exprimer dans sa richesse et sa complexité. (p. 32)
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